Passer d’un système de prévention en santé du travail à un système axé sur la prévention en santé au travail ?

Passer d’un système de prévention en santé du travail à un système axé sur la prévention en santé au travail ?

10.12.2018

Gestion du personnel

Un collectif composé de médecins du travail, de syndicalistes, de professionnels RH et de consultants, insistent, dans cette chronique, sur la nécessité d’améliorer la prévention et la promotion de la santé sur le lieu de travail. Voici pourquoi.

Comme mentionné par le rapport de la députée Charlotte Lecocq sur la santé au travail, corédigé avec Henri Forest et Bruno Dupuis, dans le cadre d’une mission confiée par le Premier Ministre, de nombreuses évolutions en matière de santé au travail sont nécessaires. Ce rapport est l’occasion de nourrir la réflexion sur les possibles changements concernant la prévention et la promotion de la santé sur le lieu de travail.

De la prévention en santé du travail à la prévention en santé au travail ?  

Dans une approche "traditionnelle", la prévention en santé du travail se concentre sur la limitation des risques professionnels, qu’il s’agisse de l’exposition aux substances chimiques, le transport de charges, la manipulation d’outils dangereux, le stress.

Sur la base d’une réflexion plus globale, la prévention en santé au travail peut se définir comme l'ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps (1). Elle repose sur les trois piliers de la prévention : la prévention primaire qui agit en amont de la maladie, la prévention secondaire qui intervient à un stade précoce de son évolution, et la prévention tertiaire qui est destinée à minimiser les complications et les risques de récidive.

Depuis les années 1980, les gouvernements tentent de consolider les systèmes de prévention en santé au travail. Ainsi, le Gouvernement d’Edouard Philippe, à travers la Stratégie nationale de santé 2018-2022, entend "promouvoir la santé au travail et développer une culture de prévention dans les milieux professionnels". (2) Le lien entre prévention en santé et travail est également mis en exergue dans le Plan Santé au travail 2016-2020, qui "a pour ambition de mettre la prévention au cœur des préoccupations relatives au travail".(3)

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Pourquoi promouvoir la prévention en santé sur le lieu de travail ?

L'entreprise apparaît comme un lieu pertinent pour la prévention et l'éducation à la santé, parce que le collaborateur y passe un temps considérable, que l'employeur doit pouvoir s'appuyer sur des collaborateurs "en forme", et qu’elle peut servir de relais pour lutter contre la désertification médicale.

Les maladies qui ne sont pas liées au monde du travail ont un fort impact sur les organisations professionnelles. Au regard de l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques, de la croissance des patients pluri pathologiques, du vieillissement de la population et d’une demande grandissante des travailleurs en faveur d’une meilleure qualité de vie au travail, il est aujourd’hui nécessaire de passer d’un système axé sur la prévention en santé du travail à un système axé sur la prévention en santé au travail, fondé sur une approche globale de la santé individuelle et du bien-être sur le lieu de travail.

Quelles sont les failles et limites du système actuel ?

En premier lieu, la prévention apparaît hétérogène en fonction de la taille de l’entreprise. Si quelques grandes entreprises développent des projets dans ce domaine, les moyennes et petites entreprises s’emparent rarement du sujet. Tant pour les employeurs que les employés, il peut apparaître problématique d’évoquer des questions de santé personnelle, qui relèvent davantage du champ de la vie privée.

Deuxièmement, on observe des limites organisationnelles. De nombreux acteurs sont impliqués dans la prévention en santé au travail : employeurs, ressources humaines, médecins du travail, représentants de salariés, complémentaires santé, et organismes publics, comme l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et ses antennes régionales. Les entreprises auraient du mal à se repérer dans ce paysage complexe, le rôle de chacun des acteurs - et leur articulation étant difficilement identifiable par les entreprises. Ainsi, le développement du dialogue social fait partie des mesures proposées afin que chaque acteur participe à son niveau à la performance des entreprises de demain.

En troisième lieu, le médecin du travail n’est pas estimé à sa juste valeur. Le médecin du travail, qui pourrait constituer la pierre angulaire de la prévention en santé sur le lieu de travail, souffre d’une image ternie. Ses missions sont exclusivement portées sur la prévention des risques professionnels, limitant sévèrement son champ de responsabilités, notamment en termes de dépistage. Enfin, le lien avec la médecine de ville rendu difficile par l’absence d’accès au dossier médical du collaborateur constitue une entrave à l’évaluation globale de la santé du salarié.

En France et à l’International, de nouvelles initiatives émergent dans le domaine de la prévention en santé au travail  

Certaines entreprises françaises ont développé des initiatives de sensibilisation et d’accompagnement individualisé visant à répondre aux enjeux de bien-être au travail : salles de sport, indicateurs de bien- être, dispositifs incitatifs pour réduire la consommation de tabac, séances matinales d’échauffement musculaire, ou journée dédiée à l’échange sur les sujets de santé à l’instar de ce qui se fait outre-Atlantique. Ces initiatives sont généralement bien accueillies par les travailleurs.

En Allemagne, certaines organisations mettent à disposition gratuitement une cabine permettant de réaliser un état des lieux global de la santé de leurs salariés, via des tests spécifiques en présence d’un assistant médical : test sanguin, musculosquelettique, veineux, de l’audition, de la vue, de la tension artérielle, du pouls, de la fonction respiratoire, etc. Les résultats individuels sont vérifiés et analysés par un médecin. Un programme de coaching est également disponible pour les usagers souhaitant être accompagnés sur une durée plus longue.

Depuis quelques années, les complémentaires santé s’engagent sur le sujet en proposant d’accompagner les entreprises dans ces initiatives. Plusieurs conditions sont toutefois nécessaires au déploiement d’une culture de la prévention en santé et bien- être au sein des entreprises.

Comment permettre une meilleure prévention en santé sur le lieu de travail ?

Améliorer l’information sur la santé au travail à travers la création de communautés d’acteurs de la prévention en milieu professionnel, au niveau territorial. Ces réseaux pourraient associer les Associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail, les chambres de commerces, les médecins du travail, des représentants des DRH, de syndicats, d’associations de patients, de complémentaires santé, et les ARS. Ces réseaux pourraient contribuer à aider les petites et moyennes entreprises à accéder aux services des complémentaires santé sur la prévention en santé au travail, et diffuser des informations simples aux employeurs, RH et médecins du travail.

Sur un modèle équivalent, les auteurs du rapport Lecocq souhaitent apporter plus de lisibilité au système, en fusionnant les acteurs de chaque région en une organisation unique : Région Santé Travail (RST). Les RST, se présenteraient au sein des territoires comme des « guichets uniques de prévention » pour les entreprises et seraient coordonnées, au niveau national, par une entité "France Santé Travail (FST)", qui regrouperait l’ANACT, l’OPPBTP et l’INRS. Ainsi, chaque entreprise pourrait accéder à « à une offre de services homogène sur tout le territoire ».  

Développer la formation des employeurs et des salariés à la prévention en santé. Pour cela, il convient d’intégrer des modules dédiés à la prévention en santé au cursus universitaire de management et de Ressources Humaines. Il pourrait également être proposé d’instaurer une journée de formation ‘santé et bien-être’ en entreprise à destination des salariés afin d’ouvrir le dialogue sur l’ensemble des risques de santé auxquels ils peuvent être exposés, ou à la façon dont l’entreprise peut prévenir les risques sanitaires.

Renforcer le rôle du médecin du travail dans le parcours de soins. Le médecin du travail est avant tout médecin. En ce sens, il pourrait être pertinent de placer ces professionnels de santé sous la tutelle du Ministère de la santé et non du Ministère du travail ; de consolider leurs missions de santé publique ; de faciliter la coordination entre le médecin du travail et les professionnels de santé de ville grâce au partage des informations de visite médicale des salariés ; ou encore d’encourager les médecins du travail à coordonner des programmes de dépistage et de coaching en santé. Enfin, certaines entreprises canadiennes ont fait le choix d’intégrer la médecine du travail au sein même de leur comité de direction.

Le monde du travail évolue rapidement. De nouvelles formes de travail, d’usages et de pratiques professionnelles émergent. Autant de raisons de repenser le rôle de l’entreprise en tant que lieu pertinent pour favoriser les initiatives individualisées de promotion de la santé.

Un projet de loi sur la santé au travail, actuellement en discussion avec les partenaires sociaux, devrait être présenté par la ministre du travail Muriel Pénicaud en juin 2019 et répondre à certains enjeux de la prévention en santé au travail.

 

Les signataires : Docteur Frédéric Antognarelli, médecin du travail, Centre de médecine du travail et de santé au travail; Christine Lecouteur, co-animatrice de la commission santé et qualité de vie au travail de l'ANDRH, responsable de l'accompagnement du changement à la Poste, Victor Montalvao, membre CFDT, correspondant prévention santé, sécurité, ergonomie et condition de travail chez Renault,Catherine Sebire, directrice de l’association francophone pour vaincre les douleurs, Laetitia Toumiat, responsable du département "Dialogue social et qualité de vie au travail" au sein de l'ARS Ile-de-France, Chantal Wacquant, accompagnatrice de changements au sein d'Alter&Sys, fondatrice-gérante de CLEvoluence et Mickaël Halimi, manager chez Nextep.

 

(1) Organisation Mondiale de la Santé, 1948

(2) Stratégie Nationale de Santé 2018-2022, Ministère de la santé

(3) Plan Santé au Travail 2016-2020, Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Christine Lecouteur
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