Position dominante : l'augmentation de prix est abusive si le prix augmenté est inéquitable

19.08.2021

Gestion d'entreprise

Les augmentations de prix d'une entreprise en position dominante sont abusives si les prix qui en résultent sont inéquitables, ce qu'il revient à l'Autorité de la concurrence de démontrer.

Le caractère abusif d’une brutale et significative augmentation de prix réalisée par une entreprise en position dominante dépend du caractère inéquitable du prix ainsi augmenté. Faute d’en apporter la preuve, la décision de l’Autorité de la concurrence encourt la réformation.

Une augmentation de prix brutale, significative, persistante et injustifiée

Par décision du 20 septembre 2018, l’Autorité de la concurrence condamne une entreprise pour avoir abusé de sa position dominante sur son marché en augmentant le prix de ses prestations de manière brutale, significative, persistante et injustifiée.

L’ADLC considère qu’en pratiquant de telles augmentations, cette entreprise a imposé à ses acheteurs des conditions de transaction inéquitables constitutives d’un abus de position dominante au sens de l’article 102 du TFUE et lui inflige une amende de 199 000 euros sur le fondement de l’article L. 420-2 du code de commerce.

Remarque : selon une jurisprudence constante, la notion d’abus de position dominante est identique en droit de l’UE et en droit national, bien que seul l’article 102 du TFUE vise explicitement, au titre des pratiques abusives, celles consistant à « imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables ».

Une augmentation de prix dont le caractère inéquitable dépend de celui du prix en résultant

La cour d’appel réforme la décision de l’ADLC dans un arrêt du 14 novembre 2019. Elle considère :

  • qu’il n’appartient pas à l’Autorité de se substituer aux organes de direction de l’entreprise en position dominante pour déterminer quelle doit être sa politique tarifaire,

  • que ce n’est que si, et seulement si, les conditions de transactions passées entre cette entreprise et ses partenaires économiques peuvent, au vu de l’ensemble des circonstances de la cause, être objectivement qualifiées de non équitables que l’Autorité est en droit d’intervenir.

En outre et surtout, après avoir constaté que le caractère non équitable des augmentations en cause n’est pas établi en l’espèce, la cour déclare, dans une affirmation qui semble revêtir la portée d’un principe général : « l’application d’une augmentation tarifaire n’est rien d’autre que la fixation d’un prix, l’appréciation du caractère équitable ou non équitable d’une telle augmentation se confond avec celle du caractère équitable ou non équitable du prix en résultant ».

Ainsi pour la cour d’appel, l’appréciation d’une augmentation de prix au regard de l’article 102 du TFUE ne peut être autonome mais doit être englobée dans l’appréciation du prix qui en résulte.

Une augmentation de prix qui ne peut être appréciée de manière autonome

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’ADLC contre cet arrêt, fait sienne l’affirmation précédente des juges d’appel et approuve ces derniers d’avoir conclu qu’en l’espèce l’abus allégué n’est pas démontré.

L’affirmation qu’une augmentation de prix ne peut faire l’objet d’une appréciation autonome est conforme à la lettre des dispositions des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE puisque ces articles ne visent pas les augmentations de prix en elles-mêmes, les pratiques tarifaires étant visées, comme déjà indiqué ci-dessus, seulement à l’article 102, qui ne fait référence qu’à l’imposition directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente non équitables.

Max Vague, Docteur en droit, Maître de conférence des universités, Avocat

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