Le président de l’Ordre des experts-comptables demande à faire disparaître les paradis fiscaux en Europe. Une façon habile de défendre les conseillers fiscaux parfois accusés d'encourager l'optimisation fiscale.
"Se livrer à de la concurrence entre Etats membres par le biais de la fiscalité va à l’encontre de cet esprit de marché unique. Voilà pourquoi il faut aujourd’hui un minimum de règles au niveau européen tout en respectant la souveraineté nationale". C’est depuis Bruxelles, à l’occasion du congrès 2016 de l’Ordre des experts-comptables, que Philippe Arraou a lancé cet appel à la convergence fiscale des entreprises dans l’Union européenne même s'il sait "qu'il n'y a pas de volonté des Etats membres d'avancer sur ce sujet". Un appel relayé par d’autres organisations professionnelles d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne et de Belgique réunies au sein de la jeune fédération européenne des conseillers fiscaux (Etaf, european tax adviser federation).
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Résultat comptable harmonisé
Le cœur de l’initiative française repose sur la détermination d’une assiette fiscale convergente issue d’un résultat comptable harmonisé étant précisé que les retraitements fiscaux devraient être limités, clairement identifiés et identiques pour les Etats membres. On notera au passage que cela nécessite notamment de définir un résultat comptable harmonisé qui n’existe pas véritablement aujourd’hui pour les comptes sociaux des entreprises. Le seul exemple du traitement comptable divergent du fonds commercial montre que le chantier est énorme. En France, 242 milliards d’euros sont potentiellement en jeu (lire notre article). Les membres de l’Etaf veulent même aller encore plus loin en encadrant les taux d’imposition des entreprises. Leur idée consiste à fixer des fourchettes à l’instar de ce qui existe en matière de TVA.
L’Accis devrait être présenté fin octobre
Ces pistes ont été dévoilées alors que la convergence de l’imposition des bénéfices des entreprises figure à l’agenda de la Commission européenne. "Je vais présenter fin octobre la proposition révisée pour une assiette commune consolidée d’impôt sur les sociétés (Accis), a précisé Pierre Moscovici. J’ai bien dit commune et consolidée car je tiens aux deux même s’il est probable que la proposition se fera en deux temps par souci de réalisme politique. Je crois profondément que l’Accis est la pièce manquante dans la création, dans le cadre du marché unique, d’un environnement fiscal qui soit pleinement efficace et qui soit transparent pour les entreprises", a ajouté le commissaire européen à la fiscalité qui s’était également déplacé au congrès de Bruxelles. Autrement dit, il a accueilli plutôt favorablement la proposition d’origine française. A une exception notable près : il ne souhaite pas encadrer les taux d’imposition. "Avec l’Accis, nous allons disposer d’un outil qui, pour les entreprises de taille européenne, attribuera les droits à taxer en fonction de la réalité économique des opérations réalisées dans chaque Etat membre. A partir de là, je pense que la question de l’encadrement des taux devient peut être un peu moins nécessaire. Si la part d’assiette qui revient à chaque Etat ne peut plus être manipulée alors le taux n’aura plus de conséquence que nationale", a argumenté le commissaire européen.
Une règlementation européenne sur les conseillers fiscaux ?
Avec cette proposition, Philippe Arraou défend les conseillers fiscaux sur deux fronts. Premièrement, il montre à la commission européenne qu’il est difficile d’harmoniser les règlementations nationales sur les experts-comptables et les conseillers fiscaux tant que la matière fiscalo-comptable n’est elle-même pas harmonisée ou tout au moins pas convergente — on peut toutefois répondre que cette situation n’a pas empêché l’Union européenne de bâtir une réglementation en matière d’audit légal des comptes. Cet aspect est d’autant plus important que l’exécutif européen envisage d’élaborer une directive spécifique aux professions réglementées laquelle toucherait donc potentiellement les experts-comptables qui sont réglementés par leur droit national (lire notre article). Deuxièmement, le président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables défend habilement les conseillers fiscaux qui sont pointés du doigt pour leurs prestations d’optimisation fiscale, même légale, qu’ils fournissent aux entreprises. L’un des exemples les plus significatifs porte sur le rôle de PwC dans l’affaire Luxleaks. Le cabinet international a sécurisé des accords avec les autorités fiscales luxembourgeoises pour 343 entreprises multinationales entre 2002 et 2010. Dans certains cas, cela s’est traduit par une facture d’impôts des plus réduites. Implicitement, Philippe Arraou estime que le problème de fond réside dans l’existence de paradis fiscaux et non dans des pratiques de cabinets comptables qualifiées par certains de douteuses. Pas sûr que Pierre Moscovici le rejoigne sur ce terrain. Il envisage même "d’introduire de nouvelles règles pour les intermédiaires comme les banques, les conseillers et les autres prestataires de services fiscaux, avec l’objectif de déclarer aux administrations fiscales l’utilisation potentielle de schémas fiscaux qui favorisent la fraude et l’évasion fiscale". Avec les obligations de lutte anti-blanchiment, cela constituerait un début de règlementation européenne sur les conseillers fiscaux.
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.