Comment revaloriser les temps collectifs sur site, une fois les accord télétravail signés ? Avec le développement du travail hybride, les managers font face aux défis de l’organisation de la "co-présence". Telle est l'analyse de Keziah Coyo, consultante senior au sein du cabinet Plein Sens.
Après un recours dans l’urgence, "en mode dégradé", des tâtonnements et une période de stabilisation, tout laisserait à penser que le télétravail a enfin trouvé son rythme de croisière dans le monde de l’entreprise, à la fois objet de dialogue social et levier pour améliorer les conditions de travail. Pourtant chez les managers le sentiment de subir le télétravail de leurs équipes vient parfois ternir ce tableau : en creux, d’importantes difficultés à faire revenir leur collaborateur sur site que ce soit pour un remplacement, une séance de travail en équipe ou plus globalement pour faire vivre un collectif de travail qui semble se déliter. Accompagner les managers dans l’animation complexe du travail hybride nécessite un outillage spécifique permettant de prendre en charge ce qui constitue une nouvelle prérogative managériale : la capacité à trouver de nouveaux équilibres entre temps collectifs sur site et préférences organisationnelles des individus. Le référentiel managérial doit ainsi évoluer pour tenir compte de ces nouvelles compétences qui renforcent le rôle central du manager pour accompagner les collaborateurs dans des organisations du travail durables. |
Selon le dernier bilan de la négociation collective, avec la crise Covid-19, le nombre d’accords d’entreprise portant sur le télétravail est passé de 390 en 2017 à 2 760 en 2020 et 4 070 en 2021. S’ils ont d’abord permis de sécuriser la pratique d’un point de vue réglementaire et législatif, ils ont surtout accompagné l’installation d’une nouvelle norme organisationnelle : le travail hybride, avec au quotidien une partie des salariés sur site et une autre à distance. Si les bénéfices individuels, en faveur d’une meilleure articulation vie professionnelle et vie personnelle, sont plébiscités par les télétravailleurs, cette hybridité des modes de fonctionnement ajoute néanmoins une complexité organisationnelle supplémentaire pour l’entreprise et en particulier pour les managers : charge à eux d’organiser le nouveau cours de l’activité, bouleversée tant sur ses aspects matériels (les environnements et outils de travail), que culturels (avec une évolution du rapport au travail des individus, vécu comme plus délicat à gérer). L’hybridité en exposant ainsi les managers à des situations de travail plus complexes, appelle de nouvelles compétences pour (re)constituer un collectif de travail vivant et performant.
Pour des collectifs de travail éclatés géographiquement, les solutions technologiques ne peuvent pallier toutes les difficultés. Elles ne résolvent pas en particulier les problématiques de conciliation des préférences organisationnelles des individus avec les exigences de l’activité. Lorsqu’un accord collectif ou l’impulsion de la direction incite à une plus grande prise en compte des situations individuelles voire personnelles des salariés, la position du manager de proximité, au titre "d’organisateur du travail de première ligne" peut rapidement devenir difficile à tenir. En effet, c’est lui qui dans la recherche de solutions adaptées à chaque équipe fait directement face aux tensions portées par l’hybridité et aux multiples questionnements qu’elle entraine. Les risques se cristallisent généralement autour de la question de la répartition de la charge de travail, du maintien de l’engagement et de la cohésion des équipes, du partage de l’information, de l’intégration des nouveaux entrants et de la transmission des compétences.
Ces problématiques ne sont néanmoins pas nouvelles et adressent directement les prérogatives "classiques" du management : organiser le travail, piloter l’activité, réguler la charge, animer et accompagner les individus et les collectifs. D’ailleurs, lorsque qu’on les questionne sur les problématiques liées au travail hybride ils sont les premiers à les relativiser, tout en partageant le sentiment de les subir, faute souvent d’avoir pu instituer des temps collectifs réguliers identifiés comme une ressource clef. On peut ici citer les travaux de Sandrine Caroly qui éclaire la distinction entre le "travail collectif" défini comme la manière dont on coopère, régule et se répartit le travail, et le "collectif de travail" qui se construit autour du partage de règles métiers, de critères sur la qualité du travail, de valeurs et du sens entre les collaborateurs. C’est selon elle ce que viendrait contrarier le télétravail et donc la nécessaire articulation entre collectif de travail et travail collectif est la condition du développement d'une activité collective, permettant de gagner en efficacité, de développer ses compétences et plus largement de soutenir les individus dans leur travail. Aussi, le nouveau défi ne porterait alors plus seulement sur l’encadrement du travail à distance mais sur l’organisation d’une "co-présence sur site" à même de garantir équité, efficacité, cohésion d’équipe, qualité du travail et bonnes conditions de et du travail. Vient ainsi s’ajouter aux prérogatives du manager, la capacité à trouver ces nouveaux équilibres entre temps collectifs sur site et préférences organisationnelles des individus.
"Je peux pas, c’est mon jour de télétravail" : quand bien même le cadre collectif bannit le principe de jours fixes, nombreux sont les managers rencontrés dans le cadre de nos interventions qui s’avouent impuissants à faire revenir leurs salariés au bureau, que ce soit pour participer à des réunions d’équipes, contribuer activement à des séances de travail en collectif ou même pour remplacer des collègues absents et assurer ainsi la continuité de service. Etablir les modalités de disponibilités sur site et à distance ouvre un nouveau champ de négociation, où les considérations d’ordre personnel et familial semblent prendre le dessus sur les facteurs proprement liés à l’organisation collective. Avec le sentiment pour les managers que le télétravail considéré comme un droit place désormais au second plan les objectifs de qualité du travail et de performance sur lesquels ils doivent pourtant rendre des comptes.
Sans remettre en cause les avancées majeures permises par le développement du télétravail et plus largement le changement de regard collectif sur de nouvelles façons de travailler, il semble primordial aujourd’hui de redonner du sens aux temps collectifs sur site. Pour cela, il est indispensable de repartir de ce qui réunit le collectif au départ, à savoir les exigences d’un travail bien fait, pour les clients de l’entreprise ou les bénéficiaires du service public. Entamer une discussion sur le travail réel et les conditions d’un travail de qualité est un levier permettant de donner à voir les contraintes de l’activités et responsabiliser les équipes. Mais il s’agit également de trouver collectivement les compromis nécessaires pour atteindre les objectifs de performance en favorisant l’entraide. Le nouveau régime de travail hybride peut offrir un levier efficace pour rénover un projet collectif et stabiliser un équilibre optimum entre délivrance du service attendu, efficacité et équité, et intégration des préférences d’organisation individuelle.
Savoir encourager, organiser et animer les temps de présence au bureau, une fois les habitudes des télétravailleurs prises, serait-elle en passe de devenir la nouvelle compétence-clé du référentiel managérial ? Ce qui pouvait paraître anecdotique avant la pandémie, nécessite aujourd’hui des managers de déployer davantage d’efforts, et souvent requiert de nouvelles compétences pour faire vivre ces temps collectifs : les organiser, les réguler, les animer et in fine les pérenniser. Ces processus de concertation et de co-production de formules d'organisations légitimes supposent notamment de maîtriser des techniques d'animation stimulant le partage d'information au sein de l'équipe, ou encore des techniques d’écoute active.
Outre le développement de nouvelles compétences, l’organisation du travail hybride offre une opportunité de repositionner le management en appui au développement de l’autonomie et de la responsabilisation des équipes. Pour les y aider, le développement d’espaces d’échange entre pairs, pour se soutenir et trouver ensemble des réponses aux situations problématiques, constituera un soutien précieux. La méthodologie des espaces de discussion sur le travail pour lancer et encadrer ces discussions présente à ce titre des intérêts évidents. Ils prévoient des temps privilégiés entre professionnels d’une même équipe ou partageant une situation de travail commune et qui se retrouvent, de préférence en présentiel, pour discuter du travail réel, de ses exigences et de ses contradictions à partir de situations de travail concrètes ; et ainsi adapter les modes de fonctionnement et produire des propositions d’amélioration pour faire face aux exigences du travail en présentiel comme à distance.
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