Pas de simplification administrative dans la D(S)N des TPE

Pas de simplification administrative dans la D(S)N des TPE

02.12.2016

Gestion d'entreprise

La majorité des TPE ne profitera de la déclaration sociale nominative (DSN) que si les éditeurs de logiciels de paie et les experts-comptables baissent leurs tarifs. Selon notre enquête, les conditions ne semblent pas réunies pour y parvenir.

La DSN va-t-elle conduire à simplifier la paperasserie des entreprises ? Pour les TPE, la réponse à cette question se trouve généralement entre les mains des experts-comptables et des éditeurs de logiciels de paie. La raison : la majorité de ces entreprises font appel à un professionnel du chiffre pour réaliser leurs obligations sociales, comme le montrent deux études (lire l’encadré ci-dessous). Et le passage obligatoire à la DSN va les obliger à s'équiper en logiciel de paie, si ce n'est pas déjà fait.

 
La quasi-totalité des TPE externalise les déclarations sociales
87 % des entreprises de moins de 10 salariés confient leurs déclarations sociales à un prestataire externe, expert-comptable ou non, selon un PDF iconsondage réalisé en 2015 par la Cour des comptes auquel 1041 entreprises ont répondu — elles sont 59 % à le faire toutes tailles confondues. Or, ce même sondage montre que la quasi-totalité des entreprises (86 %), toutes tailles confondues, qui font appel à un prestataire externe s’adressent à un expert-comptable pour cette tâche. Il en ressort probablement que 75 % de ces TPE recourent à un expert-comptable pour leurs déclarations sociales (87 % * 86 %). A noter que ce sondage n’a pas prévu, parmi la liste des prestataires externes, les éditeurs de logiciel de paie alors qu’ils sont pourtant fréquemment utilisés par les entreprises. Une étude de 2014 (intitulée Marché de la profession comptable) du Conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables (CSOEC)  fait apparaître elle aussi une externalisation fréquente des tâches sociales auprès de la profession comptable. 75 % des entreprises de 3 à 5 salariés font appel à ce prestataire et 53 % de celles de 6 à 19 salariés.

 

Pour que les TPE profitent de la DSN, il faut donc que les experts-comptables en tirent un bénéfice. Et à supposer que ce soit le cas, il faut aussi que ce professionnel libéral, dont les honoraires sont libres, répercute les gains sur ses tarifs, c’est-à-dire acceptent de les baisser voire fournissent davantage de services pour le même prix. Il est également nécessaire que les éditeurs de logiciels de paie baissent leurs prix. Tout cela semble donc très théorique.

Un succès, selon le Gip-MDS

La semaine dernière, Eric Hayat, président de l’organisation justement en charge de la DSN, le GIP-MDS, prétendait que cette réforme "est une grande économie de temps et une fiabilisation importante pour les entreprises". Nous lui avons alors demandé si les conditions ci-dessus étaient réunies pour que les TPE en profitent. "La DSN présente un enjeu économique, a-t-il répondu. Il s’élève à 8 milliards d’euros par an si vous multipliez le coût d’un bulletin de paie, de 25 euros par mois et par salarié, par le nombre de salariés. Au départ, nous craignions que les experts-comptables soient contre la DSN parce que ce sont les premiers impactés. Dans l’immense majorité des cas, les experts-comptables sont satisfaits car cela leur permet de faire autre chose. Certains ont baissé leurs tarifs, d’autres disent ne pas avoir baissé leurs tarifs mais pouvoir jouer leur rôle de conseil auprès de leurs clients", a-t-il argumenté. Bref, pour le président du Gip-MDS, la DSN serait donc un succès pour toutes les entreprises. Un constat que semble partager Marc Luccioni, président du comité utilisateurs du Gip-MDS. "En supprimant des déclarations, la DSN fait gagner du temps, ce que l’on constate chez les experts-comptables. L’économie est réelle mais le chiffrage définitif est difficile à réaliser", analysait-il récemment.

Des avis d'experts-comptables divergents

Problème : sur le terrain, ce n’est pas toujours la même musique que l’on entend. "La DSN est très consommatrice en temps. Pour chaque dossier à basculer, il faut paramétrer le logiciel de paie, explique Nathalie Tagnati. De plus, notre cabinet doit absorber des coûts supplémentaires, en logiciels et en formation. Le gain pour nous ne se fera sentir qu’à terme, pas avant un an", résume cet expert-comptable mémorialiste installé à Ajaccio. Un témoignage semblable à celui que livrait Jean-Marc Morel, expert-comptable, en juin dernier. "Pour les cabinets qui sont passés complètement à la DSN, il n’y a plus de perte de temps mais les gains espérés ne sont pas au rendez-vous. Il y a un investissement important pour passer à la DSN". Certains sont même globalement insatisfaits du dispositif. Pour Stéphane Benayoun, expert-comptable, cette réforme entraîne un surcoût de 30 % pour la production sociale de son cabinet.

Bibliovigie, le journal de l’Ordre, jette un pavé supplémentaire dans la marre

Ces témoignages ne sont pas isolés à en croire un sondage réalisé en juin dernier auprès d’experts-comptables. Réalisé par le CSOEC lui-même, la teneur a été divulguée hier par Bibliovigie, le journal du CSOEC. Il en ressort notamment que "90 % des cabinets estiment que le passage à la DSN a un coût (50 % évaluent ce coût inférieur à 5000 €, un tiers l’estime compris entre 5 000 et 20 000 €)". Autre enseignement : "60 % considèrent que la DSN ne leur fait pas gagner de temps" et "68 % mettent en avant les pertes de productivité actuelles sur les missions paie". Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce "que 40 % des cabinets aient facturé spécifiquement le passage à la DSN", comme le révèle Bibliovigie. Ce sondage, même s’il pointe des effets positifs comme le fait que "45% des cabinets considèrent la DSN comme un outil améliorant la qualité des dossiers paie", jette donc un pavé supplémentaire dans une mare qui était déjà sur le point de déborder. Plusieurs sources nous indiquent rencontrer des problèmes avec la dernière phase de la DSN. "Certaines caisses sociales nous écrivent pour nous dire qu’elles ne seront pas prêtes en janvier pour la phase 3, précise Nathalie Tagnati, qui souligne toutefois que "dans l’ensemble, cela s’est à peu près bien passé pour la phase 2". Ce sondage du CSOEC diverge également avec un autre sondage, publié en septembre, réalisé lui aussi par le CSOEC mais en partenariat avec le Gip-MDS ! Que dit-il ? Pas un mot sur les difficultés rencontrées par les experts-comptables. Au contraire, ils sont "70 % à reconnaître qu’une fois généralisée, la DSN apportera une valeur ajoutée. Les cabinets voient à travers la DSN un dispositif innovant permettant un envoi unique à l’ensemble des destinataires, un gain de temps chaque mois, une norme unique et structurée". On sait que les sondages sont à prendre avec beaucoup de précaution...

Interrogation sur le comportement des éditeurs de logiciels de paie

Enfin, qu’en est-il du comportement des éditeurs de logiciels de paie. Baissent-ils leurs prix à l’égard des TPE ? "Il y a des éditeurs de logiciels qui font payer une mise à jour", reconnait Elisabeth Humbert Bottin, directrice du Gip-MDS. Et les autres, sont-ils prêts à diminuer leurs tarifs ? Michel Chassang, président de l'union nationale des professions libérale (Unapl), une organisation qui représente de très nombreuses TPE, résume ainsi le sujet : "la DSN est une bonne idée. Mais elle va se mettre en place aux frais des entreprises". Pour la majorité des TPE, cela semble être le cas.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Ludovic Arbelet
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