Prévention du risque amiante : quel rôle à jouer pour les médecins du travail ?

Prévention du risque amiante : quel rôle à jouer pour les médecins du travail ?

21.08.2017

HSE

En matière de prévention du risque amiante, les médecins du travail ont, depuis 2012, de nouvelles prérogatives. Certaines nécessitent des connaissances très techniques. Un guide vient de sortir pour aider les professionnels.

Les prérogatives des médecins du travail en matière de risque amiante ont changé en 2012. C’est pour cette raison que l’OPPBTP vient de publier un guide à leur destination, et à celle du reste de l'équipe pluridisciplinaire et des préventeurs. Aujourd'hui, davantage de documents sont soumis au médecin du travail. Dans certains cas, les informations transmises doivent faire l'objet d'avis. Pour chacun d'entre eux, les auteurs du guide donnent des exemples de courrier. Le document, qui apporte des éclaircissements sur l'aspect réglementaire, est très dense, mais des encadrés résument bien les tâches qui incombent au médecin. 

Une multitude d’avis

Le guide rappelle que le médecin doit donner de nombreux avis. Le maître d’ouvrage doit lui en demander un à propos de la notice de poste. Le médecin vérifie la présence de l’ensemble des informations nécessaires : intitulé du poste, niveau d’empoussièrement, risques sanitaires encourus, description des phases de travail, EPI, moyens de protection collective, règles d’hygiène… Le médecin doit également donner son avis sur l’ensemble du mode opératoire de sous-section 4, aussi bien lors de sa création que lors de sa modification. C'est dans ce cadre que le médecin est contraint de se prononcer sur la gestion des déchets.

Autre avis demandé : celui concernant la stratégie d’échantillonnage. "Cela fait partie des points les plus compliqués, que nous ne ne traitions pas sous cette forme avant 2012", nous expliquent deux des auteurs de la publication. Pour aider à cette tâche, le guide propose une grille de lecture de la stratégie proposée. Le code du travail prévoit également qu’ "en absence d’infirmiers, ou lorsque leur nombre ne permet pas d’assurer une présence permanente, l’employeur prend, après avis du médecin du travail, les mesures nécessaires pour assurer les premiers secours".

Comme l'explique le guide de l'OPPBTP, le médecin du travail est consulté, sans avoir obligatoirement à donner son avis, sur la durée de chaque vacation, devant être définie en fonction des contraintes thermiques et physiques, mais aussi le nombre de vacations quotidiennes, le temps d’habillage, de déshabillage et de décontamination, et le temps de pause après chaque vacation. Le maître d’ouvrage doit aussi communiquer au médecin les résultats des VLEP (valeurs limites d’exposition professionnelle) et, tous les trois mois, les plans de retrait, de démolition et d’encapsulage. L'avis du médecin sur chaque plan de retrait n'est plus demandé, contrairement à ce que prévoyait l'ancienne réglementation.

Des check lists

Tous les salariés qui interviennent sur des matériaux amiantés bénéficient d’un suivi individuel renforcé de leur état de santé. Le médecin doit réaliser un examen médical avant la formation SS3 ou SS4, et un examen médical d’aptitude à l’embauche au minimum tous les quatre ans (avec visite intermédiaire réalisée par un professionnel de santé au maximum deux ans après avoir vu le médecin du travail). 

Il arrive que des travailleurs soient accidentellement exposés à l'amiante, sur des chantiers de sous-section 3 ou de sous-section 4, mais également sur des chantiers BTP où l’évaluation des risques a été insuffisante avec défaut de repérage des matériaux amiantés. Dans ces cas, le médecin doit réclamer les fiches d’exposition à l’amiante des salariés concernés, renseigner les dossiers médicaux individuels en conséquence, et veiller à ce que toutes les mesures soient prises afin que la situation ne se reproduise pas. En revanche, une visite médicale complémentaire n'est pas obligatoire. 

Le guide contient de nombreux encadrés, sous forme de check lists, qui énumèrent pour différents thèmes les points auxquels le médecin du travail doit faire attention. Concernant le déshabillage et la décontamination par exemple, les auteurs conseillent au médecin de s'assurer de la facilité d'accès pour le salarié à une douche d'hygiène dans l'environnement du chantier et du respect des procédures et des temps de décontamination. Autre exemple : l'employeur doit fournir des APR (appareils de protection respiratoire) aux salariés, le guide préconise aux médecins du travail d'être vigilants quant à leur adéquation avec la morphologie du travailleur, leur bon ajustement ou encore la réalisation des tests d'étanchéité.  

L'avis des médecins

Mireille Loizeau et Emmanuelle Brichet, médecins du travail et médecins conseil à l'OPPBTP, sont deux des auteurs du guide. Elles nous éclairent sur l'intérêt de cette publication. Nous en avons profité pour les interroger sur leur périmètre d'action.

Pourquoi un tel guide ? Pensez-vous que les médecins ne sont pas suffisamment armés pour répondre à leurs obligations ? 

Depuis les modifications réglementaires de 2012, nous devons rendre des avis différents. On perdait donc beaucoup de temps à chercher l’information. Il n’existait pas encore d’outil pratique dans la littérature. L’idée est de proposer un guide facilitant les réponses aux questions posées par les employeurs, de permettre un gain de temps et une harmonisation des pratiques. Ce ne sont pas des recommandations, cela ne s’impose à personne, ce sont de simples propositions.

L’importance de votre rôle de surveillance et de conseil dépend en partie de la volonté et de la transparence de l’entreprise. Est-ce que, de manière générale, les maîtres d’ouvrage transmettent bien l’ensemble des documents, comme les modes opératoires par exemple, au médecin du travail ?

On ne peut pas vraiment répondre à cette question. Nous recevons certains modes opératoires mais nous ne pouvons pas savoir combien ne nous sont pas envoyés. Il est vrai qu’on peut faire une visite de chantier un jour où il n’y a pas de travail avec l’amiante alors que l'entreprise réalise régulièrement ou ponctuellement des interventions exposant à l'amiante, nous ne sommes pas dans l’entreprise 24 heures sur 24.

Quid du suivi post-professionnel ? Les personnes concernées peuvent en faire la demande, pour passer un scanner thoracique notamment, est-ce qu’elles sont nombreuses à en profiter ?

Le salarié a une fiche d’exposition à l’amiante réalisée par l’entreprise. Quand il arrête son activité professionnelle, il peut en effet demander à la CPAM un suivi post-exposition. Mais on ne sait pas si beaucoup le font.

Quel est le rôle du médecin du travail pour les travailleurs indépendants, comme les plombiers par exemple ? Contrairement aux salariés, ils ne reçoivent pas de formation avant intervention et ignorent souvent le risque…

Nous n’avons aucun rôle à jouer puisque on ne les suit pas. Ils ignorent plus ou moins le risque amiante. Certains indépendants sont au fait et appliquent la réglementation.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Pauline Chambost
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