Quelles leçons les entreprises peuvent-elles tirer de deux mois de télétravail contraint ? Au cours d'un webinaire proposé par l'Anact, des experts de la qualité de vie au travail ont analysé les résultats des enquêtes menées durant le confinement. La poursuite du télétravail, plébiscitée par plus de 80 % des télétravailleurs, suppose de mettre à plat ce qui a fonctionné ou non.
30 % fin 2019, 41 % en mai 2020. La part de télétravailleurs a drastiquement augmenté en réponse aux consignes de confinement données par le gouvernement dès la mi-mars. Cette multiplication express du nombre de salariés en télétravail s'est accompagnée de la démocratisation de ce type d'organisation. "Les télétravailleurs étaient jusqu'alors majoritairement des hommes de plus de 45 ans, issus de grands groupes et travaillant à des fonctions de cadres et de managers. Aujourd'hui, les télétravailleurs comportent beaucoup plus de femmes, mais aussi de professions intermédiaires et de salariés n'étant pas dotés de fonctions managériales", constate Anne-Sophie Godon-Rensonnet. La directrice innovation de Malakoff Humanis participait hier au webinaire proposé par l'Agence nationale d’amélioration des conditions de travail (Anact) sur le thème des "premières leçons de la crise pour mieux travailler à distance demain".
Moins de difficultés que de bénéfices
L'étude télétravail de Malakoff Humanis a recueilli durant le confinement l'avis des salariés et employeurs sur le télétravail. Les effets positifs du télétravail sont confirmés par la majorité des télétravailleurs : meilleure équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, plus grande autonomie, meilleure productivité, diminution de la fatigue... "Les télétravailleurs d'aujourd'hui perçoivent les mêmes bénéfices que ceux que nous avions interrogés fin 2019, mais dans une proportion plus importante, indique Anne-Sophie Gordon-Rensonnet. Sans doute parce que le nombre de jours en télétravail par mois a été fortement augmenté." En effet, si les télétravailleurs du "monde d'avant" travaillaient en moyenne 6,4 jours par mois en télétravail, aujourd'hui plus d'un télétravailleur sur deux pratique cette organisation à 100 %.
Les opinions sont moins tranchées lorsqu'il s'agit d'évoquer les difficultés. Certains salariés font remonter des problèmes de conciliation des temps de vie, des échanges plus compliqués entre collègues ainsi que des difficultés techniques liées à l'apprentissage de nouveaux outils de travail et de communication. "On note que les taux d’expression s'agissant des difficultés sont beaucoup plus faibles, précise Anne-Sophie Gordon-Rensonnet, c'est-à-dire qu'il y a moins de difficultés perçues que de bénéfices".
Ces chiffres moins importants ne doivent pas occulter la réelle détresse rencontrée par certains salariés. Confrontés à une charge importante de travail, aux difficultés à se déconnecter ou à un sentiment d'isolement social, ces salariés peuvent être sujets aux risques psychosociaux. Le cabinet Empreinte Humaine (spécialiste de la qualité de vie au travail et des risques psychosociaux) a réalisé trois enquêtes visant la santé psychologique en période de confinement. Résultat, 42,5 % des télétravailleurs seraient en état de détresse psychologique, dont 17 % en état de détresse élevée. "On a beaucoup parlé des gestes barrières mais trop peu de la santé psychologique, regrette Christophe Nguyen, président consultant associé de Empreinte Humaine. Or le confinement a été l'occasion de repérer des symptômes de dépression, un épuisement voire des symptômes post-traumatiques."
L'enquête d'Empreinte Humaine montre que 27 % des télétravailleurs actuels ressentent cette organisation comme une contrainte. Parmi ces déçus du télétravail, 72 % sont en détresse psychologique. "Le dialogue avec le manager de proximité est très important afin de mettre en place une méthode de travail et un suivi particulier, poursuit Christophe Nguyen. La moitié des télétravailleurs réclament plus de règles. Les salariés ont besoin d'un encadrement en télétravail." Un cadre qui a souvent été négligé face à l'urgence de la situation.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Est-il encore possible de rectifier le tir et de donner un cadre au télétravail du "monde d'après" ? Car la demande de poursuivre le télétravail est réelle. 84 % des salariés interrogés par Malakoff Humanis et 88 % de ceux interrogés par l'Anact veulent continuer à télétravailler régulièrement après la crise.
Il faut donc repenser le télétravail. Fini l'approche individuelle en fonction de la situation personnelle (temps de trajet, famille, maladie...) de chaque salarié. Le télétravail doit devenir une organisation du travail à part entière, à concevoir collectivement. "Au lieu de simplement servir à organiser l'activité de certains profils ou d'améliorer l'attractivité de certains métiers, le télétravail aura pour enjeu de faire évoluer toute l'organisation de l'entreprise", explique Ségolène Journoud, responsable de l'offre produits et services de l'Anact destinée aux entreprises.
La méthode de l'Anact : partir de la pratique existante. D'abord réunir un comité de projet paritaire composé des intéressés (représentants des salariés, employeur mais aussi préventeurs et direction des services informatiques). Il s'agit alors de définir les enjeux du télétravail - enjeu sociétal, articulation des temps, santé, performance - et de décrire puis d'évaluer l'organisation actuelle du télétravail. Qu'est ce qui a fonctionné, qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ? Il faudra ensuite identifier les ajustements nécessaires pour élaborer un nouveau modèle. Enfin, une charte ou un accord pérennisera le télétravail avec ces nouvelles règles, en l'accompagnant d'un plan de déploiement.
Pour repartir sur de bonnes bases, pas question de balayer sous le tapis les problèmes rencontrés durant le confinement. Tous les obstacles au télétravail devront être passés en revue, par exemple l'ergonomie des postes de travail à la maison. "Les télétravailleurs expriment beaucoup de troubles musculo-squelettiques tels que des tendinites, des maux de dos, des problèmes de nuque... indique Christophe Nguyen. Ces troubles sont sans doute liés au fait que le télétravail n’a pas été ergonomiquement accompagné. Les salariés travaillent sur leur canapé, avachis, n'ont pas forcément chez eux de siège adapté, et des tensions musculaires se créent."
Autre problématique à aborder : celle du dialogue intra-équipe. Car si certains salariés se sentent isolés, 60 % se plaignent de l'augmentation du nombre de réunions avec la mise en place des visioconférences. "Cette e-reunionite peut frustrer les salariés qui ne peuvent pas avancer dans leur journée et voient leurs amplitudes horaires s'élargir", déplore Christophe Nguyen. Mais les points réguliers sont également un vecteur de santé, car ils sont essentiels pour s'assurer que la charge de travail est bien régulée. Il y a une juste mesure à trouver pour ne pas faire une overdose de visioconférences. "Plutôt que de longues réunions rassemblant beaucoup de personnes où l'on fait le tour de tous les dossiers en suspens, pourquoi ne pas mettre en place des réunions en face à face, afin de discuter d'objectifs à court terme ? De cette façon, les réunions peuvent devenir plus vertueuses, tout en conservant un lien social indispensable."
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.