Présomption de démission en cas d'abandon de poste : un dispositif applicable depuis le 18 avril à manier avec précaution

01.06.2023

Gestion du personnel

Un décret du 17 avril a précisé la procédure à mettre en oeuvre pour faire jouer la présomption de démission en cas d'abandon de poste par un salarié. Toutefois, de nombreuses incertitudes demeurent sur ses conséquences juridiques pour l'employeur.

Le contexte

La loi « marché du travail » du 21 décembre 2022 a instauré, via un nouvel article L. 1237-1-1 du code du travail, une présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire par un salarié. Plus précisément, ce texte prévoit que « le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans un délai fixé par l'employeur est présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai ».

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Découvrir tous les contenus liés

Remarque : auparavant, l'abandon de poste ne valait pas démission car ne reposait pas sur une volonté claire et non équivoque de démissionner. Le salarié qui abandonnait son poste pouvait être sanctionné par un licenciement pour faute (Cass. soc., 10 juill. 2002, n°00-45.566). Ce qui ouvrait droit aux allocations-chômage. Désormais si l'employeur a recours au dispositif de la présomption de démission, le salarié n'aura plus droit à l'assurance chômage.

Il s'agit d'une présomption simple, pouvant être contestée par le salarié devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes (CPH), qui statue sur la nature de la rupture et ses conséquences et ce, dans le délai d'un mois suivant sa saisine.

Remarque : toutefois ce délai d'un mois sera difficile à respecter par le CPH en raison du nombre de contentieux à traiter. 

Un décret du 17 avril 2023 a précisé, via le nouvel article R. 1237-13 du code du travail les modalités de ce mode de rupture particulier du contrat et a permis son entrée en vigueur depuis le 19 avril 2023, lendemain de sa publication au Journal officiel. Le ministère du Travail a également publié, le 17 avril, un questions-réponses sur son site pour préciser certains points de la procédure. Certaines de ces réponses, qui n'ont pas de valeur juridique mais simplement informative, ont fait l'objet de critiques auprès de juristes et ont été attaquées pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.

Les précisions apportées par le décret du 17 avril 

Délai laissé au salarié pour justifier son absence et  reprendre son poste : 15 jours minimum

C 'est à l'employeur de fixer, dans la mise en demeure, le délai laissé au salarié pour justifier son absence  et reprendre son poste. Ce délai ne peut être inférieur au délai minimum fixé par décret, soit, 15 jours (C. trav., art. R. 1237-13 nouv.). Il s'agit de jours calendaires, à défaut d'autres précisions. C 'est ce que confirme le QR n°2 du ministère. 

Remarque :  par jour calendaire, il faut entendre tous les jours de la semaine, y compris les jours fériés , samedi et dimanche. En application de l'article R. 1231-1 du code du travail, si le délai fixé par l'employeur est en jours calendaires et expire un samedi, dimanche ou un jour férié, il est prorogé au jour ouvrable suivant. L'employeur peut opter pour un délai plus important, par exemple 1 mois et dans ce cas, c'est de date à date.

Le délai commence à courir à la date de présentation de la mise en demeure (C. trav., art. R. 1237-13). 

Remarque : le point de départ du délai court le jour de la présentation de la lettre recommandée de mise en demeure même si le salarié ne retire pas la lettre ou est absent.

A l'expiration du délai fixé dans la mise en demeure, si le salarié ne reprend pas son poste et ne justifie pas son absence, il est présumé démissionnaire (C. trav., art. L ; 1237-1-1). 

Le QR du ministère précise que le salarié sera considéré comme démissionnaire « à la date ultime de reprise du travail fixée par l'employeur » , c'est-à-dire le dernier jour du délai imparti. Mais juridiquement, il convient, à notre avis, de retenir le lendemain de cet « ultime jour ».

Les motifs légitimes pouvant être invoqués par le salarié en réponse à la mise en demeure

Le décret détermine également les conditions dans lesquelles le salarié peut invoquer un motif légitime de nature à faire obstacle à cette présomption de démission. 

Peuvent « notamment »  être invoqués les motifs suivants  :raisons médicales ;exercice du droit de retrait (C. trav., art. L. 4131-1) ;exercice du droit de grève (C. trav., art. L. 2511-1) ;refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ;modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur (sans qu'il ait donné son accord). 

Cette liste, figurant à l'article R.1237-13, n'est pas limitative. 

Cet article précise que «  le salarié indique le motif qu'il invoque dans la réponse à la mise en demeure » . Toutefois, l'absence de réponse du salarié ne le prive pas pour autant de son droit de contester la présomption de démission devant le conseil de prud'hommes prévu à l'article L. 1237-1-1. Cette disposition légale ne subordonne pas la saisine du CPH à l'envoi préalable d'une réponse du salarié à la mise en demeure de l'employeur. 

Il reviendra au bureau de jugement du conseil de prud'hommes, saisi par le salarié, d'évaluer la légitimité du motif. S'il l'estime légitime, l'abandon de poste sera imputable à l'employeur et produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, justifiant le versement des indemnités de rupture afférentes et permettant le cas échéant au salarié de prétendre au bénéfice des allocations-chômage. Dans le cas contraire, il produira bien les effets d'une démission, privative de toute indemnité et allocation.

Les points de vigilance

Lorsque l'employeur souhaite mettre en œuvre le dispositif de la présomption de démission pour abandon de poste, il est utile de préciser les conséquences juridiques. Nous vous présentons, dans le tableau ci-après un certain nombre de points à avoir en tête pour bien apprécier ces conséquences.

L employeur peut-il encore utiliser la voie du licenciement pour faute en cas d'abandon de poste ? 

  • Selon le ministère, l’employeur qui entend se séparer d’un salarié en CDI en abandon de poste volontaire doit faire jouer la présomption de démission, sans possibilité alternative de recourir à un licenciement pour faute  (QR n°1). de nombreux juristes contestent cette position. Deux actions en justice ont été intentées pour excès de pouvoir et ont demandé la suppression de cette interprétation. Il faudra attendre la décision.

  • Plusieurs arguments militent pour le maintien de la voie du licenciement : 

— cette voie n'est pas interdite expressément par le code du travail, contrairement à la rupture conventionnelle individuelle (C. trav., art. L. 1237-11 ;

— cette interdiction va à l'encontre du pouvoir de direction de l'employeur et notamment de son pouvoir disciplinaire ;

— la voie du licenciement pour faute peut être plus sécurisée pour l'employeur que la voie de la  démission présumée ; 

— elle protège davantage les droits de la défense du salarié en prévoyant l'organisation d'un entretien préalable où le salarié peut être assisté 

.

Que faire si la convention collective exige que le salarié donne sa démission par écrit?

Le dispositif de la présomption de démission ne prévoit pas l'exigence d’un écrit du salarié. Selon le ministère du travail n'est pas obligé, dans ce cas, de demander un écrit pour formaliser la démission (QR n°6). Il fait référence à une jurisprudence selon laquelle, ce type de disposition conventionnelle est une règle de pure forme qui ne remet pas en cause la démission (cass soc. 28 sept 2004, n°02-43.299). Reste à savoir si cette jurisprudence sera étendue au cas de la présomption de démission

Quelles sont les précautions à prendre pour rédiger la mise en demeure?

  • Mentions légales obligatoires  : demande de justifier l’absence et de reprendre le poste et délai 

  • Mention préconisée : préciser qu'à défaut de réponse dans le délai fixé, le salarié sera présumé démissionnaire et qu'il ne pourra à ce titre pas prétendre à une indemnisation chômage (QR, n° 2)

Quelle est l’incidence de la présomption de démission sur le préavis ? 

  • Les règles de droit commun du préavis en cas de démission s'appliquent, à défaut de précisions contraires dans les textes. Il commence à courir à l'expiration du délai fixé dans la mise en demeure. Le contrat est donc maintenu jusqu'à l'expiration du préavis. Si le salarié ne l'exécute pas de son propre fait, il n'a pas droit à l'indemnité compensatrice. Si l'employeur dispense le salarié du préavis, l'indemnité compensatrice est due.

  • L'inexécution du préavis par le salarié peut ouvrir droit à une indemnité compensatrice pour l'employeur (Cass. soc., 18 juin 2008, n°07-42.161)

Que faire en cas de clause de non-concurrence?

  • La clause de non-concurrence trouve à s'appliquer en cas de démission présumée pour abandon de poste. Son point de départ c'est la date de fin du préavis. Sauf renonciation de l'employeur, elle donne droit au versement de l'indemnité compensatrice.

  • Si l'employeur souhaite renoncer à l'application de cette clause, il doit le notifier au salarié dans le délai fixé par le contrat ou la convention collective. S'il est prévu que la renonciation doit intervenir au plus tard à la date de rupture du contrat, l'employeur devra le notifier avant l'expiration du délai fixé dans la mise en demeure. Dans ce cas, il faudra rédiger ce courrier de telle façon qu'il ne soit pas qualifié de lettre de rupture du contrat. 

Que faire en cas de clause d’entrée en fonction (prime d’embauche subordonnée à l’absence de démission avant un certain délai)? 

A priori la jurisprudence récente autorisant le remboursement de cette prime prorata temporis en cas de démission anticipée est transposable à la démission présumée pour abandon de poste  (Soc. 11 mai 2023, n°21-15.136)

La procédure s’applique-t-elle aux salariés en CDD?

Non. La procédure de la présomption de démission pour abandon de poste ne s'applique qu'aux salariés en contrat à durée indéterminée. Elle figure dans la section du code du travail concernant les ruptures de CDI. Pour les CDD, la procédure disciplinaire pour faute grave peut  être utilisée.

Que faire si le salarié est un salarié protégé?

  • Cette situation n’est pas envisagée par le code du travail contrairement à la rupture conventionnelle individuelle. Le code du travail prévoit que les salariés protégés peuvent conclure une rupture conventionnelle individuelle après autorisation de l'inspecteur du travail (C. trav., art. L. 1237- 15)

  • La voie de la présomption de démission en cas d'abandon de poste semble échapper à la protection spécifique contre le licenciement. Mais en l’absence de volonté claire et non équivoque en cas d’abandon de poste, n’est ce pas risqué? Dans ce cas, la procédure disciplinaire pourrait être la voie la moins risquée même si elle est en contradiction avec la position du ministère du travail qui estime que seule la voie de la démission présumée est ouverte en cas d'abandon de poste.

  • La question reste en suspens

La rédaction sociale
Vous aimerez aussi