Procédures d'insolvabilité relevant du règlement européen : les nouvelles modalités procédurales en droit français

15.06.2018

Gestion d'entreprise

Un décret du 5 juin 2018 modifie la partie réglementaire du Livre VI du code de commerce. Il précise notamment les nouvelles publicités relatives aux procédures d'insolvabilité.

Suite à la révision du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 par le règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité, l'ordonnance n° 2017-1519 du 2 novembre 2017 portant adaptation du droit français à ce règlement avait introduit un Titre IX dans la partie législative du Livre VI du code de commerce, intitulé « Dispositions particulières aux procédures d’insolvabilité relevant du règlement (UE) 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité » (C. com., art. L. 690-1 et s.) (v. Adaptation du droit des entreprises en difficultés aux procédures d'insolvabilité). Un décret n° 2018-452 du 5 juin 2018 (JO, 7 juin) vient cette fois compléter la partie réglementaire, notamment en instaurant un titre IX portant un intitulé identique.

Le décret du 5 juin 2018 prévoit en particulier l’inscription de nouvelles informations relatives aux procédures d’insolvabilité au RCS, au BODACC ou encore au registre des métiers, il définit également certaines modalités procédurales concernant par exemple l’engagement du praticien de l’insolvabilité visant à ne pas ouvrir une procédure secondaire ou encore apporte des précisions sur les documents qui doivent être fournis lors de la demande d’ouverture d’une procédure relevant du règlement européen.

Ce décret est entré en vigueur le lendemain de sa publication, donc le 8 juin 2018, même si certaines dispositions ne sont applicables qu’aux procédures ouvertes à compter du 26 juin de la même année.

Il est bien sûr exclu d’en faire ici une analyse exhaustive, aussi nous limiterons nous à évoquer certaines des innovations apportées par ce texte.

Documents à fournir lors d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité

La demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, qu’il s’agisse d’une procédure principale ou secondaire, reste régie par les textes de droit interne, et le débiteur doit donc fournir les documents visés par les articles R. 621-1, R. 631-1 ou R. 640-1 du code de commerce respectivement pour la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaire. Mais si elle relève du règlement européen, le nouvel article R. 690-1 impose de fournir en plus, d’autres éléments permettant de déterminer la localisation du centre des intérêts principaux, ce qui devrait faciliter la décision du tribunal saisi quant à l’analyse de sa compétence, mais aussi toute information relative aux éventuels transferts de siège dans les trois mois précédant la demande d’ouverture, précision utile là encore, puisque le règlement n° 2015-848 écarte la présomption selon laquelle le centre des intérêts principaux est situé au lieu du siège social, si le siège statutaire a été transféré dans un autre État membre au cours des trois mois précédant la demande d’ouverture, (Règl. (UE) no 2015/848 du Parlement et du Conseil, 20 mai 2015, art. 3, § 1, al. 2). Doit également être fournie toute information relative aux transferts d’actifs dans les trois mois précédant la demande d’ouverture, aux établissements et aux actifs situés sur le territoire d’un autre Etat membre, et à l’intégration dans un groupe de sociétés.

Si la demande concerne une procédure secondaire, outre ces éléments, doivent également être fournis (C. com., art. R. 692-1) la copie de la décision d’ouverture de la procédure principale par la juridiction d’un autre Etat membre, les informations permettant de préciser la nature de la procédure d'insolvabilité principale ouverte, notamment si elle est préventive, si elle permet une restructuration de l'entreprise ou si elle est liquidative, le ou les établissements concernés par la demande ainsi que leur localisation, une présentation de la situation comptable, économique et financière du ou des établissements situés sur le territoire français et des actifs situés sur le territoire français, et enfin, le nombre de salariés employés dans le ou les établissements situés sur le territoire français ou dont le contrat de travail se rattache à de tels établissements.

Modifications aux mentions au RCS (C. com., art. R. 123-122 et R. 621-8)

L’article R. 123-122 du code de commerce est entièrement réécrit, toutefois la nouvelle version se limite à prévoir de nouvelles inscriptions dans le cadre des procédures relevant du règlement européen. En particulier, pour les décisions d’ouverture des procédures de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire prononcées à compter du 26 juin 2018, outre les mentions habituelles prévues au 1° du I de l’article R. 123-122, devront être mentionnés d’office au RCS, la nature principale, secondaire ou territoriale de la procédure, la juridiction compétente pour connaître du recours à l’encontre de la décision d’ouverture pour un motif de compétence internationale et le délai pour former ce recours mais aussi le délai de déclaration des créances avec les références électroniques du portail électronique pour y procéder.

L’alinéa 1er de l’article R. 621-8 du code commerce est lui aussi modifié afin de prévoir les mêmes inscriptions au RCS toujours pour les procédures ouvertes à compter du 26 juin 2018, et elles devront donc être portées le cas échéant, au répertoire des métiers ou aux répertoires mentionnés par ce texte. L’alinéa 5 de l’article R. 621-8 du code de commerce est lui aussi modifié. Ainsi, l’insertion au BODACC, outre les précisions habituelles, devra préciser la nature de la procédure, la juridiction compétente pour former un recours et le délai pour le former, innovation qui là encore, ne s’applique qu’aux procédures ouvertes à compter du 26 juin 2018. Le même avis étant publié dans un journal d’annonces légales, ces précisions devront donc également y figurer. Certaines décisions devront également faire l’objet des mesures de publicités prévues aux 5 premiers alinéas de l’article R. 621-8, c’est notamment le cas de la décision du tribunal qui fait droit à la demande de suspension de l’ouverture d’une procédure secondaire (C. com., art. R. 692-2, II) ou encore du jugement d’ouverture d’une procédure de coordination collective (C. com., art. R. 694-2) étant ajouté que doivent également désormais être mentionnées au RCS les décisions intervenues dans les procédures de coordination collective. (C. com., art. R. 123-122, I, 2).

Suspension de la demande d’ouverture de la procédure secondaire

De nombreuses précisions sont apportées concernant la procédure secondaire, que celle-ci soit ouverte ou non. En particulier que le tribunal saisi d’une demande d’ouverture d’une telle procédure, doit en informer sans délai le praticien de l’insolvabilité de la procédure principale et le débiteur non dessaisi par LRAR qui dispose alors d’un délai de vingt jours pour s’opposer à la demande d’ouverture et solliciter la suspension de l’ouverture de cette procédure secondaire (C. com., art. R. 692-2, I). Le tribunal doit alors se prononcer sur la demande d’ouverture et sur la demande de suspension au cours de la même audience et par un même jugement, qui fait l’objet de publicités et qui est notifié par le greffier, par LRAR au praticien de la procédure principale qui dispose alors d’un délai de dix jours pour former un recours (C. com., art. R. 692-2, II et III).

Suspension de la procédure de réalisation des actifs dans la procédure secondaire

Par application de l’article 46 du règlement n° 2015/848 du 20 mai 2018, la juridiction qui a ouvert la procédure secondaire peut suspendre en tout ou partie la réalisation des actifs. Aussi, aux fins de l'application de ce texte, le nouvel article R. 692-4 prévoit que le mandataire de justice informe, sans délai, le praticien de l’insolvabilité de la procédure principale de toute demande tendant à la cession de l’entreprise ou d’un élément d’actif de la procédure secondaire et du délai dont il dispose pour solliciter la suspension de cette cession.

Engagement du praticien de l’insolvabilité de la procédure principale afin d’éviter l’ouverture de la procédure secondaire

On sait que le praticien de la procédure principale peut prendre un engagement visant à éviter l’ouverture d’une procédure secondaire, engagement selon lequel il respectera les droits de répartition et de priorité des créanciers locaux (Règl. (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil, 20 mai 2015, art. 36). On savait que l’administrateur devait alors obtenir l’autorisation du juge-commissaire (C. com., art. L. 691-2), le décret apporte de nombreuses précisions sur les modalités pour informer les créanciers, obtenir leur accord (C. com., art. R. 692-7) mais aussi les formes à respecter pour saisir le tribunal afin que celui-ci statue sur cet engagement (C. com., art. R. 692-8). Des précisions sont également apportées concernant les licenciements en l’absence d’ouverture d’une procédure secondaire (C. com., art. R. 692-10).

Déclaration des créances

Le nouvel article R. 693-2 du code de commerce vient préciser que le mandataire judiciaire informe les créanciers étrangers de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, de l’obligation de déclarer leurs créances et cette information doit également comporter le délai pour former cette déclaration, ainsi que les sanctions encourues en cas de dépassement du délai. Cette information devra prendre la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception ou, si les créanciers y ont consenti, d'un courrier électronique avec demande d’avis de réception. A noter que les délais prévus par les articles R. 622-22 et R. 622-24 ne sont pas opposables aux créanciers qui ne sont pas informés selon les modalités de l’article 54 du règlement européen (C. com., art. R. 693-3). Enfin, la déclaration doit être effectuée en langue française ou accompagnée d'une traduction en langue française. Le créancier peut produire cette traduction et celle des pièces justificatives jusqu'à ce que le juge-commissaire statue (C. com., art. R. 693-4).

De quelques autres dispositions

D’autres dispositions intéressent les procédures concernant des membres d’un groupe établis dans plusieurs États membres (C. com., art. R. 694-1) et en particulier la procédure de coordination collective (C. com., art. R. 694-2 à R. 694-7). Enfin, citera les articles R. 695-1 et suivants du code de commerce relatifs à la coopération et à la communication des praticiens de l’insolvabilité et des juridictions.

 

Philippe Roussel Galle, Conseiller scientifique

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