Pratiques anti-concurrentielles au sein d'un GIE regroupant des artisans taxi

01.04.2019

Gestion d'entreprise

Un GIE regroupant des artisans taxi ne peut imposer des conditions d'accès non objectives, non transparentes et discriminatoires, ni restreindre la liberté commerciale de ses membres au-delà du raisonnable.

Conformément à une jurisprudence constante, les organismes collectifs peuvent être sanctionnés sur le fondement des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce prohibant les ententes anticoncurrentielles, dès lors que leurs décisions ou pratiques ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. L’Autorité de la concurrence applique cette jurisprudence à un GIE regroupant des artisans taxi qui avait refusé la transaction proposée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, alors qu’il était à l’origine de plusieurs restrictions de concurrence.

Le refus de la transaction proposée par la DGCCRF

Afin de sanctionner certaines pratiques du GIE concerné qu’elle estimait contraires aux dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, la DGCCRF lui avait proposé une transaction en vertu des dispositions de l’article L. 464-9 et de l’article R. 464-9-3 du code de commerce applicables lorsque les pratiques en cause remplissent les conditions suivantes :

  • elles affectent un marché de dimension locale,
  • elles ne concernent pas des faits relevant des articles 101 et 102 TFUE,
  • le chiffre d’affaires réalisé en France par chaque entreprise auteur de ces pratiques ne dépasse pas 50 millions d’euros, et leurs chiffres d’affaires cumulés ne dépassent pas 200 millions d’€.

Le GIE ayant refusé cette proposition, le ministre de l’économie a saisi l’Autorité de la concurrence.

Les restrictions de concurrence sanctionnées

Il s’agit de restrictions contractuelles à l’accès au GIE et de restrictions au développement d’une activité concurrentielle de ses membres.

Les restrictions à l’accès au GIE

S’agissant des restrictions à l’accès, selon une jurisprudence bien établie, les conditions d’adhésion à une association professionnelle sont susceptibles de porter atteinte à la libre concurrence si, d’une part, cette adhésion est une condition d’accès au marché ou si elle constitue un avantage concurrentiel et si, d’autre part, ces conditions d’adhésion sont définies ou appliquées de façon non objective, non transparente ou discriminatoire. En l’espèce, l’appartenance au GIE a conditionné l’accès au marché dans la mesure où elle peut être considérée comme un facteur essentiel de contact avec la clientèle locale. Il en est ainsi car à l’exception d’un seul cas, depuis le 28 avril 2011 la totalité des taxis de la commune considérée adhère à ce mode de fonctionnement dont le but est, au moyen d’un central radiotéléphonique accessible 24h/24, de centraliser les demandes des clients et de les répartir entre les taxis disponibles.

Or, il ressort de l’analyse du contrat constitutif du GIE que l’adhésion au groupement est subordonnée, dès le 23 janvier 2008, date du contrat constitutif initial, d’abord à un parrainage par au moins deux membres du GIE, ensuite à un vote à l’unanimité se prononçant en faveur de l’intégration dans le GIE du candidat. Entre le 23 janvier 2008 et le 2 septembre 2014, date de modification du contrat constitutif à la suite de l’intervention de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, l’admission au sein du GIE pouvait en outre être subordonnée au versement d’un droit d’entrée, décidé et fixé discrétionnairement par l’assemblée générale du GIE. Aucun recours n’était par ailleurs admis à l’encontre de la décision se prononçant sur la demande d’adhésion d’un nouveau membre dans le GIE.

Selon l’ADLC, la condition de parrainage par au moins deux membres du GIE, concurrents directs sur le marché, et la nécessité de recueillir un accord unanime de tous les membres du GIE comportent un risque de discrimination arbitraire entre les candidats. De plus, la possibilité d’appliquer un droit d’entrée dans le GIE, dont le mode de calcul n’est pas fixé dans le contrat constitutif dans des conditions objectives, mais est laissé à l’appréciation de l’assemblée générale, peut être utilisée de façon arbitraire pour faire obstacle à l’accès d’un nouvel entrant sur le marché des taxis dans la commune.

L’Autorité en conclut que les conditions d’accès au GIE sont non objectives, non transparentes et discriminatoires, et ce d’autant plus que la décision du GIE en la matière ne peut faire l’objet d’aucun recours. Eu égard à la position économique du GIE, qui constitue un intermédiaire essentiel pour accéder à la clientèle, ces conditions sont anticoncurrentielles par objet et prohibées par l’article L. 420-1 du code de commerce.

Les restrictions au développement d’une activité concurrentielle des membres du GIE

S’agissant des restrictions au développement d’une activité concurrentielle des membres du GIE, si la constitution d’un tel groupement entre concurrents n’est pas en soi constitutive d’une pratique concertée prohibée par les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, ce type de structure ne doit pas restreindre la liberté commerciale de ses membres au-delà du raisonnable.

Mais en l’espèce, alors que la loi autorise le cumul de l’activité de taxi avec les activités émergentes de conducteur de transport à but touristique (statut découlant de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’Orientation des Transports Intérieurs, dite loi LOTI), ou de conducteur de VTC (Voiture de Tourisme avec Chauffeur), le contrat constitutif du GIE contient un ensemble de mesures qui sanctionnent par l’exclusion tout membre se livrant à l’une de ces activités. Comme les restrictions à l’accès au GIE, ces mesures sont également anticoncurrrentielles par objet et prohibées par l’article L. 420-1 du code de commerce.

Sur la base de ces constatations, l’ADLC inflige au GIE une sanction pécuniaire de 75 000 €.

Max Vague, Docteur en droit, Maître de conférence des universités, Avocat

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