Projet de loi Travail : d'ultimes arbitrages pragmatiques

Projet de loi Travail : d'ultimes arbitrages pragmatiques

08.07.2016

Gestion du personnel

Jusqu'à la dernière version du texte, adoptée mercredi via le 49-3, le gouvernement a apporté des retouches. Les dernières modifications répondent, dans la plupart des cas, à un souci de pragmatisme, certaines dispositions s'avérant parfois inapplicables ou trop générales.

Le projet de loi Travail sera définitivement adopté le 20 juillet et publié au Journal officiel cet été, mais il n'entrera pas en vigueur tout de suite ; en effet, pas moins de 127 décrets sont nécessaires pour son application, et les décrets attendus concernent la plupart des dispositions majeures du texte. Le ministère du travail assure que certains sont déjà rédigés et qu'ils seront publiés rapidement dès la rentrée, mais reconnaît aussi que les consultations nécessaires de différents organismes (CNNC, Cnefop, Conseil supérieur de la prud'homie, etc) peuvent retarder leur entrée en vigueur.

Les derniers changements opérés par le gouvernement dans le texte adopté via la procédure de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution témoignent d'un certain pragmatisme dans certains débats très nourris sur plusieurs thèmes.

Publicité des accords d'entreprise : entre open data et protection des données sensibles

C'est le cas de la question sensible de la publicité des accords d'entreprise. Aujourd'hui, ces accords sont transmis à la Direction générale du travail (DGT) mais ils ne sont pas publics. Le projet de loi Travail prévoit leur publication assorties de certaines restrictions. Ce sont ces garde-fous qui ont fait l'objet de débats et d'évolutions au cours de l'examen du texte. L'objectif poursuivi par le ministère du travail, celui d'aller vers l'open data en matière d'accords collectifs, explique en partie les derniers arbitrages. Au ministère du travail, on souligne une "transformation fantastique", celle de créer "une vraie base de données". Mais cela suppose que la plupart des 36 000 accords signés chaque année soient répertoriés. A la possibilité pour les parties signataires de s'opposer à la publication de l'accord a ainsi succédé l'éventuelle anonymisation de l'arrêt ou sa publication partielle. La première restriction "allait trop loin" et contrevenait à l'idée d'origine, souligne-t-on rue de Grenelle. Il fallait trouver un équilibre entre l'open data et la divulgation de données sensibles.

Au départ les signataires étaient en effet autorisés à s'opposer à la publication du texte. Ils ne le pourront plus, mais pourront décider de ne rendre publique qu'une partie de l'accord. A défaut d'accord entre eux, un signantaire pourra demander son anonymisation. Un décret devra définir le rôle de la Direccte dans l'appréciation de ce qui peut être anonymisé. Concrètement pourront être anonymisés le nom de l'entreprise, celui des salariés qui, par exemple, ne souhaitent pas que soient divulgués leur mandat syndical, ou bien encore des données chiffrées ou des éléments sensibles. "Dans des secteurs très concurrentiels, on n'est pas loin du secret de fabrication en donnant trop d'informations sur les questions salariales par exemple".

Contrôle des accords d'entreprise par les branches : des commission de débats, non de validation

S'agissant du droit de regard de branches sur les accords d'entreprise, alors qu'il avait été question de donner un rôle central aux nouvelles commissions paritaires créées par l'article 13 du projet de loi, le gouvernement a abaissé ses ambitions d'un cran. "Les commissions paritaires sont un bon endroit pour discuter". En somme, elles auront bien un droit de regard sur les accords d'ailleurs (la dernière version du texte prévoit une transmission obligatoire des accords d'entreprise sur la durée du travail), mais exit tout forme de validation.

Une validation que le gouvernement a également supprimée s'agissant des accords conclus avec des salariés élus ; une procédure "qui prenait trop de temps", constate-t-on au ministère du travail.

Contestation des avis d'inaptitude : deux catégories de médecins experts pour faire face aux demandes

C'est aussi la prise en compte d'éléments factuels qui a amené le gouvernement à trancher en faveur d'une procédure mixte en matière de contestation des avis d'inaptitude. "Au début, tout était renvoyé au conseil des prud'hommes mais il n'y a pas suffisamment d'experts près la cour d'appel", rappelle le ministère. D'autres éléments n'avaient pas été pris en compte au départ : le coût de la procédure pour les salariés et le fait que la contestation des avis d'inaptitude concerne avant tout le reclassement et non des aspects médicaux.

La procédure a donc été affinée dans le cadre de la dernière version du texte. La procédure de saisine du conseil de prud'hommes en la forme des référés est maintenue. Un médecin-expert près la cour d'appel pourra être saisi et ce dernier pourra solliciter le médecin du travail afin d'obtenir le dossier médical du salarié. Mais les juges pourront aussi charger le médecin inspecteur du travail d'une consultation, ce qui permettra d'accroître le nombre d'experts pouvant être mobilisés sur la contestation des avis d'inaptitude. Cela permettra de "centrer la ressource là où on a le plus besoin de compétences", explique-t-on au ministère.

Quant au coût, le juge pourra décider que l'employeur les prend en charge même si le salarié est débouté de sa demande.

Représentation du personnel dans les seuls réseaux de franchise qui encadrent les conditions de travail

La création d'une instance de représentation au sein des réseaux de franchise, obligation générale , a finalement été limitée aux seuls réseaux dont le contrat de franchise a un impact sur les conditions de travail. Concrètement seront visés les franchiseurs dont le contrat précise comment va être organisé le travail, et non seulement la location de la marque et la redistribution des royalties. Là encore, ce sont les remontées du terrain qui ont amené le gouvernement à faire évoluer le texte.

Laisser du temps pour appréhender la nouvelle définition du motif économique

Les dispositions sur le licenciement économique n'entreront pas en vigueur tout de suite ; le gouvernement a décidé de les reporter au 1er décembre 2016 pour des raisons de sécurité juridique. Il s'agit de permettre aux acteurs concernés "de s'en saisir" sans les "déstabiliser", explique-t-on au ministère du travail. Autre raison : la nouvelle définition du motif économique , vise un trimestre pour les entreprises de moins de 11 salariés pour apprécier la baisse du chiffre d’affaires ou du carnet de commandes. Il faut donc laisser cette durée minimum s'écouler après la promulgation de la loi.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Florence Mehrez
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