Prise de contrôle d'une entreprise en difficulté : le raisonnement de l’ADLC

Prise de contrôle d'une entreprise en difficulté : le raisonnement de l’ADLC

10.11.2016

Gestion d'entreprise

L’Autorité de la concurrence (ADLC) a dû répondre à deux problématiques majeures dans ce domaine : le temps et l’analyse concurrentielle de l'entreprise cible. Il semble encore nécessaire d'encourager le dialogue des autorités de concurrence européennes.

Lorsqu’une société voit qu’un de ses concurrents est en difficulté, la tentation de le racheter est grande. Cette procédure de concentration est contrôlée par l’Autorité de la concurrence (ADLC). Lors d’un séminaire organisé le 8 novembre par la revue Concurrences et le cabinet DLA Piper, l’Autorité a présenté l’évolution de son analyse concurentielle en la matière.

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La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Simon Genevaz est chef du service des concentrations de l’Autorité de la concurrence : « La question du contrôle des concentrations qui interviennent sur des entreprises en difficulté pose un double problème. Un problème de temps d’abord, puisqu’en principe le contrôle de l’Autorité est suspensif. Un problème de fond ensuite, lié aux difficultés de l’entreprise cible ».

La suspension du temps, lors de l’examen de la concentration par l’ADLC, peut poser des difficultés majeures. La plus évidente d’entre-elles étant la disparition de l’entreprise cible entre la notification de la concentration à l’Autorité et la décision définitive. Une disposition du code de commerce permet de déroger à cette suspension (Art. L430-4, alinéa 2 du code de commerce).

Deux critères pour déroger à la suspension

Pour appliquer cette disposition, l’ADLC se fonde sur deux critères : la difficulté effective de l’entreprise et l’urgence de procéder au rachat. Des critères souples : « Depuis 2009, la plupart des dérogations ont été accordées. On ne dénombre que six refus », souligne Simon Genevaz. Ces refus ont été notifiés lorsque les difficultés financières de l’entreprise cible étaient bénignes ou remédiables, hors concentration, ou si la notification et la demande de dérogation étaient tardives, alors même que le projet était connu depuis plusieurs mois.

L’Autorité doit également apprécier les effets de la concentration sur la concurrence. En 2004, le Conseil d’État posait trois conditions pour que la concentration soit autorisée (CE, 6 février 2004). Il fallait :

  • que les difficultés entraînent la disparition rapide de la société en l'absence de reprise,
  • qu'il n'existe pas d'autre offre de reprise moins dommageable pour la concurrence, 
  • que la disparition de la société en difficulté ne soit pas moins dommageable pour les consommateurs que la reprise projetée.

Ces conditions, cumulatives, ont eu « peu de succès », estime Simon Genevaz.

L’Autorité s’est alors basée sur le principe suivant : « L’analyse concurentielle est indifférente aux difficultés économiques d’une cible, sauf dans les circonstances où ces difficultés affectent sa position concurentielle ». Pour que les difficultés d'une entreprise puissent avoir un impact sur sa décision d'autorisation de la concentration, l'Autorité analyse donc leur impact sur le niveau concurrentiel de l'entreprise cible.

Citons deux exemples. D’abord une décision du 25 février 2011, où l’Autorité a procédé à l’examen des appels d’offre de la cible. Il est apparu, en l’espèce, que l’entreprise obtenait moins d’appels d’offres, ce qui était lié à ses difficultés (voir paragraphe 76). Le critère était donc rempli. Même chose dans une décision du 12 novembre 2012, où il apparaissait que les parts de marché de l’entreprise cible avaient été affectées du fait de ses difficultés (voir paragraphe 36).

La question de la convergence de vue au niveau européen

Le raisonnement de l’Autorité semble désormais rodé, mais d’autres difficultés peuvent naître, notamment lorsque la concentration est réalisée sur le plan international. « Lors de l’affaire Sea France, née en 2011, on a assisté à un véritable dysfonctionnement structurel », souligne Me Édouard Sarrazin, avocat associé au cabinet DLA Piper. Des deux côtés de la Manche, Autorité de la concurrence et Competition and Markets Authority ont pris des décisions contradictoires. « L’Europe manque d’articulation entre les procédures des autorités pour faire face au multifiling. On assiste à une incohérence, et à un manque de convergence ».

Pour répondre à cette problématique, l’avocat propose un début de piste : « A l'occasion de la refonte du règlement européen sur le contrôle des concentrations, la Commission européenne ne devrait-elle pas prendre en compte ces risques et introduire des mécanismes qui permettraient de garder une cohérence ? ». Il avance l'idée que la Commission devrait être le « futur gendarme des autorités de la concurrence à l’intérieur de l’Union ». Le débat est lancé.

Olivier Hielle
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