Projet de loi Travail : primauté à l'accord d'entreprise pour la durée du travail

Projet de loi Travail : primauté à l'accord d'entreprise pour la durée du travail

25.03.2016

Gestion du personnel

Le projet de loi Travail réforme en profondeur la durée du travail et les congés, en réécrivant l'ensemble des dispositions du code qui leur sont consacrées. La primeur est donnée à l'accord d'entreprise sur l'accord de branche, et les conventions de forfaits en jours ou en heures sont sécurisées.

Le projet de loi Travail réécrit la partie du code correspondant à la durée du travail et aux congés. Il définit les dispositions légales impératives (d'"ordre public"), la portée d'un accord sur ces sujets ("champ de la négociation collective") et les règles qui s'appliquent en l'absence d'accord ou à défaut de stipulations dans l'accord ("dispositions supplétives"). Au passage, de nouvelles souplesses sont accordées aux entreprises.

Primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche en matière de durée du travail (article 2)

Cette réécriture consacre la primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche en matière de durée du travail. Ainsi relèveront de l'accord d'entreprise : la rémunération des temps de pause et de restauration, la mise en place des astreintes, le dépassement de la durée maximale quotidienne du travail dans la limite de 12 heures...

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

Découvrir tous les contenus liés
Dérogation à la durée hebdomadaire maximale (article 2)

Un accord d'entreprise pourra prévoir le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée à plus de 46 heures sur 12 semaines.

Cette possibilité n'existe aujourd'hui que si elle est autorisée par décret pris après conclusion d'un accord de branche (article L. 3121-36 du code du travail).

Des accords d'entreprise pourront déroger au taux de majoration des heures supplémentaires prévu par la branche (article 2)

Le taux de majoration des heures supplémentaires sera fixé en priorité par accord collectif d'entreprise ou d'établissement et pourra être différent de celui fixé par l'accord de branche, ce qui n'est pas possible actuellement, sans toutefois pouvoir être inférieur à 10 %. A défaut d'accord, la majoration pour heures supplémentaires reste fixée à 25 % pour les 8 premières heures, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 %.

Modulation de la durée du travail sur une période de 3 ans (article 2)

Dorénavant, il sera possible, à condition que l’accord de branche l’autorise, qu’un accord d’entreprise prévoit une variation de la durée du travail sur une période supérieure à un an, dans la limite de trois ans. Aujourd'hui, les horaires peuvent au plus être répartis sur une période égale à l'année (article L. 3122-2 du code du travail).

A défaut d'accord, l'employeur pourra mettre en place une répartition de la durée du travail sur plusieurs semaines :

  • dans la limite de 9 semaines pour les entreprises employant moins de 50 salariés ;
  • dans la limite de 4 semaines pour les entreprises de 50 salariés et plus.

Cet aménagement unilatéral par l'employeur existe actuellement, mais dans la limite de 4 semaines (article D. 3122-7-1 du code du travail).

Sécurisation des conventions de forfait en heure ou en jours sur l'année (articles 2 et 5)

L'accord collectif qui met en place les conventions de forfait en heures ou en jours sur l'année contient aujourd'hui 3 clauses obligatoires : les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention de forfait, la durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait est établi, et les caractéristiques principales de ces conventions (article L. 3121-39 du code du travail).

Afin de sécuriser les dispositifs, deux nouvelles clauses sont ajoutées : la période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de 12 mois consécutifs ; et les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées ou départs en cours de période (article L. 3162-1 I, nouveau).

Par ailleurs, l'accord autorisant la conclusion de conventions de forfait en jours déterminera (article L. 3162-1 II, nouveau). :

  • les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge du salarié ;
  • les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié échangent périodiquement sur sa charge de travail, et l'articulation entre sa vie personnelle et professionnelle, sa rémunération et l'organisation du travail dans l'entreprise ;
  • les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.

A défaut d'accord sur les deux premiers points, une convention individuelle de forfait-jours pourra être conclue si l'employeur : établit un document de contrôle des jours travaillés, s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec les temps de repos quotidiens et hebdomadaires, organise une fois par an un entretien avec le salarié pour échanger sur sa charge de travail, l'articulation entre sa vie personnelle et professionnelle, et sa rémunération (article L. 3162-63 nouveau).

Par ailleurs, des mesures sont prévues pour les accords existants. Pour les accords qui seront révisés pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions du code du travail, il n'y aura pas lieu de requérir l'accord du salarié pour poursuivre la convention de forfait en heures ou en jours. Et, les conventions individuelles de forfait-jours existantes continueront de produire effet, dès lors qu'elles respectent les dispositions du nouvel article L. 3162-63 précité.

Les jours supplémentaires de fractionnement deviennent supplétifs (article 2)

Comme pour la durée du travail, le projet de loi réécrit toute la partie du code consacrée aux congés et distingue les dispositions d'ordre public, le champ de la négociation collective et les dispositions supplétives qui s'appliquent à défaut d'accord. Ainsi, si le fractionnement des congés payés reste d'ordre public, la prise de 12 jours de congés entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année, comme l'octroi de jours supplémentaires de fractionnement deviennent des dispositions supplétives. Ce qui signifie qu'elles ne seront applicables dans l'entreprise que si l'accord d'entreprise, d'établissement ou à défaut de branche, n'en dispose pas autrement.

De leur côté, les dispositions du code du travail sur les indemnités de congés payés et les caisses de congés payés restent identiques à celles d'aujourd'hui, elle sont simplement recodifiées.

Regroupement des congés spécifiques (article 3)

Le texte regroupe les congés spécifiques autour de 3 thématiques :

  • les congés de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle où l'on retrouve les congés pour événements familiaux, le congé de solidarité familiale et le congé de proche aidant ;
  • les congés pour engagement associatif, politique ou militant qui regroupent le congé de formation économique et sociale et de formation syndicale, le congé mutualiste de formation, le congé de participation aux instances d'emploi et de formation professionnelle ou à un jury d'examen... ;
  • les congés d'évolution des parcours professionnels où l'on retrouve le congé pour création ou reprise d'entreprise et le congé sabbatique.

La durée de chaque congé, le nombre de renouvellements possibles, les conditions d'ancienneté pour en bénéficier si elles existent et les délais de prévenance relèvent de la négociation collective. Le principe des congés reste, mais leur durée ne relève plus de l'ordre public. A défaut d'accord, les dispositions supplétives prennent le relais et sont identiques à celles prévues aujourd'hui pour l'ensemble de ces congés.

Seule exception, les congés familiaux. Leur durée, prévue par accord, ne pourra pas être inférieure aux dispositions légales supplétives. Par ailleurs, en cas de décès d'un proche, la durée du congé est désormais fixée à 2 jours, alors qu'elle est d'une journée actuellement dans certains cas.

Le droit à la déconnexion introduit dans les négociations sur l'égalité professionnelle (article 25)

Les employeurs devront négocier sur le droit à la déconnexion des salariés, en vue d'assurer le respect des temps de repos et de congés, à partir du 1er janvier 2018.

A défaut d'accord, l'employeur définira les modalités de déconnexion et les communiquera par tout moyen aux salariés.

Dans les entreprises d'au moins 300 salariés, le droit à la déconnexion fera l'objet d'une charte élaborée après avis du CE, ou à défaut des DP.

Concertation sur le télétravail avec les partenaires sociaux (article 25)

Une concertation sur le télétravail pourra être engagée avec les syndicats employeurs et salariés au niveau national, s'ils le souhaitent, avant le 1er octobre 2016.

Eleonore Barriot
Vous aimerez aussi