La clause majorant le taux des intérêts contractuels, en cas de défaillance de l'emprunteur, peut s'analyser en une clause pénale que le juge-commissaire peut réduire lors de l'admission au passif de la créance.
Une banque consent, successivement, deux prêts à une société, l’un de 100 000 euros au taux de 4,70 % l’an, l’autre de 120 000 euros au taux de 3,40 % l’an. Par ailleurs, la société se porte caution envers la même banque de deux autres prêts consentis au profit de tiers. Ces contrats de prêts comportent une clause intitulée « Retards », stipulant une majoration de trois points du taux de l’intérêt contractuel en cas d’échéance impayée et jusqu’à la reprise du paiement des échéances. La société étant mise en redressement judiciaire, la banque déclare au passif ces diverses créances, dont les montants sont contestés par la société.
Cette affaire précise, d’une part, le sort de la majoration des intérêts de retard et, d’autre part, les exigences légales liées à la déclaration des intérêts à échoir.
Qualification de clause pénale, majoration des intérêts
La banque fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir décidé que la majoration des intérêts de trois points, prévue dans les contrats de prêts, constituait une pénalité qui devait être réduite à un point, en vue de l’admission de la créance. Elle soutient que le juge-commissaire, comme les juges d’appel, ont pour seul pouvoir de statuer sur l’existence des intérêts contractuellement dus. Ils ne sont pas autorisés, pour le cas où ces intérêts pourraient être constitutifs d’une pénalité, à user du pouvoir de réduction, tel que prévu à l’article 1152 du code civil, dans l’hypothèse où un retard, postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, pourrait être constaté. Le juge-commissaire aurait ainsi la seule obligation de fixer les modalités de calcul des intérêts continuant à courir après le jugement d’ouverture. En l’espèce, après avoir décidé que la clause prévoyant la majoration de trois points était une clause pénale, applicable en cas de défaillance du débiteur, les juges du fond ont opposé que la société était à jour du règlement des échéances, lors de l’ouverture de la procédure collective, sa défaillance ne résultant ensuite que de l’application de la règle de la suspension des poursuites. En se fondant sur une telle circonstance logiquement inopérante, puisqu’antérieure à l’ouverture de la procédure collective, quand ils avaient à se prononcer pour l’avenir, les juges du fond ont violé les articles 1152 du code civil, L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce
La Cour de cassation rejette ce moyen. La clause majorant le taux des intérêts contractuels en cas de défaillance de l’emprunteur s’analyse en une clause pénale que le juge-commissaire peut réduire, lors de l’admission au passif de la créance du prêteur, si elle est manifestement excessive. Par conséquent, l’augmentation du taux, de l’ordre de 75 %, voire 100 %, par rapport à un taux conventionnel de base, excède notablement le coût de refinancement de la banque et elle est sans commune mesure avec le préjudice résultant pour elle du retard de paiement. C’est donc souverainement que la cour d’appel, après avoir ainsi estimé que la clause était manifestement excessive, en a réduit le montant.
Cette décision rappelle la jurisprudence selon laquelle le litige portant sur une clause pénale ne relève pas de la notion de « contestation de la créance » au sens du code de commerce. Le juge-commissaire a donc le pouvoir, dans le cadre de la vérification des créances, de réduire une clause pénale s’il la trouve manifestement excessive et, ce faisant, d’appliquer cette réduction à une clause de majoration des intérêts. Cette solution a déjà été rendue à propos d’une clause de style insérée dans les contrats bancaires prévoyant une majoration de 3 % des intérêts en cas de retard dans l’exécution (Cass. com., 11 mai 2010, n° 09-13.106, n° 520 D). Elle obéit au droit commun de la clause pénale et ne peut donc être réduite que si elle est jugée manifestement excessive.
Ce pouvoir étant reconnu au juge-commissaire et aux juges d’appel, se pose ensuite la question relative à l’exigence de constater le caractère « manifestement excessif » de la clause pénale, qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. En l’occurrence, le déséquilibre se déduit de la motivation même de l’arrêt d’appel qui prend en compte l’augmentation du taux, qui excède notablement le coût de refinancement de la banque et est, par ailleurs, sans commune mesure avec le préjudice subi par la banque du fait du retard de paiement. En ceci, la décision rendue répond aux exigences de droit commun de la cause pénale posées par l’article 1152 du code civil (à compter du 1er octobre 2016 les dispositions de cet article figureront à l’article 1231-5 du code civil).
Sort des intérêts à échoir
S’agissant des sommes dues par la société, à raison du cautionnement garantissant la dette de tiers, la banque reproche à l’arrêt d’appel d’avoir fixé les créances à un certain montant « en principal à échoir à titre chirographaire », puis d’avoir dit que les intérêts étaient arrêtés au jour du jugement d’ouverture. De sorte que les intérêts à échoir n’étaient pas pris en compte dans l’admission des créances.
La Cour de cassation rejette, également cet argument. Dans les déclarations initiales de la banque relatives aux cautionnements par la société des prêts souscrits, les intérêts à échoir avaient été déclarés « pour mémoire ». Par ces constatations, dont il résulte que les modalités de calcul des intérêts à échoir n’étaient pas précisées, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de rejeter leur admission au passif.
La solution retenue n’innove guère. Il est de jurisprudence constante que le créancier qui se limite à une évaluation approximative des intérêts, « pour mémoire » ou « pour un franc à parfaire » s’expose au rejet partiel de sa créance, à moins qu’il en ait précisé les modalités de calcul.
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
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Martine Dizel, Maître de conférences, université Toulouse I