Ordonnances Macron : le projet de loi d'habilitation en dix points

Ordonnances Macron : le projet de loi d'habilitation en dix points

23.06.2017

Gestion du personnel

Primauté de l'accord d'entreprise, CDI de projet, plafonnement des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif... Le 28 juin, le Conseil des ministres examinera le projet de loi d'habilitation qui permettra au gouvernement de réformer le droit du travail par ordonnances. Présentation des principaux axes de ce projet.

Les contours de la future réforme du travail commencent à se dessiner. Les mesures du projet de loi d'habilitation - qui permettra au gouvernement d'adopter des mesures relevant normalement du domaine de la loi - ont été dévoilées mercredi par Le Monde. Hier, la version intégrale de ce projet de loi a été publiée sur le site internet de l'Ugict-CGT. Ce projet sera présenté en Conseil des ministres mercredi prochain, le 28 juin. Lorsque la version définitive de cette loi d'habilitation sera publiée, le gouvernement aura six mois pour prendre ces mesures par ordonnances.

1. Davantage de place pour la négociation d'entreprise

Le gouvernement souhaite "attribuer une place centrale à la négociation collective d’entreprise". L'accord d'entreprise pourrait déroger aux dispositions de la branche, sauf pour certains domaines. Le projet de loi autoriserait ainsi l'exécutif à définir :

  • Les domaines réservés à la branche, auxquels les conventions ou accords d'entreprise ne pourraient pas déroger ;
  • Les domaines dans lesquels la branche pourrait stipuler expressément s’opposer à toute dérogation par convention ou accord d’entreprise.

Par ailleurs, les partenaires sociaux pourraient encadrer eux-même les consultations et négociations obligatoires. Ils en définiraient la périodicité et le contenu par accord collectif. La négociation en l'absence de représentants syndicaux dans l'entreprise serait facilitée, et les conditions de recours au référendum d'entreprise pour valider les accords assouplies. Le gouvernement entend également poursuivre le mouvement de restructuration des branches professionnelles.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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2. Sécuriser les contentieux

Le gouvernement compte "renforcer la prévisibilité" des employeurs en cas de rupture du contrat de travail. Pour ce faire, il envisage d'instaurer un barème des dommages et intérêts accordées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse comportant "des planchers et des plafonds obligatoires", en fonction de l’ancienneté. Objectif : laisser aux juges le pouvoir d'apprécier le préjudice subi et le montant des dommages et intérêts à verser entre ces deux limites. Tout en sécurisant, pour l'employeur, les sommes en jeu. Serait toutefois exclu de ce barème "tout licenciement résultant d’une discrimination ou de faits de harcèlement".

Le projet de loi vise également à réduire les "délais de recours contentieux en cas de rupture du contrat de travail", afin de raccourcir la durée d’incertitude pour l’employeur. Cette clarification toucherait également le domaine de l'inaptitude : le gouvernement entend revenir sur les obligations des employeurs en matière de reclassement pour inaptitude ainsi que sur les modalités de contestations des avis d'inaptitude. Enfin, l'exécutif s'intéresse à la prise d'acte par le salarié de la rupture de son contrat : ses conditions et conséquences seraient remises à plat.

3. Fusionner les IRP

Le projet de loi d'habilitation prévoit de fusionner en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT, en définissant les attributions et le fonctionnement de cette instance fusionnée. Y compris "les délais d’information-consultation, les moyens, le nombre maximal des mandats électifs successifs ainsi que les conditions et modalités de recours à une expertise". Les questions centrales resteront à trancher : nombre de représentants, d’heures de délégation et de salariés protégés. Par ailleurs, cette l’instance fusionnée pourrait constituer "une instance unique exerçant également les compétences en matière de négociation" des accords d’entreprise ou d’établissement. Un rôle jusqu'ici dévolu aux délégués syndicaux.

Sans faire allusion directement au chèque syndical, le texte précise que le salarié "pourrait apporter des ressources financées en tout ou partie par l’employeur au syndicat de son choix". Une option qualifiée par l’ANDRH de "fausse bonne idée" ; 71% des membres de l'ANDRH y sont opposés, selon le dernier sondage de l’association. Dans la droite ligne de la loi Rebsamen, l’exécutif compte également renforcer la formation des représentants des salariés, la reconversion professionnelle des salariés exerçant des responsabilités syndicales ou un mandat électif de représentation, en encourageant la reconnaissance des compétences acquises dans le déroulement de leur carrière. Le texte prévoit également de lutter contre les discriminations syndicales, en développant des "outils" ad hoc.

4. Assouplissement des contrats précaires

Côté contrat de travail, le gouvernement compte assouplir, par convention ou accord collectif de branche, les dispositions relatives au CDD et à l’intérim. Pourraient ainsi être négociés les motifs de recours à ce type d���emploi, leur durée et leur succession sur un même poste ou avec le même salarié.

Les accords collectifs qui autorisent le recours au travail de nuit seraient aussi sécurisés par de nouvelles mesures, de même que le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif "entre un groupe ou une entreprise et une jeune entreprise". A noter également, l’encouragement à certaines formes particulières de travail, notamment le télétravail et le travail à distance.

5. Le CDI de projet étendu à de nouveaux secteurs

Autre nouveauté : l'élargissement du recours aux CDI de projet, conclus "pour la durée d’un chantier" (actuellement réservés au BTP). Ces contrats pourraient être conclus "par accord de branche ou, à défaut, à titre expérimental".

6. Une nouvelle définition du périmètre d'appréciation du motif économique

Le texte revient sur une mesure proposée puis retirée de la loi Travail, l’appréciation du motif économique sur un périmètre national. Pour le moment, lorsqu'une filiale licencie, c’est la santé globale du groupe auquel elle appartient qui est prise en compte. Le gouvernement propose de redéfinir le périmètre d'appréciation des difficultés économiques, mais sans préciser s’il faut l’ouvrir à la France ou à l’Europe. Seules certitudes : le texte met en garde contre la création de "difficultés artificielles entre filiales d’un même groupe" et l’employeur devra remplir "son obligation de reclassement interne en sécurisant la définition des catégories professionnelles".

7. Nouveau seuil de déclenchement d'un PSE

Le gouvernement pourrait s'appuyer sur la directive européenne du 20 juillet 1998 pour modifier le seuil de déclenchement d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), en fonction de la taille de l'entreprise. Le nombre de licenciements intervenus sur une période de 30 jours pourrait ainsi être, si l'on suit la directive :

  • au moins égal à 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 salariés;
  • au moins égal à 10 % du nombre de travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 100 et moins de 300 salariés;

  • au moins égal à 30 dans les établissements employant habituellement au moins 300 salariés.

Aujourd'hui, une entreprise d'au moins 50 salariés doit procéder à un PSE si elle envisage de licencier plus de 10 salariés sur une période de 30 jours.

8. Des contraintes adoucies en matière de pénibilité

Le gouvernement prévoit de "simplifier les obligations de déclaration des expositions" en "définissant les conditions d’appréciation de l’exposition à certains facteurs de pénibilité et de compensation à partir du 1er janvier 2018". Le Premier ministre Edouard Philippe avait en effet annoncé, lors de la présentation à la presse du programme de travail du gouvernement le 6 juin, la désignation de "personnalités reconnues" "pour formuler dès l'automne des propositions opérationnelles". Initialement fixé au 30 septembre 2017, le délai de déclaration obligatoire des facteurs de pénibilité par les entreprises a été reporté au 31 décembre. "Nous devons fortement simplifier [la mise en œuvre du compte pénibilité] car il crée des contraintes trop fortes pour les entreprises, notamment les PME", avait-il justifié.

9. Décaler l'entrée en vigueur du prélèvement à la source

Le projet de loi inclut un article permettant de "décaler d’un an", au 1er janvier 2019, l’entrée en vigueur de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’imp��t sur le revenu.

10. Participation des salariés aux conseils d’administration

Sans préciser le seuil, l’exécutif entend améliorer "la représentation et la participation des salariés ou de leurs représentants dans les organes délibérants des entreprises, en particulier au sein des conseils d’administration" afin de "mieux les associer aux décisions de l’employeur dans certaines matières".

Anne Bariet et Laurie Mahé Desportes
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