Une réécriture du code du travail sur la durée du travail et les congés, un nouveau barème pour les indemnités prud'homales, la négociation collective revue avec un recours possible au référendum : le projet de loi travail, dont nous publions l'avant projet, jette les bases d'une nouvelle architecture du droit du travail qui privilégie la négociation collective.
Le projet de loi travail, que la ministre Myriam El Khomri présentera le 9 mars en Conseil des ministres, comporte actuellement pas moins de 131 pages, selon la version transmise au Conseil d'Etat que nous nous sommes procuré. Ce texte peut néanmoins encore évoluer en fonction des observations des magistrats, des partenaires sociaux et des arbitrages du Premier ministre.
En l'état actuel, l'avant projet de loi balaie de très nombreux thèmes. Tout d'abord, il pose les bases d'une révision générale du code du travail. Le projet intègre les 61 "principes essentiels du droit du travail" écrits par la commission Badinter afin qu'ils figurent en préambule du code. Celui-ci sera réécrit entièrement dans les deux ans sur la base d'une commission d'experts et de praticiens des relations sociales. Cette commission, qui consultera les partenaires sociaux et dont la composition sera définie par arrêté du ministre du travail, a un objectif précis : "Donner une place centrale à la négociation collective, élargir ses domaines de compétences et son champ d'action", comme le préconisait le rapport Combrexelle.
Sans attendre les travaux de cette commission, le gouvernement réécrit la partie du code correspondant à la durée du travail et aux congés. Dans cette partie, l'avant-projet de loi définit donc le principe (ou "ordre public"), la portée d'un accord sur le sujet ("champ de la négociation collective") et les règles qui s'appliquent en l'absence d'accord ou à défaut de stipulations dans l'accord ("dispositions supplétives"). Au passage, de nouvelles souplesses sont accordées aux entreprises.
Ainsi, si le fractionnement des congés payés reste d'ordre public, la prise de 12 jours de congés entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année, comme l'octroi de jours supplémentaires de fractionnement deviennent des dispositions supplétives. Ce qui signifie qu'elles ne seront applicables dans l'entreprise que si l'accord d'entreprise, d'établissement ou à défaut de branche, n'en dispose pas autrement. Car à la lecture de l'avant-projet de loi, il semble que les entreprises devront négocier sur les congés. En effet, il est précisé qu'un accord "fixe" la période de congés, l'ordre des départs, les règles du fractionnement ou de report...
Regroupement des congés spécifiques |
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Par ailleurs, comme nous vous l'avions indiqué, le texte regroupe les congés spécifiques autour de 3 thématiques : - les congés de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle où l'on retrouve les congés pour événements familiaux, le congé de solidarité familiale et le congé de proche aidant ; - les congés pour engagement associatif, politique ou militant qui regroupent le congé de formation économique et sociale et de formation syndicale, le congé mutualiste de formation, le congé de participation aux instances d'emploi et de formation professionnelle ou à un jury d'examen... ; - les congés d'évolution des parcours professionnels où l'on retrouve le congé pour création ou reprise d'entreprise et le congé sabbatique. |
Autre souplesse, la fixation du taux de majoration des heures supplémentaires par accord collectif d'entreprise ou d'établissement. Le taux de majoration pourrait être différent de celui fixé par l'accord de branche, ce qui n'est pas possible actuellement, sans toutefois être inférieur à 10 %. A défaut d'accord, la majoration pour heures supplémentaires reste fixée à 25 % pour les 8 premières heures, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 %.
Même en l'absence d'accord collectif, le texte instaure la possibilité de conclure des conventions individuelles de forfaits en jours ou en heures sur l'année dans les entreprises de moins de 50 salariés. L'employeur devra fixer les règles et garanties minimales pour les salariés : catégories de salariés susceptibles de conclure une convention de forfait, période de référence du forfait (année civile ou une autre période de 12 mois), nombre de jours dans la limite de 218, contrôle de la charge de travail...
L'avant-projet de loi entend mettre de l’ordre dans la rédaction de l’accord d’entreprise. Tout accord devra prévoir un préambule présentant de manière succincte son objectif et son contenu. Le texte négocié devra en particulier définir ses conditions de suivi et comporter des clauses de rendez-vous. Le non-respect de ces nouvelles contraintes n’affectera pas la validité de l’accord, est-il précisé. Les partenaires sociaux pourront aussi organiser la méthode de la négociation pour en assurer la loyauté, renforcer "la confiance mutuelle entre les parties", et organiser les échanges d’informations. Ici également, l’absence de respect de la méthode définie n’affectera pas la validité des accords collectifs conclus, "dès lors qu’est respecté le principe de loyauté entre les parties". Par défaut, les accords collectifs seront conclus pour une durée de 5 ans.
Le texte du gouvernement revoit aussi les conditions de validité des accords d’entreprise. Exit la règle des 30% d’adhésion et de l’absence d’opposition des syndicats qui représentent 50% des salariés. Désormais et comme l’avait annoncé la ministre du travail, tout accord ou convention d’entreprise devra être majoritaire. Si cette condition de majorité n’est pas satisfaite mais que l’accord recueille la signature d’un ou de plusieurs syndicats totalisant au moins 30% de représentativité, ce ou ces syndicats minoritaires pourront exiger "la consultation des salariés" (ndlr : autrement dit demander l’organisation d’un référendum). Dans ce dernier cas, l’accord négocié ne s’appliquera "que s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés".
Par ailleurs, en cas de dénonciation du statut collectif, le gouvernement semble vouloir remplacer la notion "d’avantages individuels acquis" par le "maintien de la rémunération perçue". Concrètement, en l’absence d’accord de substitution dans un délai de 15 mois, les salariés auront seulement droit au maintien d’une rémunération au moins équivalente à celle versée lors des douze derniers mois. Le récent rapport du professeur de droit Jean-François Cesaro, bien que critique à l’égard de la notion de "maintien des avantages individuels acquis", n’allait pas jusqu’à préconiser sa suppression.
Toujours à propos d'accord, le gouvernement souhaite élargir le principe des accords de maintien dans l'emploi "au développement de l'emploi". Il ne s'agirait donc plus seulement de préserver l'emploi dans une entreprise en difficulté (Ndlr : dans la version de l'avant projet, l'article L5125-1 qui encadre ce type d'accord n'est curieusement pas modifié). Même en bonne santé, une entreprise pourrait par accord changer la rémunération et la durée du travail de façon à ce que ces dispositions s'imposent au contrat du travail, mais cet accord ne devra pas, indique le texte, avoir pour effet une baisse de la rémunération mensuelle du salarié. Le salarié les refusant serait licencié pour cause réelle et sérieuse, une rupture pour motif personnel qui ne serait pas un licenciement économique (licenciement sui generis).
Le document de travail servant de base au projet de loi El Khomri encadre les indemnités prud'homales pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse, l'une des mesures les plus attendues par les employeurs. Elles ne pourront pas excéder un certain montant (15 mois maximum) et pourront varier en fonction de l'ancienneté du salarié et non plus de la taille de l'entreprise comme le prévoyait le projet de loi Macron. Cette disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel en août dernier.
Ne sont, toutefois, pas concernés par ces plafonds de nombreux cas : discrimination, non respect de l'égalité professionnelle, harcèlement moral ou sexuel, de corruption, violation de la protection accordée à la femme, accident du travail ou maladie professionnelle, aptitude-inaptitude, violation du statut des représentants du personnel, droit de grève...
Cinq plafonds sont désormais fixés:
Ancienneté du salarié | Indemnité maximum (en mois de salaires) |
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Moins de 2 ans | 3 mois |
De 2 à moins de 5 ans | 6 mois |
De 5 à moins de 10 ans | 9 mois |
De 10 à moins de 20 ans | 12 mois |
20 ans et plus | 15 mois |
La définition du licenciement économique révisée
L'article L1233-3 définissant le licenciement économique est réécrit par le projet. Constituera désormais "un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inh��rents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
- à des difficultés économiques, caractérisées soit par une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires pendant plusieurs semestres consécutifs en comparaison avec la même période de l'année précédente, soit par des pertes d'exploitation pendant plusieurs mois, soit par une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément à justifier de ces difficultés;
- à des mutations technologiques;
- à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité;
- à la cessation d'activité de l'entreprise".
La définition de ces éléments pourra faire l'objet d'un accord de branche. A défaut, la durée de baisse des commandes ou du chiffre d'affaires caractérisant une difficulté économique sera de 4 trimestres consécutifs et la durée des pertes d'exploitation d'un semestre.
Le nouvel article précise que l'appréciation de ces difficultés s'effectue au niveau de l'entreprise et, si celle-ci appartient à un groupe, "au niveau du secteur d'activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient".
La censure par le Conseil constitutionnel, en novembre 2015, de l'article L4614-13 qui oblige un employeur à payer les frais d'expertise du CHSCT, même lorsque la délibération est annulée en justice conduit le gouvernement à revoir cet article. L'employeur qui souhaite contester "la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise" devra saisir le juge judiciaire, ce qui suspendra la réalisation de l'expertise ainsi que la consultation, le juge devant statuer dans les dix jours suivant sa saisine. La nouvelle rédaction de l'article, telle qu'elle est envisagée, obligera l'expert à rembourser à l'employeur les sommes perçues "en cas d'annulation définitive par le juge de la décision du CHSCT". A noter une curiosité dans la version actuelle : le CE pourrait décider de prendre en charge, sur son budget de fonctionnement, les frais d'une expertise du CHSCT. Le comité d'entreprise pourrait aussi financer sur son budget de fonctionnement la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l'entreprise.
Signalons enfin que le projet de loi devrait comporter des parties sur l'apprentissage, la dématérialisation du bulletin de paie, le télétravail, la médecine du travail, l'inspection du travail, le détachement, le futur compte personnel d'activité (avec la reprise de la position commune des partenaires sociaux). N'oublions pas les emplois saisonniers, la restructuration des branches, le portage salarial. Mais encore les locaux syndicaux mis à la disposition par les collectivités territoriales, le numérique (avec un droit à la déconnexion) et les plateformes collaboratives (le texte pourrait définir les critères du lien de subordination et la responsabilité sociale des entreprises) ainsi que la représentativité patronale. Sur ce point, le projet devrait reprendre la pondération des critères pour la mesure d'audience sur laquelle Medef et CGPME sont tombés d'accord, le nombre d'entreprises adhérentes pesant 20% et le nombre de leurs salariés pesant 80% dans la mesure de l'audience.
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