Projet de loi d'habilitation : "une marge d'appréciation exorbitante" laissée au gouvernement

Projet de loi d'habilitation : "une marge d'appréciation exorbitante" laissée au gouvernement

08.08.2017

Gestion du personnel

Le Parlement n'a pas pu "cerner l'étendue de la délégation" à laquelle il a consenti au profit du gouvernement. C'est ce que dénoncent trois groupes de députés de l'opposition, qui déposeront mercredi un recours devant le Conseil constitutionnel. L'objectif : voir le projet de loi d'habilitation supprimé. Détail du contenu de ce recours.

"Peu clair", "pas suffisamment défini", "flou", "imprécision"... Le projet de loi d'habilitation à légiférer par ordonnances semble particulièrement nébuleux aux yeux de certains députés. Les groupes parlementaires Nouvelle Gauche, La France Insoumise et Gauche Démocrate et Républicaine ainsi que des députés sans étiquette déposeront mercredi un recours contre ce projet de loi devant le Conseil constitutionnel, comme annoncé en fin de semaine dernière. Dans leur collimateur, le manque de clarté et de sincérité du débat parlementaire (voir encadré). Mais sur le fond également, le texte pèche par manque de clarté. Les dispositions imprécises du projet de loi donneraient une trop grande marge de manoeuvre aux gouvernement pour légiférer par ordonnances sur certains sujets. Le texte du recours dresse ainsi une liste des "exemples manifestes de méconnaissance de l'exigence constitutionnelle de clarté prévue par l'article 38 de la Constitution".

En déposant ce recours, les députés voudraient voir supprimer intégralement le projet de loi adopté au mépris de l'exigence de clarté et de sincérité du débat parlementaire. Ou, au minimum, faire annuler certaines de ses dispositions qu'ils estiment particulièrement dangereuses.

Une négociation collective qui exclut les syndicats

La rédaction du projet de loi permet la consultation des salariés pour valider un accord ; soit à l'initiative d'un syndicat représentatif, soit de l'employeur, soit des deux conjointement. Le gouvernement pourrait ainsi prévoir que l'employeur pourra, seul, décider de consulter ses salariés directement plutôt qu'en passant par leurs représentants. Les syndicats, souligne le recours, pourraient ainsi être exclus du processus de négociation collective.

Les mesures d'habilitation traitant de la fusion des instances prennent le même chemin. Elles permettront à l'instance unique de négocier, si elle y est autorisée par un accord collectif de groupe, d'entreprise ou d'établissement. Une atteinte de plus à la place prédominante des syndicats dans la négociation collective, selon les auteurs du recours. Le projet de loi permet en outre au gouvernement de prévoir - sans aucune limite - les exceptions à un principe selon lequel le nombre de mandats des représentants du personnel serait limité à trois.

Un régime de licenciement qui évince le juge

Le référentiel obligatoire des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Un danger pour le principe de séparation des pouvoirs, selon le recours. Le projet de loi permet ainsi au gouvernement de déposséder le juge de son pouvoir d'appréciation du préjudice subi par le salarié. Sans oublier qu'un préjudice doit, selon un principe fondamental du code civil, être intégralement réparé par celui qui l'a causé.

Un effet incitatif pour la délocalisation d'emplois hors de France

Les mesures autorisant le gouvernement à réformer le licenciement pour motif économique sont également anticonstitutionnelles, selon les députés auteurs du recours. L'exécutif pourrait définir librement la règle selon laquelle la cause économique d'un licenciement dans une entreprise appartenant à un groupe serait appréciée seulement au niveau des entreprises nationales appartenant à ce même groupe. Limiter l'appréciation du motif économique au territoire national, tout en ayant le loisir de fixer "les éventuels aménagements à la règle" : il existe là encore un danger. "La définition d'une telle règle est susceptible de porter une grave atteinte au droit à l'emploi en ce qu'elle est susceptible d'avoir un effet incitatif pour la délocalisation d'emplois hors de France par des entreprises privées", souligne le recours. Ce dernier rappelle au Conseil constitutionnel sa décision du 26 novembre 2010, qui faisait de la lutte contre l'évasion fiscale un objectif constitutionnel. Une "logique comparable" voudrait qu'un tel statut soit applicable au développement de l'emploi sur le territoire national, expliquent les députés.

Pénibilité, accords d'entreprise : d'imprécises simplifications

Le recours poursuit l'inventaire des approximations du projet de loi, en s'attaquant à la future réforme du compte pénibilité. Grâce à l'habilitation, le gouvernement pourrait "modifier, à des fins de simplification, de sécurisation juridique et de prévention" les règles de prise en compte de la pénibilité au travail. Des objectifs "flous" qui donnent corps à une "habilitation excessivement étendue", déplore le recours.

Même observation s'agissant de la "simplification" de certains accords d'entreprise, que le gouvernement pourrait opérer grâce à ses ordonnances. Les accords de réduction du temps de travail, d'aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine ou à l'année, de mobilité interne géographique ou professionnelle, de maintien dans l'emploi ou en faveur de la préservation et du développement de l'emploi seraient concernés. Des accords qui permettent des mesures trop variées pour que les conséquences de leur simplification ou harmonisation soient prévisibles.

Un texte adopté au pas de course
Les auteurs du recours ne mettent pas en cause que le fond du texte, mais également sa forme. Ils relèvent que les conditions d'adoption du texte ont été marquées par "des délais et conditions matérielles ayant empêché le Parlement d'exercer son rôle constitutionnel". Une série d'obstacles auraient ainsi entravé le processus législatif parmi lesquels la convocation du Congrès par Emmanuel Macron le 3 juillet. Celle-ci n'aurait laissé aux députés qu'à peine deux jours pour examiner le texte. "Ce n'est donc pas l'absence d'intention des représentants du pouvoir législatif d'amender ce texte qui a été à l'origine du faible nombre d'amendements déposés pour examen en Commission, mais l'absence de temps accordé aux parlementaires pour leur préparation et rédaction", dénonce le recours. Le tout, dans un contexte d'installation des nouveaux députés en manque de moyens matériels (ordinateurs, bureaux) et humains (temps de recrutement des assistants parlementaires).

 

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La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Laurie Mahé Desportes
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