Ouvrages de prévention des inondations : de nouvelles dispositions pour la GEMAPI
03.09.2019
Environnement
Deux décrets apportent de nombreuses modifications aux mesures concernant les systèmes d'endiguement et les aménagements hydrauliques. Ces derniers font l'objet d'un traitement plus étoffé.
À la suite des ajustements que le législateur a apportés, avec la loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017, aux modalités d’exercice de la compétence GEMAPI, le ministère de la transition écologique a procédé, avec le décret n° 2019-119 du 21 février 2019, à une mise en cohérence, à règles constantes, de la réglementation précitée.
Environnement
La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)
À l’aune du retour d’expérience de la première année d’exercice de la compétence GEMAPI et des premières demandes de régularisation des digues existantes, il est apparu que des clarifications, adaptations et simplifications pouvaient utilement être apportées à cette réglementation, pour faciliter sa mise en œuvre par les collectivités.
Ces modifications, qui restent limitées et ne remettent pas en cause l’économie générale de la réglementation, concernent non seulement la réglementation générale concernant les ouvrages hydrauliques, mais aussi les dispositions spécifiques concernant les systèmes d’endiguement et les aménagements hydrauliques dits de "stockage préventif des venues d’eau".
Des règles de sécurité et de sûreté s'appliquent à certains ouvrages hydrauliques classés (classes A à C). Le décret revoit les conditions de classement de la classe C des systèmes d'endiguement (C. envir., art. R. 214-113) :
- les systèmes d'endiguement qui protègent moins de 3 000 personnes et qui comportent essentiellement une ou plusieurs digues établies antérieurement à la date de publication du décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 relatif aux règles applicables aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sûreté des ouvrages hydrauliques ;
- les autres systèmes d'endiguement assurant la protection d'une population comprise entre 30 et 3 000 personnes.
Le décret supprime le non-classement des petites digues de moins de 1,5 mètre.
Le décret modifie certaines dispositions de l'étude de danger qui s'applique notamment aux systèmes d'endiguement quelle soit leur classe et aux aménagements hydrauliques (C. envir., art. R. 214-115).
♦ Contenu de l'étude de danger
Le contenu de l'étude de danger est modifié :
- barrages ou conduites forcées (C. envir., art. R. 214-116, II) : lorsque l’étude de dangers est établie, la description de la procédure permettant un examen exhaustif de l'état des ouvrages est transmise au préfet au moins six mois avant la transmission de l’étude à ce dernier. Pour la construction ou la reconstruction d’un barrage, l’étude de dangers démontre la maîtrise des risques pour la sécurité publique au cours de l’une quelconque des phases du chantier ;
- systèmes d'endiguement (C. envir., art. R. 214-116, III) : le décret supprime les références aux aménagements hydrauliques qui font désormais l'objet d'une étude de danger spécifique (v. ci-dessous) ;
- aménagements hydrauliques (C. envir., art. R. 214-116, IV) : le décret crée un contenu particulier pour ces aménagements :
- l’étude de dangers porte sur la totalité des ouvrages qui le composent ;
- elle quantifie la capacité de l’aménagement hydraulique à réduire l’effet des crues des cours d’eau, des submersions marines et de tout autre événement hydraulique naturel dangereux, tels les ruissellements, à l’aval immédiat de celui-ci. Elle précise les cas où cette capacité varie en fonction de conditions d’exploitation prédéfinies ;
- elle précise les territoires du ressort de l’autorité compétente qui bénéficient de manière notable des effets de l’aménagement hydraulique ;
- elle justifie que les ouvrages qui composent l’aménagement hydraulique sont adaptés au niveau de protection défini et qu’il en va de même de leur entretien et de leur surveillance ;
- elle indique les dangers encourus par les personnes en cas de crues ou submersions ou de tout autre événement naturel dangereux dépassant le niveau de protection, ainsi que les moyens du gestionnaire pour anticiper ces événements et, lorsque ceux-ci surviennent, alerter les autorités compétentes pour intervenir et les informer pour contribuer à l’efficacité de leur intervention ;
- elle comprend un résumé non technique de l’ensemble de ces éléments.
♦ Actualisation de l'étude de danger
Le décret modifie les modalités d'actualisation de l'étude de danger transmise au préfet (C. envir., art. R. 214-117, II).
S'agissant du niveau de protection d'une zone exposée au risque d'inondation ou de submersion marine, le décret fait désormais la distinction entre les systèmes d'endiguement et les aménagements hydrauliques (C. envir., art. R. 214-119-1) :
- pour les systèmes d'endiguement, la détermination du niveau de protection reste inchangée. Il est précisé que ceux assurant une protection contre les inondations provoquées par les cours d’eau torrentiels ou contre la submersion marine, l’étude de dangers précise les autres paramètres observables qui sont susceptibles de caractériser les phénomènes dangereux contre lesquels le système d’endiguement apporte une protection ;
Pareillement, le décret fait la distinction entre (C. envir., art. R. 214-119-2) :
- les digues comprises dans un système d’endiguement : elles sont conçues, entretenues et surveillées de façon à garantir l’efficacité de la protection procurée par ce système à la zone considérée contre les inondations provoquées par les crues des cours d’eau et les submersions marines ;
- les aménagements hydrauliques : leur conception, leur entretien, leur surveillance et leur exploitation sont effectués de façon à garantir leur efficacité au regard du niveau de protection (v. ci-dessus) et justifiée par l’étude de dangers.
Le décret prévoit, pour les propriétaires ou exploitants de systèmes d'endiguement, que (C. envir., art. R. 214-122) :
- le dossier technique doit comprendre, en plus des pièces demandées, les notices explicatives relatives aux ouvrages de régulation des écoulements hydrauliques ;
- le rapport d'auscultation doit concerner l’ensemble des ouvrages qui composent ce système, y compris ses
éventuels dispositifs de régulation des écoulements hydrauliques.
Le décret réécrit la procédure applicable aux systèmes d'endiguement ne paraissant plus respecter les garanties d'efficacité requise.
Il étend également cette procédure aux aménagements hydrauliques : le préfet peut obliger le gestionnaire de ces ouvrages de faire procéder, à ses frais, dans un délai déterminé, et par un organisme agréé, à un diagnostic de ces ouvrages. Ce diagnostic propose les moyens pour rétablir les performances initiales de l'ouvrage ou pour fixer pour ceux-ci un niveau de protection inférieur. Le gestionnaire doit proposer sans délai au préfet les mesures qu’il retient. Dans le cas où ce gestionnaire propose de diminuer le niveau de protection, il organise préalablement une information du public en publiant une notice exposant ce choix sur son site internet pendant une durée minimum d’un mois (C. envir., art. R. 214-127, II).
Les dispositions concernant la sécurité et la sûreté des ouvrages (C. envir., art. R. 214-122, R. 214-125 et R. 214-126), dans leur rédaction antérieure au décret, restent applicables aux digues autorisées avant cette date jusqu'à leur intégration dans un système d'endiguement ou, à défaut, jusqu'à leur neutralisation (D., art. 18).
♦ Modalités de prise d'un arrêté complémentaire
Le décret réécrit les conditions dans lesquelles un arrêté complémentaire peut autoriser un système d'endiguement en lieu et place d'une autorisation. Trois conditions cumulatives sont exigées (C. envir., art. R. 562-14, II) :
- l'ouvrage repose essentiellement sur une ou plusieurs digues établies antérieurement au décret du 12 mai 2015 et bénéficiant d’une autorisation en cours de validité à cette date ou qui ont été autorisées en vertu d’une demande introduite antérieurement à celle-ci ;
- le dossier est déposé au plus tard le 31 décembre 2019 lorsque l'ouvrage envisagé relève de la classe A ou de la classe B ou au plus tard le 31 décembre 2021 pour les autres systèmes d’endiguement.
- la demande ne concerne aucuns travaux de construction d’ouvrages neufs ni de modifications substantielles d’ouvrages existants.
Dans ce cas, le dossier comprend un nombre de pièces réduit : noms et coordonnées du pétitionnaire (C. envir., art. R. 181-13, 1°) et pièces spécifiques aux systèmes d'endiguement et aux aménagements hydrauliques (C. envir., art. D. 181-15-1, IV).
♦ Report des échéances de responsabilité des gestionnaires de digues
Le décret prévoit que les dates à partir de laquelle les exclusions de responsabilité de gestionnaires de digues prendront fin - 1er janvier 2021 pour les digues protégeant plus de 3 000 personnes, 1er janvier 2023 pour celles protégeant moins de 3 000 personnes - peuvent être reportées de 18 mois dans le cas où le préfet accorde une prolongation de délai (C. envir., art. R. 562-14, IV).
♦ Mise en oeuvre des règles de sécurité
L’obtention de l’autorisation - autorisation initiale ou par arrêté complémentaire - emporte, pour les ouvrages et infrastructures qui ont été inclus dans un système d’endiguement, l’application des règles relatives à leur sécurité et à leur sûreté (C. envir., art. R. 214-112 à R. 214-128). Ces obligations incombent au titulaire de l’autorisation (C. envir., art. R. 562-14, V).
Toutefois, le propriétaire ou le gestionnaire ou le concessionnaire de l’ouvrage ou de l’infrastructure qui ont été inclus dans le système d’endiguement peut réaliser des tâches matérielles liées à l’application des règles relative à leur sécurité et à leur sûreté, pour le compte du titulaire de l’autorisation, si une convention conclue avec ce dernier le prévoit (C. envir., art. R. 562-14, V).
♦ Digues établies avant 2015
Une digue établie antérieurement au 14 mai 2015 n’est plus constitutive d’une digue si elle n’est pas incluse dans un système d’endiguement autorisé à l’une des deux dates suivantes (C. envir., art. R. 562-14, VI) :
- le 1er janvier 2021, pour une digue qui protégeait plus de 3 000 personnes ;
- le 1er janvier 2023, pour les autres digues.
Dans ce cas, l’autorisation dont bénéficiait l’ouvrage est réputée caduque. Le titulaire de cette autorisation devenue caduque doit neutraliser l’ouvrage dans certaines conditions (C. envir., art. L. 562-8-1 et L. 181-23).
♦ Protection de la zone exposée
Le décret fixe à l'aménagement hydraulique un objectif de diminution de l'exposition d'un territoire au risque d'inondation ou de submersion. En outre, il introduit une nouvelle condition : un des ouvrages relève des critères de classement (A, B ou C) ou le volume global maximal pouvant être stocké est supérieur ou égal à 50 000 mètres cubes (C. envir., art. R. 562-18).
♦ Modalités de prise d'un arrêté complémentaire
Un arrêté complémentaire (C. envir., art. R. 181-45 et R. 181-46, II) peut autoriser un aménagement hydraulique en lieu et place d'une autorisation. Trois conditions cumulatives sont exigées (C. envir., art. R. 562-19, II) :
- l’aménagement hydraulique comporte un ou plusieurs ouvrages établis avant le 14 mai 2015 et bénéficiant d’une autorisation en cours de validité à cette date ou qui ont été autorisées en vertu d’une demande introduite antérieurement à celle-ci ;
- le dossier est déposé au plus tard le 31 décembre 2019 lorsque l’un au moins des ouvrages envisagés relève de la classe A ou B ou au plus tard le 31 décembre 2021 pour les autres aménagements hydrauliques.
- la demande ne concerne aucuns travaux de construction d’ouvrages neufs ni de modifications substantielles d’ouvrages existants.
♦ Report du délai de mise en conformité
A défaut d’avoir été intégré dans un aménagement hydraulique, un barrage est réputé ne pas contribuer à la prévention des inondations et des submersions à compter du 1er janvier 2021 s’il est de classe A ou B et à compter du 1er janvier 2023 pour les autres barrages. Ces échéances sont toutefois reportées de 18 mois dans le cas où le préfet accorde une prolongation de délai (C. envir., art. R. 562-19, III).
Un second décret (n° 2018-896) simplifie le dossier qu'une collectivité exerçant la compétence GEMAPI transmet au préfet quand elle doit solliciter une autorisation environnementale pour des systèmes d'endiguement ou des aménagements hydrauliques.
Le contenu du dossier d'autorisation concernant ces ouvrages est allégé dans le cas où l'ouvrage est autorisé par un arrêté complémentaire (C. envir., art. R. 562-14, II et R. 562-19, II). Ainsi, le nombre de pièce exigées est réduit :
- au titre des pièces de l'autorisation environnementale, seules sont exigées les noms et coordonnées de l'exploitant (C. envir., art. R. 181-13, 1°) ;
- au titre des pièces particulières à ces ouvrages en revanche, toutes les pièces complémentaires restent exigées (C. envir., art. D. 181-15-1, IV).