Pollution atmosphérique francilienne : la carence fautive de l'Etat, et après ?

26.06.2019

Environnement

Le plan de protection de l'atmosphère (PPA) d'Ile-de-France et ses conditions de mise en oeuvre ont été jugés insuffisants par les tribunaux administratifs de Montreuil et de Paris. Pour autant, faute de lien de causalité direct, les tribunaux ont rejeté les demandes de réparation des préjudices liés aux pathologies respiratoires.

Oui, mais... non.
 
Oui, l'État a commis une faute en ne prenant pas de mesures suffisantes, en région Ile-de-France, pour réduire le plus rapidement possible les périodes de dépassement de valeurs limites de polluants.
 
Mais non, l'État ne doit pas pour autant indemniser les requérants, souffrant de pathologies respiratoires, qui demandaient sa condamnation à les indemniser des préjudices qu’ils estimaient subir en raison de la pollution de l’air francilien.
 
Voici pourquoi.
L'Etat fautif, mais pas responsable, selon le TA de Montreuil
Le 25 juin dernier, le tribunal administratif (TA) de Montreuil a rejeté la demande d'une requérante visant à condamner l’État à lui verser, en réparation des préjudices subis du fait de la pollution atmosphérique, une somme totale d'environ 160 000 € (TA Montreuil, 25 juin 2019, n° 1802202).
 
Dans cette affaire, la requérante soutenait que la responsabilité de l’État était engagée du fait :
- de la carence fautive de ses services déconcentrés lors de l’épisode de pollution de la fin d’année 2016 ;
- de la carence du pouvoir réglementaire pour lutter contre la pollution atmosphérique de 2012 à la fin de l’année 2016.
 
Elle soutenait en outre que la pollution atmosphérique était à l’origine des préjudices subis en ce qu’elle avait aggravé ses problèmes de santé ainsi que ceux de sa fille mineure.
Certes, il y a bien une carence fautive de l'État...
Sur la responsabilité du  pouvoir réglementaire, le jugement du tribunal est clair : le PPA d'lle-de-France ainsi que ses conditions de mise en œuvre sont insuffisants, dès lors qu’il n’a pas permis que la période de dépassement des valeurs limites soit la plus courte possible. Si le dépassement des valeurs limites ne peut constituer, à lui seul, une carence fautive de l’Etat en matière de lutte contre la pollution atmosphérique, l’insuffisance des mesures prises pour y remédier est en revanche constitutive d’une telle carence.
 
C'est sur cet unique point que la responsabilité de l’État s'avère engagée en l'espèce, les autres arguments ayant été écartés par le tribunal les uns après les autres.
 
Pour autant, pour que l'Etat soit jugé responsable et ainsi permettre l'indemnisation des préjudices subis, un lien de causalité est requis.
... mais pas de lien de causalité direct entre la faute et les pathologies respiratoires
Pour la requérante, nul doute que les bronchites dont elle souffre et les crises d’asthme de sa fille sont imputables à la pollution atmosphérique en Ile-de-France.
 
Cependant, le tribunal considère qu'elle ne donne aucun élément, tant sur leur durée de résidence en Ile-de-France, et, le cas échéant, sur leurs lieux de résidence successifs, que sur la date d’apparition de sa pathologie et son évolution dans le temps. Elle n’apporte pas suffisamment d’éléments permettant d’établir l’incidence alléguée du dépassement des seuils de concentration sur leur état de santé.
 
Concernant l'asthme, diagnostiqué en 2010, les documents produits -relevés d’exploration fonctionnelle respiratoire dont les résultats ne sont pas explicités, documents relatifs à un projet d’accueil individualisé (PAI) dans l'établissement scolaire- ne permettent pas d’imputer la pathologie, ou son aggravation alléguée, à ces mêmes dépassements de seuils de pollution atmosphérique.
 
Au final, il n'est donc pas établi que lesdites pathologies trouveraient directement leur cause dans l’insuffisance des mesures prises par l’État au cours de la période 2012-2016 pour limiter au maximum les périodes de dépassement de seuils de concentration en gaz polluants, ou que ces pathologies auraient été aggravées par cette carence fautive.
 
Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’État doit indemniser leurs préjudices consécutifs à ces pathologies. Sa requête est rejetée.
Un raisonnement dupliqué par le tribunal administratif de Paris
Une dizaine de jours plus tard, c'est au tour du TA de Paris de reconnaître la carence fautive de l'État en raison de l'insuffisance du PPA d'Ile-de-France et de ses conditions de mise en oeuvre, puis de rejeter les demandes indemnitaires des requérants (TA Paris, 4 juill. 2019, n°s 1709333, 1810251TA et 1814405).
 
Dans trois décisions du 4 juillet 2019, le TA juge que l’État a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ce qu’il n’a pas pris, pour la région Ile-de-France, un plan de protection de l’atmosphère (PPA) susceptible de réduire, le plus rapidement possible, les valeurs de dioxyde d’azote et de particules fines dans les conditions définies par le code de l’environnement.
 
De la même manière, dans ces trois dernières affaires, il est jugé qu'il ne résulte pas de l’instruction que les pathologies des requérants trouveraient directement leur cause dans l’insuffisance des mesures prises par l’État au cours de la période 2012-2016 pour limiter au maximum les périodes de dépassement de seuils de concentration en polluants, ou que ces pathologies auraient été aggravées par cette carence fautive. Ainsi, le tribunal décide que l’État n'a pas à indemniser les préjudices consécutifs à ces pathologies.

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