Périodes d'essai des cadres : "La mise en conformité du droit national à la directive européenne est imparfaite"

Périodes d'essai des cadres : "La mise en conformité du droit national à la directive européenne est imparfaite"

29.03.2023

Gestion du personnel

La loi du 9 mars 2023, qui adapte le droit national à des directives européennes, met fin à l'exception légale selon laquelle des accords de branche conclus après le 26 juin 2008 peuvent fixer des durées de période d'essai plus longues que celles prévues par la loi. Interview de Mélanie Souterau, avocate associée au sein du cabinet Barthélémy Avocats et membre du Club des branches.

Que change la loi du 9 mars 2023 en matière de période d'essai ? 

La loi était attendue depuis longtemps. La France avait été pointée du doigt par les instances européennes à plusieurs reprises et condamnée pour des périodes d'essai excessives - supérieures à six mois - au regard des dispositions européennes prévues par la directive du 20 juin 2019. De telles périodes d'essai pouvaient atteindre des délais supérieures à un an en cas de renouvellement.

La loi du 9 mars 2023 est simple dans son principe mais complexe dans sa compréhension. Elle met fin à l'exception rendue possible par la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 - qui avait fixé des durées légales de période d'essai - selon laquelle pouvaient être conservées les périodes d'essai plus courtes fixées par un accord collectif de branches conclu après le 26 juin 2008 et les périodes d'essai plus longues fixées par un accord collectif de branche conclu avant le 26 juin 2008. C'est cette exception de durées conventionnelles plus longues qui est supprimée avec une période d'adaptation de six mois afin de permettre aux partenaires sociaux des branches professionnelles de réviser leurs dispositions conventionnelles. Ce délai de six mois n'est pas forcément très long pour entamer une négociation en commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation. 

La loi du 9 mars 2023 prévoit une exception pour les périodes d'essai des cadres. Qu'en pensez-vous ? 

La loi du 9 mars 2023 n'a pas modifié l'intégralité des dispositions du code du travail relatives à la période d'essai. Si elle modifie l'article L.1221-22 (*), elle laisse l'article L.1221-21 (**) en l'état. La loi laisse donc la possibilité aux branches professionnelles de prévoir des périodes d'essai supérieurs à six mois - jusqu'à huit mois - pour les cadres en cas de renouvellement. La loi fait application d'une disposition de la directive européenne de 2019 permettant des exceptions parmi lesquelles la possibilité de prévoir des périodes d'essai plus longues lorsque la nature de l'emploi le justifie ou lorsque cela est dans l'intérêt du travailleur. Il nous semble toutefois que la mise en conformité du droit national à la directive européenne est imparfaite.

Pourquoi ?

D’une part, l’intérêt du travailleur est une notion subjective, au regard de la durée de la période d’essai. D’autre part, la nature de l'emploi est une notion différente de celle du statut de cadre qui est une classification. Or, la directive de 2019 ne vise pas les cadres en tant que tels mais la nature de l'emploi. Dans le travail de révision, j'inviterais les partenaires sociaux à définir précisément quelle est la nature des emplois qui justifie une telle dérogation, puisque c’est l’exigence posée par la directive. Il apparait dès lors nécessaire de préciser quelles sont les sous-classifications conventionnelles visées par cette exception. Lors de la révision de l'accord de branche. Les partenaires sociaux des branches concernées (cf. encadré ci-dessous) doivent sécuriser ces exceptions supérieures au délai de six mois intégrant un renouvellement pour les cadres en lisant les emplois qui sont concernés ou a minima les catégories d’emplois visées.. Si on cantonne cette disposition aux cadres, il n'est pas sûr que cela corresponde à la lettre de la directive et aux exceptions qu'elle permet. Le risque est alors que l'accord collectif ne soit pas conforme à la directive européenne, pas plus que la loi. Les instances européennes pourraient estimer que la France n'a pas fait un usage conforme de la lettre de la directive de 2019 et qu'elle n'a pas été transposée correctement. 

Comment va se décliner la loi dans les temps au sein des entreprises ? 

Les entreprises n'ont aucune marge de manœuvre sur la durée des périodes d'essai qui relèvent du bloc 1 (article L.2253-1 du code du travail). Il existe deux cas de figure. Soit les partenaires sociaux ont révisé l'accord de branche qui est alors conforme à la loi. Les entreprises qui relèvent d'une convention collective qui maintiendrait la période d'essai maximum à huit mois en cas de renouvellement pourraient l'appliquer pour les catégories d’emplois identifiées. Soit les partenaires sociaux de la branche n'ont pas fait ce travail dans les six mois, dans ce cas, les périodes d'essai signées avant l'entrée en vigueur de la loi peuvent continuer à s'appliquer. En revanches, celles signées après le 9 septembre 2023 ne seront pas applicables. Ce sont les périodes d'essai prévues par la loi qui s'appliqueront alors.

Les branches concernées par la fin de l'exception

Dix conventions collectives de branche prévoient actuellement, pour les salariés cadres, des durées de période d'essai plus longues que celles fixées par le code du travail. Il s'agit des conventions collectives suivantes : 

  • Assurances : inspection ; 
  • Assurances : sociétés ; 
  • Banques ; 
  • Caves coopératives ;
  • Formation : organismes ; 
  • Mutualité ; 
  • Promotion immobilière ; 
  • Remontées mécaniques ; 
  • Transport aérien : personnel au sol ; 
  • Travail temporaire : salariés permanents ; 

 

(*) Les durées des périodes d'essai fixées par les articles L.1221-19 et L.1221-21 ont un caractère impératif, à l'exception :
- de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ;
- de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 précitée ;
- de durées plus courtes fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

(**) La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement. La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
1° quatre mois pour les ouvriers et employés ;
2° six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
3° huit mois pour les cadres.

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La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Florence Mehrez
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