Le Sénat examine aujourd'hui le projet de loi Gestion de la sortie de crise sanitaire, qui prévoit de conditionner l'accès aux grands rassemblements aux seules personnes vaccinées ou testées négatives à la Covid-19. Cette mesure pourrait entrer en conflit avec le droit du travail. Explications avec Camille Pradel, avocat spécialiste de la santé au travail.
A partir de juin, il sera peut-être possible de limiter l'accès à certains lieux aux personnes non-susceptibles de propager le virus de la Covid-19. A travers le projet de loi Gestion de sortie de crise sanitaire, le gouvernement envisage de conditionner l'accès aux grands rassemblements (plus de 1 000 personnes) à la présentation du résultat d’un examen de dépistage négatif, d'un justificatif de vaccination ou d'un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Cette mesure, qui serait mise en oeuvre par décret entre juin et septembre 2021, viserait les activités de loisirs, mais également les "foires ou salons professionnels", selon le texte adopté le 11 mai par les députés. Un flou subsiste : pour l'instant, aucune précision n'a été donnée sur la mise en oeuvre de cette mesure pour les salariés.
"On ne sait pas comment vont s'articuler les règles du pass sanitaire avec celles du code du travail, qui sont d'ordre public, constate Camille Pradel, avocat au sein du cabinet Pradel. En vertu du principe de non-discrimination, un employeur ne peut pas écarter un salarié lorsqu'il est malade. Et encore moins l'obliger à se faire vacciner ou même dépister. Tout ce qui concerne le champ médical relève exclusivement de la compétence du médecin du travail, garant de la préservation de la confidentialité des données de santé des salariés".
Cette omission du champ professionnel est-elle délibérée? C'est en tout cas l'avis de maître Pradel. "Je pense que le gouvernement préfère éviter la question dans un premier temps, quitte à exclure ensuite expressément les salariés du champ d'application de cette mesure. En revanche, s'il choisit de rendre le pass applicable aux salariés, le dispositif nécessitera de nombreuses adaptations. Il sera probablement très difficile à mettre en place dans les entreprises, car cela représentera une charge énorme pour les services de santé au travail."
Pourtant, la question de l'articulation avec le droit du travail semble inévitable. La mesure pourrait bel et bien conduire à refuser l'accès du salarié à son lieu de travail. Par exemple, dans le cas d'un salarié travaillant sur un festival. Les règles particulières du droit du travail conduiront-elles à prévoir des conditions d'accès différentes entre les salariés du festival et les simples visiteurs ? La question se complique encore si l'on pense aux salons professionnels, dont les intervenants mais aussi les visiteurs sont majoritairement des salariés dans l'exercice de leur mission.
"Il est impossible en l'état du droit de refuser à un salarié l'accès aux lieux de travail pour un motif lié à son état de santé, insiste Camille Pradel. La situation est très délicate pour le législateur. Pour imposer un contrôle des pass à l'entrée d'un lieu où le salarié exerce son travail, il va falloir justifier que le pass est une mesure proportionnée. Or, cela fait un an que l'on nous assure que les gestes barrières sont suffisants pour assurer efficacement une prévention des contaminations. Comment légitimer l'utilisation du pass en plus des mesures sanitaires déjà intégrées par les entreprises?"
Vert : entrée autorisée
Le 12 mai, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) s'est prononcée en urgence sur ce dispositif déjà controversé. Elle pose les garde-fous nécessaires, notamment en appelant à l'interdiction, pour les professionnels non-visés par le dispositif, de mettre en place un pass sanitaire de leur propre chef pour accéder à leur établissement. Elle incite fortement le gouvernement à multiplier les garanties en matière de données personnelles, tant les données de santé sont sensibles.
Dans un souci de confidentialité de ces données, la Commission propose que le pass mentionne la même réponse selon que la personne ait été vaccinée, ait passé un test négatif ou se soit remise d'une infection à la Covid-19. En pratique, la fonctionnalité "Carnet" de l'application TousAntiCovid (qui serait vraisemblablement utilisée pour accéder aux lieux concernés) ne pourrait donner que deux résultats : soit vert, soit rouge, selon que la personne soit autorisée ou non à entrer.
Là encore, les précisions restent à déterminer pour le milieu professionnel. "Si le législateur choisit de rendre applicable le pass sanitaire aux salariés, quelle solution choisira-t-il d'appliquer lorsqu'un salarié n'a pas de pass valide à présenter ? s'interroge maître Pradel. Il y a urgence à donner les règles du jeu. Si le pass est applicable dans les entreprises dans un mois ou deux, les employeurs doivent savoir rapidement comment gérer les cas des salariés dont l'entrée est refusée".
Pour les précisions, il faudra attendre la préparation des décrets d'application du texte. Pour l'instant, le projet de loi Gestion de sortie de crise sanitaire doit encore être adopté par le Sénat. Le texte y est examiné dès aujourd'hui, mardi 18 mai, et jusqu'à demain soir si les discussions s'éternisent.
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