PLF 2020 : faute de vrai "budget vert", Bercy met en avant quelques mesures verdissantes

01.10.2019

Environnement

Le Gouvernement prévoit un "green budgeting", c'est-à-dire un projet de loi de finances arbitré avec comme grille de lecture le classement de chaque mesure en fonction de son impact sur l'environnement, pour 2021.

Le ministère de l'économie a présenté le projet de loi de finances pour 2020.  Sans surprise, celui-ci contient son lot de dispositions à caractère environnementale, mais aucune mesure d'ampleur ne parvient réellement à percer. Il faudra attendre la prochaine loi de finances pour 2021 pour qu'un green budgeting voit enfin le jour. Enfin, le budget du ministère, bien qu'en hausse, acte néanmoins la réduction de près de 1 000 postes.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Parmi les mesures prévues, on notera en particulier la fin des avantages fiscaux pour le gazole non routier et la transformation du crédit d'impôt transition énergétique en prime.

Fin des avantages fiscaux pour le gazole non routier

Ainsi, sans encore pratiquer concrètement le green budgeting (v. ci-dessous), le gouvernement a tout de même décidé de s'attaquer à certaines de ces niches brunes qui pèsent lourd sur le climat. Première mesure de transition écologique mise en avant lors de la présentation à la presse des principales mesures du PLF 2020 : l'alignement progressif de la fiscalité du gazole non routier (GNR) – carburant utilisé par les engins mobiles non routiers, tels que les bulldozers du BTP – sur le gazole routier. Actuellement, la TICPE est environ 3 fois moins importante que la taxation du gazole normal, et elle coûte 900 millions d’euros par an à l’État.

 

L'évocation de cette mesure avait, il y quelques mois, provoqué une levée de bouclier du côté des fédérations du BTP, qui calculait qu'elle engendrerait une hausse de fiscalité de 700 millions d’euros pour le seul secteur des travaux publics, "soit la totalité de la marge nette du secteur", écrivait Bruno Cavagné, président de la FNTP à Bruno Le Maire. Alors le gouvernement a adouci la pilule : la niche fiscale sera supprimée en trois ans, par étapes, à partir du 1er juillet 2020 (puis en janvier 2021 et en janvier 2022), et ne concernera pas les agriculteurs ni le transport ferroviaire.

 

Bruno Le Maire assure que des compensations seront mises en place, évoquant des dispositifs de suramortissement pour acquérir un engin moins polluant et l'insertion d'une clause de révision des prix obligatoire dans les contrats pour que les entreprises puissent répercuter les hausses de coûts.

Le CITE deviendra une prime

Autre exemple de mesure de la "politique économique de transition énergétique" insérée dans le PLF 2020 : le gouvernement veut "promouvoir une rénovation énergétique efficiente des logements". Il entend pour cela réformer le coûteux CITE (crédit d'impôt transition énergétique) (1,2 milliard d'euros en 2019) et le transformer "en une prime forfaitaire".

 

Le montant sera défini, pour chaque type de travaux, en fonction de "la performance énergétique attendue" et des revenus du ménage. La mutation se fera en deux temps : la prime concernera en 2020 les 40 % de foyers les plus modestes, puis s'étendra aux classes moyennes en 2021. En revanche, les 20 % de Français les plus aisés en seront exclus.

 

Voir également notre article "Rénovation énergétique : le crédit d'impôt devient prime" du 1er octobre 2019.

Enveloppe pour les mobilités

Le PLF portera aussi la traduction fiscale de mesures décidées dans d'autres projets de loi, à commencer le projet de loi mobilités, en cours d'examen au Parlement. Ainsi le gouvernement confirme-t-il l'augmentation des dépenses opérationnelles de l’AFITF (agence de financement des infrastructures de transport en France)", qui gagne 500 millions d'euros (passant de 2481 millions d'euros en 2019 à 2982 millions d'euros prévus pour 2020). Le PLF traduit, explique Bercy, un "effort inédit en faveur de l’entretien et de la régénération du réseau routier national non concédé ainsi que du réseau fluvial".

 

Le texte validera aussi la mise en place du forfait mobilités durables (v. notre actualité "Projet de loi mobilité : peu de nouvelles contraintes pour les entreprises" du 18 sept. 2019), en organisant la défiscalisation de la somme que les entreprises pourront verser à leurs salariés qui viennent au travail à vélo, par covoiturage ou avec un autre service de mobilité partagée (maximum 400 euros par an, non obligatoire).

Et la biodiversité ? 

Dans le dossier de presse de présentation, Bercy a par exemple mis en valeur la biodiversité comme étant "une priorité de l'action gouvernementale". Toutefois, les mesures affichées se limitent à la mise en route de l'OFB, fusionnant AFB et ONCFS (v. notre article "Loi OFB (1/4) : l'Office français pour la biodiversité est créé" du 27 août 2019), (avec un très faible renforcement des crédits en faveur de la biodiversité en 2019 et 2020 (+ 41 M€)) et des annonces sans lien avec le projet de loi finances : l'accueil en juin 2020 à Marseille du congrès de l'UICN (union internationale pour la conservation de la nature) et la création d'un 11e parc national, celui des forêts de Champagne et de Bourgogne.

 

On note également une hausse de 25 % des crédits destinés au financement des mesures agri-environnementales et climatiques, ainsi que d'un doublement du fonds Avenir Bio pour le développement de la production en agriculture biologique (de 4 à 8 M€).

 

Pour une "priorité" voulant "répondre à l'urgence écologique", cela semble un peu maigre. Il ne faudrait pas que le green budgeting commence par du green washing.

Un budget vert pour... 2021

Le gouvernement se met au "budget vert". Ou plus exactement au "green budgeting" – que Bercy traduit par "budgétisation environnementale" –, puisque le verdissement ne concerne pas tant les décisions prises pour le budget, que la méthode pour penser le budget.

 

L'IGF (inspection générale des finances) et le CGEDD (conseil général de l'environnement et du développement durable), ont remis au ministère de l'économie mercredi 25 septembre 2019, un rapport proposant une méthode pour faire du "green budgeting". Il s'agit de passer en revue toutes les recettes et dépenses de l'État afin de voir si elles sont compatibles avec les objectifs environnementaux, et en particulier climatiques.

 

La mission s'est essayée à l'exercice sur une partie du PLF 2019. Sur 55 milliards d'euros de dépenses identifiés comme "non neutres", 25 milliards sont "défavorables" aux objectifs environnementaux. Dont environ 20 milliards sont classés comme totalement défavorables, c'est-à-dire nuisibles sur tous les points, contrairement au nucléaire – exemple le plus classique –, qui peut à la fois vert car il n'émet pas de gaz à effet de serre, et brun de par les déchets générés. En revanche, environ 35 milliards d'euros de dépenses étaient, dans le budget pour 2019, favorables à au moins un objectif environnemental.

 

Et pour le PLF 2020, quel est le résultat ? On ne sait pas. Le green budgeting ne sera appliqué au mieux que l'an prochain, pour le PLF 2021. "On ne pouvait pas faire plus vite, il faut s'accorder sur la méthode", s'est défendu jeudi devant la presse Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, renvoyant à l'exemple du nucléaire. Une concertation avec les parlementaires, les universitaires, les organisations internationales, les ONG et la société civile est ouverte ; le PLF 2021 sera présenté "de concert" avec le Haut Conseil pour le climat, assure le gouvernement.

 

Une grande partie des dépenses défavorables à l'environnement sur le PLF 2019 sont le fait des exonérations sur la fiscalité des carburants et de l'énergie : sont ainsi par exemple coloriés de brun les 12,2 milliards d'euros d’exonérations ou taux réduits sur les TIC (taxes intérieures de consommation) des carburants (transport aérien, maritime, routier, taxis, différentiel gazole - essence, GPL, etc.), les 1,3 milliards d'euros de taux réduit de TIC sur l’électricité pour les sites électro-intensifs, et 1,3 milliards d'euros de dépenses fiscales relatives au logement neuf générant de l’artificialisation des sols.

Plus de moyens pour le ministère de la transition écologique ?

Comme l'an passé, le budget du ministère est hausse avec des emplois en baisse.

Un budget en hausse

Le projet de loi de finances pour 2020 consacre une hausse des moyens alloués au ministère de la transition écologique et solidaire, qui bénéficiera de plus de 830 M€ supplémentaires, soit une progression de 2,6 % en un an, avec un budget porté à 32,2 Md€.

 

Ces moyens permettront de renforcer l'ensemble des politiques publiques menées par ce ministère et plus spécialement financeront la montée en puissance de dispositifs tels que le chèque énergie, la prime à la conversion, le bonus automobile ou encore la transformation des aides à la rénovation énergétique des logements.

 

Par ailleurs, le budget 2020 consacrera un niveau "inédit", selon le communiqué de presse du ministère, pour améliorer les transports du quotidien et les rendre plus propres, avec 30 Md€ investis en 2021 (+ 20 % en un an). Il s'agit de la mise en oeuvre de la réorientation de la politique des transports prévue dans la loi d'orientation des mobilités et le financement - conjointement avec les collectivités territoriales - des infrastructures cyclables.

Des emplois en baisse

Les effectifs du ministère s'établissent à 60 339 postes, en baisse de 1 073 postes équivalents à temps plein, soit une diminution de 1,78 %. L'Etat perd ainsi 797 postes et ses opérateurs, 276. Pour les trois prochaines années, ce seront presque 5 000 postes qui seront ainsi supprimées.

 

La fédération des associations de protection de la nature et de l'environnement (FNE)  dénonce cette taille dans les effectifs qui débouche sur "en moins de moyens pour conduire des politiques publiques efficaces, pour accompagner les acteurs économiques ou les filières dans la transition, pour assurer la prise en compte des enjeux environnementaux dans les projets ou pour faire respecter la réglementation". "Le budget est incohérent avec le virage écologique annoncé" conclut le communiqué de presse de FNE.

Elodie Touret (Actuel HSE) et Olivier Cizel (Code permanent Environnement et nuisances)
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