Alors que le procès de France Télécom entre dans sa deuxième semaine, deux membres du conseil d’administration sont venus témoigner à la barre du tribunal correctionnel de Paris, mardi 14 mai. Jacques de Larosière a défendu la vision stratégique de l’ex-PDG de l’entreprise tandis qu’Hélène Adam a écorné les pratiques managériales à l’œuvre au cours de la période 2002 à 2006. Morceaux choisis de l’audience.
Deux visions se sont affrontées, mardi 14 mai, au tribunal correctionnel de Paris. Celle de deux membres du conseil d'administration. L’un, Jacques de Larosière, administrateur indépendant, ex directeur général du FMI de 1978 à 1987, et ex gouverneur de la Banque de France entre 1987 et 1993, a pris la défense de Didier Lombard, l’ancien dirigeant de France Télécom jugé, à l’instar de six autres prévenus dont Louis-Pierre Wenes (numéro 2) et Olivier Barberot (DRH de l’entreprise), pour "harcèlement moral" ou complicité de ce délit. L’autre, Helène Adam, administratrice salariée, ex représentante du personnel pour l’Union syndicale Solidaires, membre du CHSCT de 1989 à 2000 et actuellement membre du Cese, a dénoncé le "diktat" des marchés financiers et le "management dont l’unique objectif était de faire partir les gens".
Pour le premier témoin, Jacques de Larosière, âgé aujourd’hui de 90 ans, "Didier Lombard a sauvé la maison entre 2005 et 2009". "La situation était critique. En 2002, la société a frôlé la faillite lorsque la bulle internet a éclaté, indique-t-il. J’avais l’impression d’être dans un bateau qui prenait l’eau". Il fallait "colmater la brèche". "Il fallait vaincre la tempête", la concurrence était exacerbée. Ce contexte économique justifie, selon lui, la vaste réorganisation de l’entreprise, qui a conduit à la suppression de 22 000 emplois sur un total de 120 000. Le plan Next, lancé en juin 2005, pour la période 2006-2008 et sa déclinaison RH, Act, est "un plan d’avenir fondé sur l’innovation". L’objectif était de "faire de France Télécom un fleuron de l’économie française". "Or, tout le monde savait qu’il y avait trop de personnel, hérité d’un système administratif et ministériel. Il fallait changer une ancienne administration en une sorte de superbe joyau du monde des télécoms ultra moderne".
- "Est-ce que l’on a évoqué le harcèlement moral des agents de France Télécom", demande un avocat conseil de l’entreprise ?
- "Je n’ai jamais entendu l’expression même de harcèlement moral, répond Jacques de Larosière. Je me souviens qu’il y avait des signaux et des alertes. C’était une transformation qui était lourde, génératrice de stress. Mais je ne me souviens pas d'une crise sociale fin 2008/2009".
Helène Adam, a, elle, une toute autre approche de cette transformation. A l’époque, technicienne, et représentante du personnel, elle se remémore ses multiples alertes lancées lors des conseils d’administration. "Je suis intervenue sur les conséquences catastrophiques (de ce plan) et sur l’incompréhension du personnel". "Au conseil d'administration, j’étais écoutée, mais par contre j’ai l’impression qu’on ne m’a jamais entendue", rappelle Hélène Adam, qui a pris sa retraite, voici deux mois.
Pour la militante syndicale, la situation était "beaucoup plus sereine" en 2006 et il n’y avait "pas lieu de poursuivre ou d'accélérer les suppressions d’emplois déjà engagées sous Thierry Breton" [ex diriegant de l'entreprise avant Didier Lombard]. Le programme se poursuit pourtant. Avec, à la clef, des conséquences dramatiques jusqu’à la vague de suicides de salariés qui est intervenue entre 2007 et 2010.
Car, dans les services, la traduction de ce plan est "terrifiante". "L’annonce des suppressions d’emploi s’est faite du jour au lendemain". Ces départs "n’étaient pas préparés". "J’ai croisé des collègues en perdition qui ne savaient plus où ils habitaient. Les services allaient fermer et (ils) ne savaient plus où ils allaient aller". La militante s’est depuis portée partie civile.
- "Quel est votre préjudice", demande la juge ?
- "Je me porte partie civile parce que j’espère qu’aucune autre direction n’entreprendra ce type de management anxiogène qui a abouti à des situations cataclysmiques, indique la militante. Le pire pour moi a été en décembre 2009 avec la mort de mon collègue, technicien à Marseille. Je ne me sens pas de ne pas être solidaire des familles des victimes".
Le procès, dont actuEL-RH chroniquera régulièrement les audiences, devrait prendre fin le 12 juillet. D’ici là, de nombreuses auditions, dont l’Acsed, l'Association des cadres supérieurs de France Télécom, Denis Combrexelle, directeur général du travail d’août 2006 à mars 2014, Laurent Zylberberg, directeur des relations sociales de l'entreprise de juin 2005 à juillet 2011, ainsi que des victimes et des familles de victimes, devraient apporter leurs témoignages à ce procès.
Le plan Next |
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Les dirigeants de France Télécom avaient mis en œuvre un vaste programme de restructuration : les plans Next et sa déclination RH Act, lancés en juin 2005, pour la période 2006-2008, qui visaient à transformer France Télécom en trois ans, avec notamment l’objectif de 22 000 départs sur 120 000 salariés. Pour Didier Lombard, "Next était là pour redonner de la liberté à l’entreprise, pour développer des services nouveaux, sortir de la nase financière". Olivier Barberot, qui a également témoigné à la barre, a indiqué, de son côté, que le programme Act, désigné, comme le moteur de la transformation, se déclinait en trois volets, à savoir la mobilité interne, la mobilité externe et la mobilité internationale pour les cadres. "Act est un programme qui rassemble les outils de l’entreprise sous une même bannière et reprend les engagements de la GPEC de 2006", poursuit-il, à l’issue de la diffusion au cours de l’audience d’une vidéo qui retransmettait une réunion de présentation du programme réunissant l’ensemble des managers. Mais pour les syndicats, dont la CFDT qui témoigne à la barre, le plan se traduit par une dégradation des conditions de travail. "En 2006, on a écrit à plusieurs reprises à Monsieur Lombard, on a déposé au moins trois à quatre préavis de grève pour demander l’abandon des méthodes managériales. Le salarié subissait quotidiennement des incitations à quitter l’entreprise et à changer de poste", relate une déléguée syndicale de l’entreprise. La CFDT, signataire de l’accord de GPEC de 2003, n’a pas ratifié celui de 2006, "tourné vers la défensive", c’est-à-dire vers "des mobilités imposées". |
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