Proposition de loi de ratification de l'ordonnance réformant le livre VI du code de commerce

20.12.2021

Gestion d'entreprise

Une récente proposition de loi déposée au Sénat vise à ratifier l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, qui a transposé en droit français la directive « Restructuration et insolvabilité » du 20 juin 2019. Elle vise également à compléter la réforme de septembre 2021.

L'article premier de la proposition tend à ratifier l'ordonnance n° 2021-1193, tout en apportant des aménagements au livre VI du code de commerce dans sa rédaction en résultant. En effet, pour les sénateurs, certains choix de transposition laissent le droit français « au milieu du gué ». Ils proposent par conséquent plusieurs modifications. Certaines de ces propositions sont issues du rapport d’information du 19 mai 2021 sur le droit des entreprises en difficulté (Sénat, rapport d’information, n° 615, 19 mai 2021).

Rappelons que la loi Pacte n° 2019-486 du 22 mai 2019 a prévu qu’un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de ladite ordonnance (L art. 196, II), soit avant le 17 janvier 2022.

Élaboration et d'adoption des plans de restructuration

Les sénateurs souhaitent, en particulier, renforcer les droits des créanciers affectés dans l’élaboration et l’adoption des plans de restructuration en introduisant plusieurs aménagements aux textes nouveaux.

L’article premier de la proposition de loi ouvre aux parties affectées la faculté de présenter un projet de plan dès lors que la période d'observation de la procédure de sauvegarde a été prolongée au-delà de sa durée initiale, elle-même limitée à six mois (C. com., art. L. 626-30-3 nouv.).

La proposition de loi permet à toute partie affectée de demander au juge la mise en œuvre de l'application forcée interclasse, en sauvegarde comme en redressement, dès lors que le montant total des dettes de l'entreprise excède la valeur de celle-ci. Elle supprime les deux dernières conditions de l'application forcée interclasse : les actions émises à l'occasion d'une augmentation de capital souscrite par apport en numéraire sont offertes par préférence aux actionnaires et le plan ne prévoit pas la cession de tout ou partie des droits de la ou des classes de détenteurs de capital dissidentes (C. com., art. L. 626-32, I mod.)

L'application du mécanisme d'application forcée interclasse est, en principe, soumise au respect de la règle dite de « priorité absolue » : L'article premier permet aux détenteurs de capital de bénéficier d'un traitement particulier uniquement lorsque le débiteur n'atteint pas les seuils au-delà desquels la constitution de classes de parties affectées est obligatoire (C. com., art. L. 626-32, II mod.).

En redressement judiciaire, lorsqu'aucun plan n'a été arrêté par le tribunal après son adoption par l'ensemble des classes de parties affectées ou par application du mécanisme d'application forcée interclasse, il est proposé que la procédure de redressement se poursuive, à charge pour l'administrateur de proposer un nouveau projet de plan suivant la procédure de droit commun, sans classes de créanciers (C. com., art. L. 631-19 mod.). Toutefois, ce retour aux règles de droit commun ne pourrait avoir lieu que si le débiteur est une entreprise ayant opté facultativement pour le système des classes de parties affectées.

Critère de cessation des paiements

L'article 2 vise à remédier à l' « obsolescence du critère de la cessation des paiements en tant qu'indice fiable de l'insolvabilité d'une entreprise, due notamment à l'augmentation massive au cours des dernières décennies de l'endettement des entreprises rapporté à leurs fonds propres ». Il propose qu'une procédure de redressement judiciaire puisse être ouverte, à la demande du ministère public, dès le moment où l'insolvabilité du débiteur est manifeste, au vu de l'ensemble des informations disponibles sur sa situation économique et financière. La « période suspecte », au cours de laquelle certains actes de gestion sont nuls de plein droit ou peuvent être annulés, serait par conséquent reculée d'autant (C. com., art. L. 626-31-6-1 nouv.).

Exercice de l’action paulienne

L'action paulienne a pour objet de déclarer inopposable à un créancier les actes accomplis en fraude de ses droits, quelle que soit leur date (C. civ., art. 1341 ; Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016). L'article 3 permettrait lorsqu'elle est exercée par le mandataire judiciaire dans l'intérêt collectif des créanciers, d’être portée devant le tribunal de la procédure (C. com., art. L. 632-5 mod.).

Empêcher les cessions à vil prix

L'article 3 vise à empêcher la cession à vil prix d'entreprises en redressement judiciaire ou en liquidation. Il interdit la cession totale ou partielle de l'entreprise à un prix inférieur à la valeur de liquidation des actifs concernés, nette des frais de cession, afin d'éviter les effets d'aubaine et de protéger raisonnablement les intérêts des créanciers (C. com., art. L. 642-5 mod.).

Reprise de l’entreprise par le débiteur

L'article 4 de la proposition de loi supprime l'interdiction faite au débiteur personne physique, aux dirigeants du débiteur personne morale et à leurs parents ou alliés de se porter repreneurs d'une entreprise en difficulté, tout en imposant certaines conditions à la cession de tout ou partie des actifs à ces mêmes personnes (C. com., art. L. 626-1 mod. ; C. com., art. L. 642-3 et s. mod. ; C. com., art. L. 642-20 mod.).

Sort des salariés et cession du fonds de commerce

L'article 5 propose d’apporter une réponse au problème récurrent lié à l'incertitude du sort réservé aux salariés préalablement licenciés en cas de cession du fonds de commerce, du fonds artisanal ou du fonds libéral en tant qu'actif isolé au cours d'une procédure de liquidation sans poursuite d'activité. Lorsque la cession du fonds paraît envisageable, le juge-commissaire pourrait renvoyer l'affaire devant le tribunal, qui aurait seul le pouvoir d'ordonner ou d'autoriser cette cession (C. com., art. L. 642-20-2 nouv.). Le tribunal déterminerait le nombre et l'identité des salariés ayant le droit d'être réintégrés en cas de vente du fonds. Les créances salariales qui auraient dû leur être payées dans l'intervalle seraient prises en charge par le régime de garantie des salaires (AGS) (C. trav. art. L. 3253-8 mod.).

Fin de l’interdiction d’exercer une activité du débiteur personne physique

L'article 6 prévoit de rétablir les débiteurs, personnes physiques dans leurs droits d'exercer une activité professionnelle indépendante à l'expiration d'un délai de trois ans suivant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire (C. com., art. L. 641-9 mod.)

Rétablissement professionnel

L'article 7 étend aux personnes morales le bénéfice de la procédure de rétablissement professionnel, sous les mêmes conditions que celles qui sont aujourd'hui imposées aux personnes physiques : faiblesse de l'actif, absence de salariés au cours des six derniers mois (C. com., art. L. 645-1 mod.).

Faillite personnelle

L'article 8 réserve au ministère public, le pouvoir de saisir le tribunal aux fins de prononcer la faillite personnelle du débiteur ou une mesure d'interdiction professionnelle à son encontre (C. com., art. L. 653-7 mod.).

Organisation judiciaire et répartition des contentieux

Enfin, l'article 9 vise à rationaliser l'organisation judiciaire et la répartition des contentieux entre les juridictions, en créant une juridiction économique adaptée au 21e siècle. Le tribunal de commerce, renommé « tribunal des affaires économiques », serait désormais compétent pour connaître des procédures amiables et collectives de traitement des difficultés de toutes les entreprises, quels que soient leur statut et leur domaine d'activité (C. com., art. L. 611-2 et s. mod. ; C. com., art. L. 621-2 mod. ; C. com., art. L. 662-3 et L. 662-5 mod.).

S'agissant du contentieux dit « général », le tribunal des affaires économiques connaîtrait des litiges relatifs aux baux commerciaux, baux professionnels et conventions d'occupation précaire lorsque toutes les parties relèvent de leur compétence ordinaire (commerçants et artisans). Il connaîtrait également de tout litige survenant, au cours d'une procédure collective, au sujet d'un bail conclu par le débiteur en qualité de preneur (C. com., art. L. 622-14-1 nouv.).

Catherine CADIC, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

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