Présidentielle : les propositions sociales des candidats

Présidentielle : les propositions sociales des candidats

18.04.2017

Gestion du personnel

Le premier tour de l'élection présidentielle a lieu dimanche. Nous vous proposons un décryptage du volet social des programmes des 11 candidats à la présidence de la République. Analyse et résumé en huit tableaux synthétiques.

Après avoir occupé le devant de la scène ce printemps, la loi Travail a cristallisé une partie des débats de la présidentielle. Les candidats se répartissent entre ceux qui déclarent vouloir l'abroger - en tout ou partie - et ceux qui veulent pousser sa logique encore plus loin. Rares sont ceux qui ne se sont pas positionnés sur ce texte, devenu au fil des semaines un objet politique.

Toutefois, les propositions sociales des 11 candidats en lice pour la présidence de la République ne s'arrêtent pas là. Nous vous proposons un décryptage du volet social des programmes, autour de huit thèmes, récapitulés dans les tableaux ci-dessous.

Les débats entamés lors de ce quinquennat se poursuivent, qu'il s'agisse de fusionner les instances représentatives du personnel, de réfléchir à la place de la négociation d'entreprise ou bien encore de revoir les seuils sociaux. Pour la plupart des candidats, les dernières réformes n'ont pas clôt les débats. Loin de là !

► Développer la négociation d'entreprise : stop ou encore !

Avec la remise en cause de la loi Travail dans quasiment tous les programmes des candidats, c'est la question du sort de la négociation d'entreprise qui se pose.

Certains veulent aller plus loin que la loi El Khomri ; c'est le cas d'Emmanuel Macron et de François Fillon qui souhaitent réduire le périmètre de la loi aux principes fondamentaux et ouvrir le reste à la négociation d'entreprise par accord majoritaire. C'est aussi l'occasion pour ces deux candidats d'étendre le périmètre du nouveau référendum institué par la loi Travail en donnant la possibilité à l'employeur de le déclencher, ce qui n'est pas possible à l'heure actuelle.

D'autres veulent au contraire rétablir la hiérarchie des normes et le principe de faveur. C'est le cas de Benoît Hamon, mais aussi de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier souhaite même revenir sur l'ensemble des lois antérieures qui permettent à un accord d'entreprise de déroger à un accord de branche ou la loi, visant ainsi, sans les mentionner expressément, la loi Auroux du 13 novembre 1982, la loi Fillon du 4 mai 2004 et la loi du 20 août 2008. Jacques Cheminade, un cran au-dessus, souhaite abroger l'ensemble des lois sociales antérieures en ne conservant que certaines mesures (qu'il n'énumère pas).

Quant à François Asselineau et Marine Le Pen, s'ils souhaitent aussi abroger la loi Travail, ils ne précisent pas dans quel sens et quelles dispositions remplaceraient les mesures ainsi abrogées

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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► Le retour du débat autour des seuils sociaux

La question du relèvement des seuils sociaux est revenue dans le débat. Elle avait été très présente lors de l'ouverture de la négociation sur les IRP en 2014, avant d'être reléguée au second plan.

Nicolas Dupont-Aignan et François Fillon proposent de doubler les seuils sociaux. François Fillon y voit là aussi un moyen de développer l'emploi dans les petites entreprises. Pour d'autres, il s'agit non pas d'augmenter les seuils sociaux mais de limiter les obligations liées au passage de seuils. C'est ce que propose Marine Le Pen en suggérant de réduire le nombre d'obligations liées au seuil de 50 salariés.

► Institutions représentatives du personnel : les fusionner ou les développer ?

Là encore, deux types de réforme s'opposent : fusionner les IRP en une seule ou, au contraire, renforcer les pouvoirs des institutions existantes.

Marine Le Pen souhaite fusionner les IRP entre 50 et 300 salariés (hors représentation syndicale) en une structure unique conservant les mêmes compétences. François Fillon, lui, suggère de fusionner en une instance unique les DP, le CE et le CHSCT avec des prérogatives et des moyens qui seront croissants en fonction de l'effectif de l'entreprise. Cette réforme s'accompagnerait d'une suppression du monopole syndical au premier tour des élections professionnelles.

D'autres candidats veulent modifier les IRP, non pas dans le sens d'une simplification mais d'un renforcement de leurs prérogatives. Jacques Cheminade souhaite ainsi doter le CE d'un droit de veto vis-à-vis de certaines décisions de l'employeur, notamment celles susceptibles d'entraîner des licenciements collectifs. Le programme de Jean-Luc Mélenchon insiste aussi sur ce point : améliorer l'information des élus, étendre leur rôle aux sous-traitants et aux entreprises d'intérim, droit de veto sur les procédures de réorganisation et de restructuration.

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► La directive travailleurs détachés fait parler d'elle

Vivement critiquée en France depuis plusieurs années, la directive sur les travailleurs détachés de 1996 est actuellement en cours de réécriture au niveau de l'Union européenne. Point controversé de la législation actuelle : le fait que les cotisations sociales restent payées en fonction du pays où est basé l'employeur du salarié. Certains candidats se sont clairement positionnés contre la directive, proposant sa suppression : François Asselineau, Nicolas Dupont-Aignan, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Objectif : éviter que les entreprises choisissent d'embaucher des travailleurs étrangers plutôt que des salariés français, afin de ne pas payer de charges sociales. D'autres candidats, comme Emmanuel Macron, sont plus mesurés. Le candidat d'En marche ! souhaite poursuivre la révision de la la directive (comme Benoît Hamon et François Fillon), en limitant à un an la durée autorisée de séjour d'un travailleur détaché en France.

► Une grande variété de mesures en faveur de l'égalité femmes-hommes au travail

Pour mettre fin aux inégalités persistantes entre femmes et hommes au travail, il y a presque autant de propositions que de candidats : droit à la formation à la suite du congé maternité ou parental (Nicolas Dupont-Aignan), systèmes de bonus-malus en faveur de l'égalité salariale (Jacques Cheminade), contrôles aléatoires des entreprises (Benoît Hamon, Emmanuel Macron), publicité du nom des entreprises qui ne respectent pas l'égalité (Emmanuel Macron), augmentation des sanctions (Jean-Luc Mélenchon), revalorisation des métiers souvent exercés par des femmes (Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon), limitation du recours aux horaires décalés (Jean-Luc Mélenchon).

Benoît Hamon propose de rendre obligatoire le congé paternité de 11 jours, et de donner la possibilité aux pères de prendre jusqu'à six semaines de congés. Signalons qu'une proposition de loi en ce sens a été votée en février à l'Assemblée nationale, mais proposant une extension du congé paternité à 14 jours au lieu de 11. S'agissant des congés, Jean-Luc Mélenchon propose d'instituer un congé parental de même durée pour les mères et les pères (ce qui est déjà possible aujourd’hui, le congé parental était ouvert aux deux parents).

► Licenciements : interdiction versus causes de rupture prédéfinies au contrat

Pour François Fillon, la lutte contre le chômage implique de faciliter les licenciements. Ainsi, il souhaite "rénover le contrat de travail" en créant des contrats particuliers : des contrats de mission pour une durée limitée, ainsi que des contrats de travail avec causes de rupture définies à l'avance (avant même leur signature). Il souhaite également remettre à plat les règles du licenciement économique, afin de le clarifier et de rendre plus prévisibles ses conséquences pour les entreprises.

D'autres défendent une interdiction pure et simple des licenciements, à l'instar de Nathalie Arthaud et Philippe Poutou. Jean-Luc Mélenchon, de son côté, n'interdirait que les licenciements "boursiers", orchestrés par certains employeurs pour faire diminuer les effectifs dans un seul objectif de rentabilité à court terme (en dehors de toute difficulté financière). Le candidat s'attaque également aux ruptures conventionnelles. Créées en 2008, ces ruptures "d'un commun accord" sont parfois accusées de provoquer des dérives. Le candidat de "la France insoumise" propose de supprimer ce type de rupture du contrat de travail.

► Des augmentations de salaire pour tous ?

Philippe Poutou et Nathalie Arthaud proposent une revalorisation générale des salaires (300 €), de même qu'Emmanuel Macron qui propose une augmentation des revenus nets : "pour un salaire mensuel de 2 200 €, cela représenterait 500 € nets en plus par an". Plusieurs candidats défendent en outre le développement des mécanismes d'intéressement et de participation dans les entreprises. C'est le cas de François Asselineau, Nicolas Dupont-Aignan et François Fillon.

Dans le même temps, certains candidats (Nathalie Arthaud, Philippe Poutou) souhaitent limiter les rémunérations abusives de certains employeurs. Même chose chez Jean-Luc Mélenchon, qui pour cela propose de fixer un salaire maximal par entreprise, afin que le salaire le plus élevé dans l'entreprise soit au plus égal à vingt fois le moins élevé.

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► Le retour des heures sup' défiscalisées !

Sujet majeur de la campagne, la question du temps de travail ne laisse aucun des candidats indifférents.

Parmi les thèmes de discorde, la loi El Khomri reste dans le viseur de l’ensemble des prétendants à l’Elysée, à l’exception de Nicolas Dupont-Aignant et d’Emmanuel Macron qui souhaite toutefois encourager le référendum à l’initiative de l’employeur, notamment sur ces sujets. Pour donner plus de flexibilité aux entreprises, François Fillon estime que la loi ne doit fixer qu’une durée maximum du temps de travail, calée sur les normes européens (48 heures) ; les entreprises et les branches devant définir elles-mêmes par la négociation leur durée du travail et donc le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Le candidat des Républicains est, toutefois, le seul à vouloir supprimer la durée légale de 35 heures.

Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon veulent, eux, à l’inverse, restaurer la hiérarchie des normes et encourager la réduction collective du temps du temps de travail pour "partager le travail". Le candidat de la France insoumise plaide aussi pour les 32 heures pour les travailleurs de nuit et les métiers pénibles, une sixième semaine de congés payés et les conventions de forfait jour aux seuls cadres dirigeants. Le candidat socialiste suggère, lui, de conditionner le versement du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) à un accord d’entreprise ou de branche sur "le droit au temps choisi" à la carte.

Pour Marine Le Pen, il serait possible de déroger aux 35 heures au niveau des branches professionnelles à condition d’une compensation intégrale (37 heures payées 37 ou 39 heure payées 39 heures).

A noter également : quatre candidats, Jacques Cheminade, Nicolas Dupont-Aignant, Marine Le Pen et Emmanuel Macron, reprennent, par ailleurs, à leur compte l’un des dispositifs phare de Nicolas Sarkozy, la défiscalisation des heures supplémentaires.

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► L'extension de l'assurance chômage en réflexion

Sur le front de l’emploi, tous les candidats partagent un même objectif : réduire le chômage. Mais les recettes divergent pour y parvenir. Les programmes font, toutefois, la part belle aux aides à l’embauche, considérées comme un levier incitatif pour les entreprises. Pas moins de sept candidats proposent ce type de dispositif, en particulier des exonérations de charges sociales en direction d’un public cible (jeunes, peu qualifiés, chômeurs de longue durée…) ou d’entreprises cibles (PME de moins de 50 salariés).

Les candidats souhaitent également réformer le système d’assurance chômage. François Fillon opte pour une réduction drastique des dépenses, en instaurant la dégressivité des allocations afin que l’indemnisation chômage permette un vrai retour à l’emploi. Jacques Cheminade se prononce, à l’inverse, pour une augmentation des recettes, avec l’instauration d’un système de bonus-malus ; le taux de cotisations des entreprises progressant avec le taux de rotation de leur main-d’œuvre.

Mais certains prétendants à l’Elysée vont plus loin en se prononçant pour une réforme structurelle. Emmanuel Macron propose d’aller vers un système universel qui inclurait l’ensemble des actifs (artisans, commerçants, indépendants, entrepreneurs…) et de passer d’une gouvernance paritaire à une gouvernance publique, sans toutefois "exclure les partenaires sociaux", selon Jean Pisani-Ferry, directeur du programme du candidat d'En Marche voyant dans le compromis syndicats-patronat, obtenu le mois dernier, un simple "accord de gestion".

Par ailleurs, François Asselineau et Emmanuel Macron souhaitent tous deux ouvrir l’assurance chômage aux personnes qui démissionnent, les droits étant, dans ce cas, mobilisables une fois tous les 5 ans.

► Un droit opposable à l'emploi

Jean-Luc Mélenchon propose un droit opposable à l’emploi. En clair, l’Etat devra proposer en dernier ressort un emploi aux demandeurs d’emploi. François Fillon se démarque également en proposant de supprimer les emplois aidés, emplois d’avenir et contrats de génération en tête, deux mesures phares du quinquennat de François Hollande, afin de réorienter ces deux lignes budgétaires vers l’alternance. Seule exception à la règle : les contrats aidés dans le domaine du handicap.

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► Une énième réforme de la formation professionnelle ?

Trois ans après la loi du 5 mars 2014, plusieurs prétendants à l’Elysée souhaitent de nouveaux aménagements. Objectifs : rendre la formation professionnelle plus performante en ciblant davantage les PME, les demandeurs d’emploi et les salariés les moins qualifiés. Certains avancent même des objectifs chiffrés : Jacques Cheminade propose d’offrir 700 000 formations longues et qualifiantes chaque année pour faire face aux changements d’emplois, de métiers et d’activité. Emmanuel Macron promet, de son côté, de former 1 million de jeunes peu qualifiés éloignés de l’emploi et 1 million de chômeurs de longue durée faiblement qualifiés.

Pour y parvenir, les candidats veulent réformer la gouvernance du système. Jean-Luc Mélenchon plaide ainsi pour l‘instauration de la formation professionnelle dans le service public de l’enseignement professionnel et Benoît Hamon souhaite que les universités et les écoles deviennent les principaux acteurs du système. Emmanuel Macron va encore plus loin en retirant aux partenaires sociaux la gouvernance de la formation professionnelle au niveau national et en supprimant les Opca.

Ils veulent également revoir le financement des formations. Benoît Hamon suggère ainsi la création d’une nouvelle taxe, une contribution sociale sur les robots, destinée à alimenter un Fonds de transition travail (FTT) dont la mission sera de créer autant d’emplois nouveaux que ceux qui disparaîtront et de financer la formation des salariés à ces nouveaux métiers. Son montant est, pour l’heure, indéterminé.

► Alternance : des propositions à foison

Coté alternance, les propositions de réforme sont également nombreuses. Parmi les pistes, la conclusion de contrats d’apprentissage, à partir de 14 ans (Marine Le Pen, François Asselineau) ou même dès la classe de quatrième (Jean Lassalle) ; la création d’un contrat unique d’alternance (Emmanuel Macron) ; l’adaptation de la durée et des horaires des apprentis mineurs à l’horaire de travail de l’entreprise (Nicolas Dupont-Aignan, François Fillon) ; la mise en place d’un label permettant aux entreprises employeuses d’apprentis d’être mises en valeur (Nicolas Dupont-Aignan) ou encore la suppression des aides pour développer la voie professionnelle sous statut scolaire (Jean-Luc Mélenchon) et, à l’inverse, des charges sociales sur l’apprentissage (François Fillon)

Côté gouvernance, l’ancien Premier ministre projette de confier le pilotage du système aux régions et aux branches professionnelles. Emmanuel Macron souhaite impliquer pleinement les branches dans la définition et l’organisation des programmes. Deux candidats chiffrent même leurs objectifs : Nicolas Dupont Aignan ambitionne de parvenir à un million d’apprentis en fin d’année, et Jacques Cheminade veut 300 000 places d’apprentissage de plus.

► Le CPA en chantier

Les candidats souhaitent également enrichir le compte personnel d’activité (CPA). Benoît Hamon milite pour un droit à un congé formation d’un an afin d’acquérir un diplôme ou une qualification, et Emmanuel Macron veut permettre à chacun de s’adresser directement aux prestataires de formation (sans passer par un Opca). François Fillon suggère, lui, de doter chaque Français d’un "capital formation" en lieu et place des dispositifs existants (CPF, CIF…). Un projet qui pourrait s’inspirer du "crédit emploi formation" préconisé par l’Institut Montaigne qui imaginait, dans un rapport de janvier dernier, un nouveau dispositif dépassant les seuls droits à la formation pour englober toute la dimension de l'accompagnement à la recherche d'emploi : coaching, aide à la création d’entreprise ou accompagnement à la recherche d’emploi…

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► Le burn out préoccupe certains candidats

La santé au travail n'occupe pas beaucoup de place au sein des débats de cette primaire. Elle préoccupe de façon très variée les candidats. Benoît Hamon est toujours très présent sur la question de la reconnaissance du burn out en tant que maladie professionnelle. Le candidat avait plaidé en ce sens, mais sans succès, lors des débats autour de la loi Rebsamen. Véritable parcours du combattant, la reconnaissance du burn out comme maladie professionnelle implique actuellement d’atteindre un seuil de 25% d’incapacité permanente, difficilement atteignable pour les affections psychiques. Notons que la mission parlementaire relative au syndrome d'épuisement professionnel a reconnu que le burn out ne pouvait pas, en l'état, être reconnu comme une maladie professionnelle. Elle avait recommandé d'expérimenter un taux d'incapacité réduit à 10 % dans son rapport, remis le 15 février dernier. Benoît Hamon propose que ce seuil soit abaissé voire supprimé. Une proposition que reprenne également François Asselineau et Jean-Luc Mélenchon.

Le candidat de "La France insoumise" fait partie de ceux qui détaillent le plus leur programme en matière de santé au travail. Souhaitant déclarer la souffrance au travail "grande cause nationale", il propose d'intégrer la médecine du travail au service public de santé, en garantissant ses moyens. Le candidat souhaite également revenir sur la loi Travail concernant la périodicité des visites médicales : les visites médicales d’embauche et en cours de contrat de travail seraient rétablies. Notons que les candidats qui souhaitent abroger la loi Travail devraient, de facto, revenir également sur ses nouveautés concernant la médecine du travail. Jacques Cheminade axe ses propositions autour de l'attractivité de la médecine du travail, et faire collaborer médecins du travail et inspecteurs du travail.

Nathalie Arthaud souhaite, elle, faire peser sur les employeurs le coût des salaires des accidentés du travail et malades professionnels, sans limitation de durée.

Prendre en compte la pénibilité sans pénaliser les entreprises

Bête noire des organisations patronales, le compte pénibilité est la cible de quelques candidats. François Fillon et Marine Le Pen souhaitent le supprimer. La candidate frontiste propose toutefois de remplacer le "C3P" par un nouveau dispositif "reposant sur une évaluation personnalisée", au cas par cas. Dans le même esprit, Jacques Cheminade propose que les médecins du travail assistés par les inspecteurs, "établissent eux-mêmes et de façon incontestable des situations de pénibilité". Une façon de soulager les employeurs, qui n'auraient plus à procéder à un décompte détaillé des critères de pénibilité pour chaque poste. Emmanuel Macron s'est quant à lui prononcé en faveur d'une suspension du compte pénibilité, afin d'en adapter le principe branche par branche via la négociation.

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► Retraites : 60, 62, 65 ans ?

S'agissant de l'âge légal de départ à la retraite, il y a les partisans du changement, et les autres. Dans le premier camp, quatre candidats militent pour un abaissement à 60 ans (Nathalie Arthaud, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou), alors que François Fillon est le seul à souhaiter un report de l'âge légal, à 65 ans. Les autres candidats souhaitent conserver un âge légal de départ fixé à 62 ans, avec quelques subtilités. Seulement trois candidats à l'élection proposent une vaste réforme structurelle tendant vers un régime de retraite unique : François Fillon, Emmanuel Macron et Nicolas Dupont-Aignan. Ce dernier est aussi le seul à proposer un système de retraite par points pour les nouveaux entrants.

► Des candidats globalement en faveur d'une hausse du Smic

Sur les 11 candidats, 7 candidats proposent une revalorisation du salaire minimum. Pour rappel, aujourd'hui un salarié au Smic travaillant 35 heures par semaine touche 1 480,27 euros par mois. La hausse le plus importante est proposée par Nathalie Arthaud (1 800 € bruts), suivis par Philippe Poutou, Jacques Cheminade et Jean-Luc Mélenchon qui proposent un montant à peu près équivalent (1 700 € bruts pour les deux premiers, et une augmentation de 16% du Smic net pour le troisième). François Asselineau est bien en deça de ces propositions avec 1 300 € nets mensuels (on estime le Smic net moyen en 2017 à environ 1 150 €). Enfin, deux candidats ont annoncé vouloir augmenter le Smic, sans chiffrer de montant : Jean Lassalle et Benoît Hamon. Ce dernier choisirait pour cela la voie de la négociation interprofessionnelle.

► Clivage sur les cotisations patronales

Accusées d'augmenter le coût du travail et donc de favoriser le chômage, les cotisations sociales sont la cible de beaucoup de candidats. François Fillon souhaite ainsi renforcer les allègements de charge existants à hauteur de 25 milliards d'euros, sur tous les salaires. Emmanuel Macron a annoncé une baisse de cotisations sociales employeur de 6 points, en remplacement du CICE. Il exonérerait de charges sociales les emplois rémunérés au Smic. Les bas salaires concentrent également l'attention de Jean Lassalle qui souhaite baisser les charges sur ces emplois. Tout comme François Asselineau, Marine Le Pen ne réserve ces baisses de charges qu'aux petites entreprises : TPE et PME. Elle souligne que cette aide serait conditionnée au maintien de l'emploi. Deux candidats proposent des mesures à contre courant : fin du système d'exonérations des cotisations sociales (Philippe Poutou) et augmentation des cotisations jusqu'à la fin du déficit des caisses de retraite (Nathalie Arthaud).

Ovni de ces propositions, la "taxe robots" de Benoît Hamon continue son chemin. Les entreprises qui remplacent des emplois existants par des machines deviendraient débitrices d'une nouvelle taxe. Elles en seraient dispensées si leur robotisation s'accompagne d'une augmentation des effectifs.

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► Prud'hommes : le retour du barème d'indemnités

Il n'y a pas que la loi El Khomri qui est dans le viseur de certains candidats ; certains souhaitent réformer le volet "prud'hommes" de la loi Macron. Benoît Hamon propose ainsi d'augmenter les moyens de la justice de manière générale, dont ceux des prud'hommes et renforcer l'action de groupe qui, rappelons-le, concerne aussi les discriminations au travail. Jacques Cheminade estime pour sa part que la loi Macron ne raccourcit pas les délais et veut relancer une "réelle simplification", sans plus de précisions. Il souhaite également que la formation des juges soit assurée par des magistrats professionnels.

Les lois Macron et El Khomri n'ont pas épuisé le thème du barème d'indemnités. Emmanuel Macron tient à cette réforme comme il l'avait souligné en mars dernier au moment de son retrait de la loi Travail. Il est rejoint en ce sens par François Fillon qui souhaite également plafonner les indemnités de rupture.

► Renforcer le corps de l'inspection du travail ?

A peine le corps des inspecteurs du travail réformé en profondeur que certains candidats souhaitent déjà le rénover. Certains souhaitent renforcer leurs pouvoirs, à l'instar de Jean-Luc Mélenchon et doubler leurs effectifs. Ce dernier propose également de créer un parquet spécialisé en droit du travail afin d'améliorer les suites pénales à donner en matière de droit du travail. Jacques Cheminade propose également de doubler le nombre d'inspecteurs du travail en les associant à la politique d'ensemble économique et sociale poursuivie et de faire travailler ensemble médecins du travail et inspecteurs du travail.

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(Tableaux : © AFP)

Anne Bariet, Laurie Mahé Desportes et Florence Mehrez
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