Pacte : « ces mesures offrent aux entreprises davantage de liberté », selon L. Julienne

Pacte : « ces mesures offrent aux entreprises davantage de liberté », selon L. Julienne

03.06.2019

Gestion d'entreprise

Assouplissement du régime des actions de préférence, réforme du commissariat aux comptes, etc. La loi Pacte prévoit de nombreuses mesures impactant le droit des sociétés. Laurent Julienne, managing partner et associé du cabinet Lerins & BCW, nous explique les conséquences pratiques pour les entreprises.

La loi Pacte a été publiée au Journal officiel le 23 mai. De nombreuses mesures impactent le droit des sociétés. Laurent Julienne, managing partner et associé du cabinet Lerins & BCW, nous apporte quelques éclairages sur les dispositions concernées.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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De nombreux changement ont été apportés par la loi Pacte en droit des sociétés. Sont-ils positifs pour les entreprises ?

De manière générale, ces mesures offrent aux entreprises davantage de liberté. L’assouplissement du régime des actions de préférence dans les sociétés anonymes « classiques », dans lesquelles seront désormais autorisées les actions de préférence à droit de vote multiple, va dans ce sens.

Par ailleurs, la possibilité pour l’assemblée générale des sociétés par actions de déléguer à l’organe de direction la réalisation d’une opération de fusion-absorption facilite également ce type d’opération. Un décret est attendu pour en préciser les modalités.

Quant à la réforme du commissariat aux comptes, elle permet aux entreprises de taille limitée de réaliser des économies qui sont, pour les plus petites d’entre elles, significatives.

Cela va dans le bon sens car ces changements interviennent dans des situations où les risques sont limités (tout particulièrement pour les petites sociétés en ce qui concerne les dispenses de commissariat aux comptes) et sont assortis d’un certain nombre de garde-fous qui leur confèrent un certain équilibre. Ainsi, des actionnaires représentant au moins 10 % du capital pourront demander en justice la désignation d’un commissaire aux comptes. La loi Pacte s’inscrit dans une perspective de faire du droit français des affaires offrant souplesse et créativité tout en demeurant encadré.

Le régime des actions de préférence a été assoupli. Quel est l’intérêt pour les entreprises ?

Par un phénomène de sédimentation imparfait résultant d’apports législatifs successifs, il n’était par exemple pas possible pour les sociétés anonymes « classiques » de créer des actions de préférence assorties de droits de vote multiple contrairement aux SAS. Le législateur est venu réparer ce qui peut s’apparenter à une anomalie. Désormais, quelle que soit sa forme (SA, SCA, SAS), toute société par actions non cotée peut émettre des actions de préférence à droit de vote multiple dès leur création.

Ainsi, si une société contrôlée par sa famille fondatrice fait entrer un investisseur dans le capital de sa société anonyme à directoire et conseil de surveillance, elle pourra rester majoritaire en droits de vote tout en devenant minoritaire en capital, le tout en conservant la même forme de société et les mêmes instruments légaux de gouvernance. En d’autres termes, ce type de mesure peut faciliter le financement des entreprises familiales, enjeu économique majeur en France.

Autre exemple : jusqu’à présent, les actions de préférence assorties d’une faculté de rachat par la société émettrice ne pouvaient être rachetées que sous réserve de l’accord de cette dernière. Désormais, les sociétés non cotées pourront également prévoir que ces actions de préférence pourront être rachetées par la société à l’initiative de leurs titulaires. Cette évolution accroît de fait les modalités de financement des entreprises.

Autre contrainte qui existait antérieurement à la loi Pacte : une société par actions ne pouvait pas créer d’actions de préférence (autres que celles permettant l’amortissement du capital et la modification de la répartition du bénéfice) sans obtenir l’accord des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital. La loi Pacte a supprimé cette contrainte, ce qui offre plus de liberté pour le financement des entreprises, et cela sans dégrader à mon sens les intérêts des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital.

Concernant la réforme des seuils de désignation du commissaire aux comptes, quelles sont les conséquences pour les sociétés ?

La loi Pacte prévoit des seuils uniformes, pour toutes les sociétés commerciales, au-dessous desquels la nomination d’un commissaire aux comptes sera facultative. Ces seuils ont été fixés par décret par référence aux seuils européens, plus élevés que ceux actuellement en vigueur en France pour les SAS. Sur le principe, la loi Pacte ne fait qu’étendre à toutes les sociétés commerciales un mécanisme de dispense qui existait déjà dans les SAS et dont l’expérience des dernières années a montré qu’il ne générait pas particulièrement d’insécurité financière, la présence d’experts-comptables permettant en principe d’assurer cette sécurité financière. Pour les entreprises qui vont bénéficier de cette dispense, cela représentera une économie de plusieurs milliers d’euros, ce qui n’est pas négligeable pour celles qui sont de petite taille.

Il sera néanmoins possible de mettre en place, sur une base volontaire, un audit légal pour les petites entreprises qui portera essentiellement sur la revue des comptes annuels.

Dans quel cas l'audit légal optionnel sera intéressant ?

Cette faculté sera intéressante pour les entreprises dispensées d’avoir un commissaire aux comptes mais souhaitant « afficher » des comptes audités à l’égard de leurs éventuels investisseurs actuels ou futurs (business angels, fonds d’investissement, etc.).

Enfin, ne perdons pas de vue que les commissaires aux comptes continueront d’être sollicités pour des opérations d’apport ou encore pour des opérations d’augmentation de capital avec suppression du droit préférentiel de souscription, y compris pour les sociétés bénéficiant de la dispense de commissaire aux comptes. Ce dernier point est une spécificité introduite par la loi Pacte et contribuera à sécuriser les opérations de levée de fonds, y compris celles réalisées par les petites entreprises.

propos recueillis par Leslie Brassac
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