Face à l'émergence de nouvelles formes de travail en lien avec les plateformes numériques, les présidentiables s'opposent dans les solutions à apporter. De même, concernant les alternatives au RSI. Des thématiques débattues, la semaine dernière, devant l'Association des journalistes des PME.
Le premier tour de l’élection présidentielle se tient dans moins d’un mois et il est un sujet assez peu abordé dans le débat public par les candidats : celui des travailleurs indépendants. Même si l’Unapl a présenté le mois dernier une série de propositions (lire notre article), tout comme la Fédération française des auto-entrepreneurs (lire notre article). Une table ronde organisée jeudi dernier par l’Association des journalistes des petites et moyennes entreprises (AJPME), avec des représentants de quatre (*) des onze candidats, a permis de détailler certaines problématiques.
La question du statut des indépendants et des nouvelles formes de travail est plus que jamais d'actualité avec l’ubérisation de l’économie. Selon plusieurs intervenants, les nouvelles technologies et l’arrivée de nouveaux acteurs poussent la montée du travail non salarié. En effet, ces plateformes numériques d’intermédiation font de plus en plus appel à des auto-entrepreneurs au lieu d’embaucher. Une tendance à relativiser toutefois car l’emploi salarié représenterait encore 90% de l’emploi en France (selon des données de l’Insee de 2014) et une majorité d’auto-entrepreneurs n’a pas recours à ce type de plateformes (selon la FEDAE).
Certains candidats pointent ainsi un "détournement" de l’idée initiale de l’auto-entreprise. "Des entités économiques [plateformes] (…) se sont saisies de failles (…) du dispositif pour flexibiliser à des niveaux jamais connus le travail", estime Jean-Charles Hourcade, économiste qui fait partie de l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon. "L’ubérisation de masse des auto-entrepreneurs conduit à des situations d’esclavage moderne". Pour contrer ce phénomène qui crée aussi "des distorsions de concurrence" entre les entreprises, le candidat de La France insoumise propose notamment de "faciliter la requalification en contrat de travail salarié des auto-entrepreneurs à client unique et des collaborateurs exclusifs des plateformes collaboratives" (selon son programme). Il s’agirait de donner le droit à tout travailleur qui met sa force de travail "au service exclusif d’une seule entité" d’obtenir de celle-ci un contrat de travail à durée indéterminée, explique Jean-Charles Hourcade. Donc dès lors qu’il y a une dépendance économique à un donneur d’ordre unique. Cette mesure serait inscrite dans la loi. Une telle requalification, en cas de lien de subordination juridique permanent avec l'entreprise, a déjà été opérée par les juges (lire notre article).
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Pour François Fillon et Emmanuel Macron, le travail indépendant est au contraire à privilégier (lire notre article). La question est de savoir "comment faire une place à ces travailleurs indépendants qui ont effectué des prestations dans les entreprises ?", estime Hervé Novelli, référent national Pôle entreprise dans l’équipe de campagne du candidat Les Républicains. L’idée de François Fillon est de donner un "cadre de régulation, de protection et d’équité" - au lieu de "tout remettre dans la case salariale" - avec la mise en place d’un "contrat de prestataire indépendant" pour les auto-entrepreneurs qui le souhaitent, détaille Hervé Novelli. Durant trois ans, ces derniers ne seraient pas susceptibles d’être requalifiés en salariés. Soit "l’âge 2 de l’auto-entrepreneur", résume l’ancien secrétaire d’Etat au PME qui a mis en place ce régime sous le gouvernement Fillon en 2008. Parallèlement, les candidats LR et d'En Marche ! proposent de relever les plafonds de l'auto-entreprise (selon leur programme
respectif).
Benoît Hamon, lui, ne formule pas de proposition concrète sur ce point. Il ouvre plutôt des pistes de réflexion. Il n’existe pas [que] deux options entre la fiche de paie et l’indépendant, relève Yacine Djaziri, chef d’entreprise et responsable thématique PME et travail indépendant de la campagne du candidat du Parti socialiste. Selon lui, il convient de distinguer entre "salarié, non salarié et esclave". Et l'attention doit surtout se porter sur les plateformes : comment les obliger "à permettre une mise en place respectable du travail" des personnes qui travaillent pour elles ?, lance-t-il.
Marine Le Pen prévoit quant à elle la création d’un secrétariat d’Etat "dédié aux mutations économiques" qui serait rattaché au ministère des finances et chargé d' "anticiper les évolutions des formes de travail liées aux nouvelles technologies (ubérisation, robotisation, économie du partage…)" (selon son programme). Il faudra s’adapter à chaque secteur, précise François de Voyer, président du collectif Audace et membre de l’équipe de campagne de la candidate Front national.
Autre thématique phare : la protection sociale des indépendants. La quasi-totalité des candidats à l’élection présidentielle veut tourner la page du RSI (**). Le régime social des indépendants, qui proposait encore récemment des correctifs (lire notre article), "ne fonctionne pas bien", résume Hervé Novelli. Son candidat François Fillon propose à la place la création d’une "caisse de protection des indépendants" qui serait chargée de l’évaluation des cotisations sociales et de leur recouvrement. Toute la nouveauté réside dans ce dernier point. Car aujourd’hui, c’est l’Urssaf et non le RSI qui s’occupe du recouvrement des charges (et le RSI gère l’évaluation), "ce qui génère des dysfonctionnements" en raison d’incompatibilités entre les systèmes informatiques, rapporte Hervé Novelli.
Ce n’est pas la voie choisie par Emmanuel Macron ou encore Marine Le Pen. S’ils en appellent eux aussi à la suppression du RSI, ils proposent comme solution de remplacement l’adossement des travailleurs indépendants au régime général de la Sécurité sociale. Pour la candidate FN, il s’agirait d’une possibilité et son programme parle de "refonte totale" du RSI avec un fonctionnement d’auto-déclaration trimestrielle. Il est également question "d’amnistie des arriérés", ajoute François de Voyer. Sans aller jusqu'à la fin du RSI, Jean-Luc Mélenchon offre quant à lui une option pour le travailleur indépendant de réintégrer le régime général. A noter que le candidat En marche ! entend faire bénéficier les indépendants d'une assurance chômage, au même titre que les salariés.
Benoît Hamon compte, pour sa part, "s’appuyer sur les partenaires sociaux pour réfléchir collectivement sur comment on transforme ces régimes sociaux qui ne fonctionnent pas", indique son représentant Yacine Djaziri. C’est un problème d’ingénierie et non de logo, insiste-t-il. L’objectif est de créer un "outil le plus opérationnel" possible sans trop contraindre les indépendants. Le programme du candidat PS évoque une "réforme du RSI pour que les indépendants aient les mêmes droits que les salariés", sans autre précision.
(*) Par ordre alphabétique : François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon. Nous avons fait le choix de parler dans cet article des seules propositions des 5 candidats (avec Emmanuel Macron) les mieux placés dans les sondages.
(**) Tous les indépendants ne sont pas affiliés au RSI. Tel est le cas, par exemple, des dirigeants de SAS qui sont assimilés à des salariés (lire notre interview).
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