Dans son avis rendu hier, le Conseil d'Etat entérine les grandes orientations du projet de loi sur le passe sanitaire et l'obligation vaccinale. Le projet de loi, présenté hier en Conseil des ministres, a été modifié à la marge sur ces deux points.
Le Conseil d'Etat avait déjà été amené, le 6 juillet dernier, à se prononcer sur le principe du passe sanitaire dans le cadre d'une procédure en référé. Il avait refusé de suspendre ce dispositif, mais il s'agissait alors d'un passe sanitaire dont l'usage était restreint, prévu uniquement pour les déplacements à destination ou en provenance de l’étranger, de Corse ou des Outre-mer, et pour l’accès à certains lieux, établissements ou événements impliquant de "grands rassemblements de personnes (loisirs, foires, salons professionnels…)". Dans son avis sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire rendu hier, le Conseil d’Etat entérine l'extension du passe sanitaire. D'une part, il estime que le contexte sanitaire actuel et son évolution prévisible justifient le maintien jusqu’au 31 décembre 2021 des dispositions organisant le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire et permettant l’édiction des mesures de police sanitaires nécessaires à la lutte contre l’épidémie. D'autre part, le Conseil d'Etat admet la généralisation à la vie quotidienne de l'obligation de passe sanitaire. Il "estime qu’au vu des éléments communiqués par le gouvernement ainsi que des avis du Conseil scientifique, le fait de subordonner l’accès à des activités de loisirs, à des établissements de restauration ou de débit de boissons et à des foires et salons professionnels à la détention d’un des justificatifs requis est, en dépit du caractère très contraignant de la mesure pour les personnes et les établissements concernés, de nature à assurer une conciliation adéquate des nécessités de lutte contre l’épidémie de Covid-19 avec les libertés, et en particulier la liberté d’aller et venir, la liberté d’exercer une activité professionnelle et la liberté d’entreprendre".
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
S'agissant des mesures relatives au droit du travail, le Conseil d'Etat les avalise aussi dans leurs grandes lignes.
Le Conseil d’Etat considère que l’instauration d’une obligation vaccinale à l'égard de professionnels de santé et de ceux travaillant aux côtés de personnes vulnérables est proportionnée à la lutte contre l’épidémie de la Covid-19 et ne se heurte, dans son principe, à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Il constate que la liste des personnes concernées à travers leur lieu de travail et leur profession est précisément fixée par le texte.
Le Conseil d'Etat émet toutefois plusieurs réserves. Premièrement, la présentation des documents à l'employeur ne doit pas permettre de connaître l'origine de l'immunité. En effet, savoir que le travailleur a été infecté à la Covid-19 porterait atteinte à son droit au respect de la vie privée.
Deuxièmement, le Conseil d'Etat estime nécessaire d'établir expressément l'obligation de contrôle des employeurs. Le projet de loi amendé précise désormais que "les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l’obligation par les personnes placées sous leur responsabilité".
Troisièmement, si le Conseil d’Etat admet que le législateur peut créer un motif spécifique de suspension des fonctions et des contrats de travail, impliquant l’interruption du versement de la rémunération, il considère qu'une telle possibilité doit être assortie de garanties pour la personne concernée telles que l’information sans délai de cette décision et de la convocation à un entretien permettant d’examiner les moyens de régulariser la situation. Le projet de loi en tient compte et prévoit que la suspension des fonctions ou du contrat de travail (qui prendra fin dès que le travailleur régularise sa situation) lui est notifiée le jour même, par tout moyen. Par ailleurs, "la personne est convoquée à un entretien qui a lieu au plus tard dans un délai de cinq jours suivant la suspension afin d’examiner avec elle les moyens de régulariser sa situation".
Quatrièmement, s'agissant du licenciement qui peut découler de la suspension du contrat de travail à l'issue d'un délai de deux mois, le Conseil d’Etat rappelle qu’il est loisible au législateur de créer un motif spécifique de cessation de fonction ou de licenciement à condition de garantir à la personne concernée le respect des droits de la défense. Le Conseil d'Etat estime ainsi nécessaire de compléter le projet de loi afin de rendre applicable à ce nouveau motif de licenciement les procédures de licenciement pour motif personnel et celle applicable aux salariés protégés.
Enfin - et ce dernier point aurait pu impacter les modalités de rupture du contrat de travail précitées - le Conseil d’Etat retoque les dispositions relatives à la rupture du contrat des agents publics pour une question de forme car ces dispositions auraient dû être soumises pour avis au Conseil commun de la fonction publique. Afin de respecter le principe d'égalité entre agents publics et salariés, le Conseil d'Etat estime que les deux catégories ne peuvent être sanctionnées que dans le cadre des procédures disciplinaires de droit commun. Toutefois, comme le rappelle le Conseil d'Etat, cette consultation résulte d'une obligation législative dont la méconnaissance n’est pas sanctionnée par le Conseil constitutionnel. Le gouvernement peut donc décider de maintenir ces dispositions et c'est bien ce qu'il fait dans le projet de loi adopté en Conseil des ministres.
Le texte prévoit ainsi que "le fait de ne plus pouvoir exercer son activité pendant une durée supérieure à deux mois en raison du non-respect de l’obligation de présentation des documents mentionnés au précédent alinéa peut être un motif spécifique justifiant la cessation définitive des fonctions ou la rupture du contrat de travail". Seule différence avec l'avant-projet de loi : le gouvernement a renoncé à l'impératif ["Le fait pour un professionnel de ne plus pouvoir exercer pendant une période de plus de deux mois en application du présent III justifie son licenciement"].
Sur l'obligation de détenir un passe sanitaire pour les salariés de certains établissements
S'agissant des salariés soumis au passe sanitaire car ils travaillent dans un établissement soumis à cette obligation (activités de loisirs, culturelles, restaurants,...), le Conseil d’Etat estime que le fait d’imposer la détention du passe sanitaire à l’ensemble des professionnels et bénévoles intervenant dans ces établissements ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’exercice de leur activité professionnelle par les intéressés. Il retient le fait que ceux qui ne disposeraient pas d’un justificatif de vaccination pourront toujours présenter un certificat de dépistage négatif et que seuls ceux d’entre eux qui s’abstiendraient de présenter un tel certificat de vaccination pendant une période de deux mois consécutifs s’exposeraient à un licenciement ou à une cessation de fonction. Le Conseil d’Etat applique les mêmes réserves à leur licenciement qu'à ceux liés par l'obligation vaccinale.
Le projet de loi adopté hier en Conseil des ministres retient la même disposition que pour les salariés visés par l'obligation vaccinale : "Le fait de ne plus pouvoir exercer son activité pendant une durée supérieure à deux mois en raison du non-respect de l’obligation de présentation des justificatifs (...) peut être un motif spécifique justifiant la cessation définitive des fonctions ou la rupture du contrat de travail".
Le texte prévoit désormais aussi la tenue d'un entretien postérieurement à la suspension du contrat de travail. "Lorsque la situation [l'impossibilité de présenter les justificatifs] se prolonge pendant une durée de cinq jours, la personne est convoquée à un entretien afin d’examiner avec elle les moyens de régulariser sa situation".
A noter que là encore, la suspension du contrat de travail - qui prendra fin dès que le travailleur régularisera sa situation - doit lui être notifiée le jour même, par tout moyen.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat propose d’introduire dans le projet de loi une disposition permettant d’aménager par voie réglementaire le dispositif pour les personnes justifiant d’une contre-indication médicale à la vaccination. Ce sera chose faite par décret, précise le projet de loi.
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