Président et salarié d'une SAS ? Il faut établir le lien de subordination !
02.12.2022
Gestion d'entreprise

La présidente d'une SAS s'est vu refuser la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail en tant que secrétaire au sein de la société, faute d’avoir pu établir un lien de subordination à l’égard de celle-ci.
Une société d’auto-école est créée sous la forme d’une SAS entre deux associés, dont l’un détient 99 % des actions. L’associée minoritaire est investie d’un mandat non rémunéré de présidente de la société, puis s’octroie le même jour un contrat de travail en qualité de secrétaire sans le soumettre à l’approbation de son coassocié.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Après la liquidation judiciaire de la SAS, il est notifié à l’intéressée qu’elle ne peut prétendre à aucune indemnité au titre de la cessation de son contrat de travail, sa qualité de salariée ne pouvant être retenue en raison de son mandat de présidente. Saisie de la question, la cour d’appel de Grenoble exclut l’existence d’un contrat de travail. Elle relève, à cet effet, que le lien de subordination entre la présidente prétendument salariée et son employeur fait défaut au double motif suivant :
- quoiqu’associé très minoritaire de la société, l’intéressée n’en était pas moins présidente et disposait, aux termes des statuts, des « pouvoirs les plus étendus » ;
- aucun des témoignages produits n'a permis d’attester que l’associé majoritaire avait exercé la direction de la société en lieu et place de la présidente ou qu’il aurait exercé sur celle-ci un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction dans le cadre d’un lien de subordination caractérisant l’existence d’un contrat de travail.
Remarque : plus accessoirement, il était constaté que si des bulletins de paie avaient été effectivement établis, le CDI dont ils résultaient était dénué de toute valeur probante puisque l’intéressée l’avait signé en qualité de présidente sans respecter le régime des conventions réglementées qui imposait de le soumettre à l’approbation de l’associé majoritaire (C. com., art. L. 227-10). Il en a été déduit que la preuve du lien de subordination incombait à la prétendue salariée.
Cumul possible d’un mandat social et d’un contrat de travail au sein d’une SAS
Avant d’écarter l’existence du contrat de travail litigieux, la cour d’appel de Grenoble a pris soin d’affirmer que les dirigeants d'une SAS, dont le président, peuvent en principe cumuler leur mandat social avec un contrat de travail puisqu’aucun texte ne s'y oppose. Sans surprise, les juges ajoutent cependant que les intéressés doivent respecter « les conditions générales de cumul imposées par les règles du droit du travail », c'est-à-dire, en substance, « l'effectivité du contrat de travail, le lien de subordination, la dualité des fonctions et des rémunérations ».
Ce faisant, les juges s’inscrivent dans la ligne d’une décision récente de la cour d’appel de Paris ayant affirmé que « l'exercice simultané des fonctions de mandat social avec celles de salarié n'est pas prohibé dans le cadre d'une SAS, sous réserve que le contrat de travail corresponde à un emploi réel et que celui-ci réponde aux conditions du salariat (fonctions techniques distinctes, lien de subordination et rémunération) » (CA Paris, 14 sept. 2021, n° 19/02034).
Exigence rigoureuse d’un lien de subordination
Les juges du fond rappellent que « le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné », conformément à un principe bien établi (Cass. soc., 13 nov. 1996, n° 94-13-187). Ils apprécient, en l’espèce, l’existence ou non de ce lien au regard de trois critères.
1° Qualité d’associé de la présidente
En observant que le lien de subordination fait défaut « quoique » l’intéressé soit « associée très minoritaire » de la société, la cour admet implicitement que la qualité d’associé minoritaire d’un dirigeant de SAS ne fait pas obstacle en elle-même à la reconnaissance d’un état de subordination à l’égard de la société. Cette solution est conforme à celle retenue à propos d’un gérant associé minoritaire de SARL et doit être approuvée (Cass. soc., 10 févr. 2010, n° 09-40.383).
Que penser, en revanche, de l’affirmation incidente de la cour selon laquelle « l'exigence d'un état de subordination a pour conséquence d'interdire à l'associé majoritaire de la SAS, ou unique d'une SAS unipersonnelle, de conclure un contrat de travail. » ? Elle est sans doute pertinente lorsqu’un tel associé est également dirigeant de la SAS (ou de la SASU), compte tenu de la jurisprudence refusant au gérant associé majoritaire d’une SARL le cumul avec un contrat de travail (Cass. soc., 31 mars 1982, n° 81-10.448 : Bull. civ. V n° 238). Dans le cas contraire, l’assertion mérite d’être nuancée. Il a certes été jugé que l’associé unique non-gérant d’une EURL ne peut y détenir un contrat de travail dès lors que son pouvoir de révoquer le gérant exclut qu’il soit sous sa dépendance en qualité de salarié (Cass. soc., 16 janv. 2019, n° 17-12.479). Cependant, les statuts d’une SAS peuvent priver l’associé majoritaire, voire, au moins en théorie, l’associé unique, du pouvoir de révocation. Singulièrement, il est admis qu’une clause des statuts de SAS peut prévoir ou avoir pour effet l’irrévocabilité d’un dirigeant (CA Paris, 31 mars 2022, n° 21/02463) et il semble possible de garantir cette irrévocabilité en soumettant la modification de cette clause à l’accord du dirigeant - l’hypothèse paraît théorique, mais pourrait se matérialiser à la faveur du rôle clé reconnu à un dirigeant dans le développement de l’activité sociale et/ou de liens de proximité (familiaux ou autres) l’unissant à l’associé majoritaire ou unique. Dans ce cas, la reconnaissance d’un contrat de travail au profit de l’associé majoritaire ou unique devrait pouvoir être admise. Encore faudra-t-il que le dirigeant, même affranchi du risque de révocation, s’autorise à exercer effectivement les prérogatives d’un employeur à l’égard d’un salarié ayant la qualité d’associé majoritaire ou unique ; à défaut, l’existence d’un lien de subordination ne pourra pas, le cas échéant, être établi et l’existence du contrat de travail sera écarté.
2° Pouvoirs étendus de la présidente
Pour écarter l’existence du lien de subordination, les juges ont notamment constaté que la présidente disposait des pouvoirs les plus étendus aux termes des statuts. Sans doute la mise en exergue de cette plénitude des pouvoirs avait-elle vocation à souligner que l’intéressée ne pouvait se trouver sous la subordination juridique d’autres dirigeants, au contraire d’un dirigeant de SAS auquel les statuts auraient conféré des pouvoirs limités et qui pourrait, de ce fait, se trouver sous la subordination juridique d’un représentant légal de la société demeuré investi des pleins pouvoirs. Cependant, les « pouvoirs les plus étendus » du président n’excluent pas qu’il puisse, à l’instar du gérant de SARL, agir sous la subordination de l’associé unique ou majoritaire. Aussi, la cour a-t-elle poursuivi sa démonstration en prenant soin de déterminer si la présidente agissait ou non sous l’autorité de l’associé majoritaire de la société.
3° Absence de lien de subordination à l’égard de l’associé majoritaire
Conformément à l’analyse in concreto qui prévaut en la matière, les juges finissent par examiner les rapports existants entre la présidente et l’associé majoritaire pour déterminer si la première était dans les faits sous la subordination du second. Ils concluent par la négative, les témoignages produits ne faisant pas état d’ordres ou de consignes de l’associé majoritaire ou de l’exercice par celui-ci d’une direction de fait supplantant la direction de droit dévolue à la présidente. On notera que dans une affaire concernant un membre du directoire d’une SAS qui y exerçait une activité salariée, l’intéressée avait pu se prévaloir d’un état de subordination à l’égard de l’associé unique au regard des rapports qu’elle établissait régulièrement à son attention en sollicitant des approbations ou instructions, et des directives que lui adressait ce dernier dans le domaine technique commercial et dans celui de la gestion de la société (CA Paris, 14 sept. 2021, préc.).
Les issues opposées de ces deux affaires mettent en lumière la nécessité pour le dirigeant de rendre compte régulièrement à l’associé unique (ou majoritaire) de son activité, de solliciter de sa part un retour, et de l’inviter à émettre des directives, le tout par écrit. C’est à ce prix, tout particulièrement s’il dispose de pouvoirs étendus, que le dirigeant pourra être en mesure d’établir un lien de subordination de nature à « sauver » son contrat de travail, quoiqu’il puisse se heurter à la réticence de l’associé sollicité, tenu de limiter son implication pour ne pas s’exposer aux risques de la direction de fait. Encore faudra-t-il, de surcroît, que le dirigeant exerce une activité technique de manière effective et qui soit distincte de celle relevant de son mandat, ce qui n’était pas contesté formellement dans l’affaire commentée.
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