Dernière ligne droite pour le projet de loi Travail avant sa présentation en Conseil des ministres jeudi matin ! C'est un texte de concessions que le Conseil d'Etat a en grande partie validé. Il sera débattu au Parlement en avril pour une adoption prévue en juillet. Détail des dernières retouches apportées au texte.
Face à la fronde suscitée sur l'avant-projet de loi Travail, l’exécutif a corrigé de nombreuses dispositions. La V2, validée en grande partie par le Conseil d’Etat, a sérieusement retouché le texte initial.
Plusieurs mesures emblématiques, parmi lesquelles les conventions de forfait jours, les durées maximales du temps de travail, la modulation du temps de travail, ont été réécrites, comme le demandaient les syndicats dits "réformistes", à commencer par la CFDT.
L’exécutif a ainsi revu ses ambitions à la baisse, en limitant l’instauration de l’accord majoritaire aux questions relatives "à la durée du travail, aux repos et aux congés". Pour les autres champs sociaux, le principe est renvoyé au 1er septembre 2019. Le référendum, véritable casus belli pour les syndicats, est, lui aussi, circonscrit au temps de travail. Les règles restent, en revanche, inchangées : le texte sera considéré comme validé si l’accord signé par des organisations syndicales représentant 30% des salariés est approuvé par une majorité de salariés.
De même, pour répondre aux inquiétudes énoncées par les partenaires sociaux sur la durée du travail, "le projet de loi ne changera pas les dispositions applicables aujourd’hui en matière d’astreintes, de durée du travail des apprentis, de temps d’habillage et de déshabillage, précise l’entourage du ministre du travail. Ces éléments reviennent à droit constant". Concrètement, concernant les astreintes, l’employeur sera tenu, comme aujourd’hui, d’octroyer au salarié 11 heures de repos consécutives à l’issue de son intervention, y compris s’il avait déjà bénéficié d’une partie de son repos avant l’intervention. La première version du texte prévoyait la prise en compte du temps de repos préalable à l’intervention dans le calcul des 11 heures de repos. Le temps d’habillage et de déshabillage n’est pas non plus modifié : il donnera lieu à des contreparties ou sera assimilé à du temps de travail effectif.
Surtout, le gouvernement revient sur les durées maximales du temps de travail prévues dans la version initiale. Il a retravaillé sa copie et tente un compromis. La durée maximale ne peut d��passer 48 heures. Mais une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut, un accord de branche, peut prévoir une durée hebdomadaire de plus de 44 heures calculée sur une période de 12 semaines consécutives. Le dépassement ne peut excéder 46 heures sur 12 semaines. La version initiale envisageait une durée de 44 heures hebdomadaires sur une période de 16 semaines consécutives.
Le projet de loi corrige une autre disposition controversée, la pluri-annualisation du temps de travail. Un accord collectif sera nécessaire pour organiser une répartition de la durée du travail sur une période supérieure à l’année. La durée maximale étant fixée à trois ans. "Les entreprises ne pourront donc pas moduler le temps de travail au-delà d'un an si cette possibilité n’est pas ouverte par un accord de branche", insiste le ministère. A défaut, les marges de manœuvre de l’employeur seront plus restreintes : la modulation décidée pour faire face aux pics d���activité ne pouvant pas excéder 9 semaines.
Autre concession : le gouvernement a joué l’apaisement sur le forfait-jours, c’est-à-dire sur la possibilité donnée aux PME de moins de 50 salariés de conclure des conventions de forfait en heures ou en jours avec leurs salariés, sur simple décision unilatérale. Le projet avait mis vent debout la CFE-CGC et la CFDT. Il avait été, en revanche, approuvé par le CGPME. La nouvelle version donne gain cause aux organisations syndicales et revient aux règles actuelles : un accord de branche ou d’entreprise sera nécessaire. Ce qui signifie que les entreprises dépourvues de délégués syndicaux devront recourir au mandatement pour appliquer cette mesure.
Enfin, face à l'incompréhension suscitées autour des congés pour événements familiaux (mariage, naissance, décès), le texte est là encore remanié. Contrairement à ce qui était initialement prévu, les entreprises ne pourront pas, par accord collectif, réduire le nombre de jours fixés par la loi.
Gestion du personnel
La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :
- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.
Sur la question du télétravail, le gouvernement annonce une négociation interprofessionnelle "d’ici le 1er octobre 2016", dans la droite ligne du rapport Mettling. "Il est nécessaire d’approfondir ces questions", prévient le ministère. Il a donc opté pour la prudence en retirant les modalités de fractionnement du repos quotidien ou hebdomadaire des salariés concernés. La question reviendra au cœur des débats. Mais la concertation inclura également les sujets liés au co-travail, au nomadisme, au management à distance ou le droit à la déconnexion. A charge pour les partenaires sociaux de se saisir de cette négociation.
Le barème obligatoire était une autre mesure objet de tous les courroux côté syndical ; sa suppression a calmé les esprits, notamment du côté de la CFDT. Mais elle a entraîné la reconfiguration de l'ensemble des mesures concernant les indemnités de licenciement. En effet, l'instauration d'un barème obligatoire supposait l'harmonisation d'autres dispositions du code du travail afin de le rendre effectif et - notamment - la suppression de certaines indemnités "planchers". Exit la suppression de l'indemnité minimum de 6 mois en cas de licenciement injustifié pour les salariés ayant plus de 2 ans d'ancienneté et appartenant à une entreprise de 11 salariés, la réduction de l'indemnité versée en cas de nullité du PSE de 12 à 6 mois, l'abaissement de l'indemnité due au licenciement pour inaptitude, suite à une maladie professionnelle ou un accident du travail actuellement de 12 mois de salaire minimum à 6 mois. L'ensemble de ces dispositions vont subsister.
Le barème obligatoire est remplacé par le référentiel indicatif prévu par la loi Macron, ce qui suppose la seule publication du décret d'application ; nul besoin de le prévoir dans le projet de loi Travail. Les montants ne feront donc pas l'objet de débats parlementaires comme cela avait été le cas pour le barème Macron dont les montants avaient été intégrés directement dans la loi avant d'être retoqué par le Conseil d'Etat. En revanche, le ministère du travail précise que ce sont bien les critères de la loi Macron qui seront retenus ; les différents niveaux du référentiel tiendront ainsi compte - notamment - de l'âge et de l'ancienneté du salarié mais également de sa situation par rapport au marché de l'emploi. Ces niveaux seront fixés en mois de salaire, comme c'est déjà le cas pour le barème applicable en conciliation. Le ministère du travail rappelle toutefois que la publication de ce décret suppose un certain nombre de consultations (dont le Conseil supérieur de la prud'homie) qui demandent un peu de temps.
Le licenciement économique, autre mesure qui a fait l'objet de vives critiques, a elle survécu à la première version du texte. Le gouvernement a toutefois dans la V2 ajouté que "ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés économiques créées artificiellement". Le Conseil d'Etat apporte sa touche à cette définition en ajoutant que les difficultés économiques ne doivent pas être créées artificiellement "à la seule fin de procéder à des suppressions d’emplois".
Il ne s’agit pas tant de traquer la fraude constituée par le contournement de la loi, insiste-t-on au ministère du travail, que de lutter contre des mécanismes qui, bien que légaux, auraient pour effet de créer des difficultés économiques et de justifier ainsi des licenciements économiques. Il en serait ainsi d'un groupe qui soudainement adopte un comportement de rupture par rapport à ce qu’il faisait auparavant à seule fin de créer des difficultés économiques en France.
Enfin, une autre mesure a passé le cap du Conseil d'Etat : la qualification du licenciement en cas de refus d'un accord collectif portant sur l'emploi. Rappelons que le texte introduit la possibilité de conclure des accords de maintien dans l'emploi "offensifs", dont l'objectif est préserver ou développer l'emploi. Ces accords cohabiteront avec les accords de maintien dans l'emploi "défensifs" créés par la loi du 14 juin 2013 et modifiés par la loi Macron du 6 août 2015. Mais les accords "offensifs" sont soumis à un régime plus souple pour les entreprises. Ils ne peuvent pas avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle (les accords "défensifs" visent la rémunération horaire et mensuelle). La V2 du texte précise d'ailleurs qu’un décret définira la rémunération mensuelle qui ne pourra pas être modifiée par un accord sur l’emploi.
En cas de refus par un salarié de se voir appliquer l'accord, le cause réelle et sérieuse sera personnelle et constituée par le refus même du salarié (sui generis à l'instar des accords sur les 35 heures), afin de limiter au maximum les contentieux. Le Conseil d'Etat admet donc cette qualification que le gouvernement avait pris soin auparavant de valider directement auprès de l'OIT ! Au delà de la limitation du risque contentieux, le ministère du travail estime que la mise à l'écart de la nature économique du licenciement allégera la pression des négociateurs qui n'auront pas à rechercher des "mesures attractives d’accompagnement", dispositions qui par ailleurs avaient souvent pour effet indirect de faire partir des compétences que les entreprises voulaient conserver, souligne-t-on dans l'entourage de la ministre du travail.
L’exécutif se défend d’avoir repris la position commune conclue par les partenaires sociaux le 8 février en intégrant le compte personnel de formation et le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P). Même si l’UPA, la CGPME tout comme la CGT ont refusé d’avaliser le texte. Il enrichit, toutefois, le dispositif d’un compte "engagement citoyen" qui "valorisera l’engagement des réservistes, des citoyens exerçant des responsabilités associatives importantes ou des maîtres d’apprentissage". Dans ce cas, le compte sera abondé de 20 heures supplémentaires par l’Etat. Par ailleurs, la liste des formations éligibles est élargie. Y figurent désormais les actions de formation permettant de réaliser un bilan de compétences, l’accompagnement à la validation des acquis de l’expérience (VAE) ainsi que les formations dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises. Le nouveau texte relève également les droits à la formation de 24 à 40 heures par an pour les salariés peu qualifiés (niveau de formation en-deçà du niveau V), avec un plafond fixé à 400 heures. L’objectif étant de leur permettre "d’accéder à un niveau supplémentaire de qualification tous les 10 ans". Reste à savoir qui seront financeurs. Entreprises ? Opca ? Régions ? Sur ce point, l’exécutif est resté vague.
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