Publicités : Ecoresponsabilité oui ! Greenwashing non !

29.03.2023

Gestion d'entreprise

S'il est légitime que les opérateurs économiques valorisent les actions qu’ils mènent en matière environnementale, le sérieux du sujet requiert cependant la plus grande transparence à l’égard des consommateurs. Dans cette chronique, Gaëlle Bloret-Pucci, associée au sein du cabinet BCTG Avocats, revient sur les récentes décisions rendues en matière de «greenwashing» et appelle les entreprises à la responsabilité.

Le 1er mars 2023, une décision de l’ASA (advertising standards authority) a fait grand bruit, considérant que la compagnie aérienne allemande Lufthansa avait diffusé une publicité trompeuse, de nature donc à altérer le comportement économique des consommateurs.

Allégations environnementales : l’ASA condamne le caractère trompeur d’une publicité en l’absence de justification conséquente

L’ASA a en effet considéré que cette publicité « Connecting the world. Protecting its future », soit « Connecter le monde. Protéger son futur », ne respectait pas le code britannique de la publicité qui exige que toute allégation environnementale, a fortiori de portée aussi générale, soit accompagnée d’une justification conséquente.

En l’occurrence, le slogan « Protecting the future » immédiatement adjoint à « Connecting the world », de même que la représentation d’un demi-avion associé à une demi-planète terre, est susceptible d’être interprété par les consommateurs comme l’affirmation que l’aviation protège la planète.

Si l’ASA reconnait que Lufthansa prend des initiatives pour parvenir à un bilan carbone neutre en 2050 et réduit de moitié dès 2030, la publicité concernée renvoyant d’ailleurs au site internet explicatif par le #MakeChangeFly, le slogan ne contient pas en soi ces informations. Il induit au contraire que Lufthansa a déjà pris des mesures significatives pour s’assurer que ses activités aériennes n’ont pas d’impacts environnementaux négatifs.

Or, les objectifs poursuivis par les initiatives de Lufthansa n’auront d’effet que dans quelques années voire dizaines d’années alors qu’il est constant que le trafic aérien produit des niveaux élevés d’émissions de CO2 et autres, qui contribuent de manière substantielle au changement climatique.

Hyundai avait déjà été rappelée à l’ordre par l’ASA en juin 2021 au sujet d’une publicité diffusée sur son site internet pour une voiture à moteur hydrogène NEXO « A car so beautifully clean, it purifies that air as it goes », soit « Une voiture si merveilleusement propre qu'elle purifie l'air en roulant ».

Pour l’ASA, ce slogan peut être interprété comme signifiant que la voiture a globalement un impact négligeable sur l'environnement et qu'elle élimine les impuretés de l'air au fur et à mesure qu'elle roule.

Il existe effectivement des systèmes de filtration de l'air à l'intérieur de la Hyundai NEXO qui filtrent l'air avant qu'il ne soit utilisé dans sa pile à combustible à hydrogène, de sorte que la voiture ne rejette pas de gaz d'échappement comme un moteur à combustion traditionnel. Pour autant, elle émet toujours des particules en raison de l'usure des freins et des pneumatiques. A raison de la généralité du slogan, la publicité est trompeuse.

En France, le JDP adopte une position similaire pour les publicités induisant le public en erreur et minimisant les conséquences environnementales

En France, c’est le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP), instance associée à l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) qui rend un avis avant leur diffusion sur les publicités télévisées et celles des services de média audiovisuel à la demande, et traite aussi des plaintes qui lui sont adressées contre les publicités de toute nature diffusées en France par tout annonceur.

Se fondant sur la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP en vigueur depuis le 1er août 2020, le JDP a lui aussi eu l’occasion de censurer des publicités de compagnies aériennes, dont EASY JET avec son slogan « Nous ne donnons pas de leçons, nous compensons nos émissions » en investissant dans des projets de préservation des forêts et de développement d’énergies renouvelables, ce que le public peut vérifier par un renvoi à une page internet permettant d’accéder à un rapport technique complexe en anglais.

Le JDP estime que ce message « Nous ne donnons pas de leçons, nous compensons nos émissions » est de nature à induire le public en erreur, qu’il minimise les conséquences environnementales du recours au transport aérien et que le message global manque de clarté.

Cette indispensable véracité, clarté et proportionnalité du message publicitaire comportant des allégations environnementales, lesquelles doivent pouvoir être précisément démontrées, s’étend naturellement à tous les secteurs économiques.

Le 1er juillet 2022, le JDP examinait une publicité diffusée sur le site internet de la société IKKS pour promouvoir une marinière à base de coton écologique, sous le slogan « La marinière qui nettoie les océans ». Si le fait d’utiliser, pour 50 % du vêtement, une fibre provenant du recyclage de déchets plastiques marins et, pour IKKS, de reverser 5% des ventes de ces marinières à l’association the SEACLEANERS, est assurément une démarche responsable intéressante, rien ne justifie d’indiquer que la marinière « nettoie les océans » qui, de par sa formulation globale et non relativisée, donne faussement à penser au public qu’il contribue directement à réduire la pollution marine et à rendre les océans propres.

Dans le même registre, dans un avis d’août 2021, le JDP estime que la publicité Adidas représentant une basket de modèle Stan Smith écrasant une bouteille en plastique associée au texte « Stan Smith Forever. 100% iconique, 50% recyclée » méconnait les règles. L’allégation « 50% recyclée » est trop imprécise et, associée aux autres mentions figurant sur le visuel publicitaire, elle ne permet pas au consommateur de connaître la véritable proportion de la chaussure qui est recyclée. En outre, le logo « End plastic waste » est disproportionné et trompeur en ce qu’il laisse croire que la commercialisation de ces chaussures constituerait un moyen d’en finir avec les déchets plastiques alors que le produit n’est pas entièrement recyclable.

Vers un renforcement de la vigilance dans l’utilisation de l’argument écologique au niveau européen

De tels exemples pourraient être multipliés, dans tous les domaines de l’économie.

Les annonceurs se soumettent d’autant plus aux avis du JDP fondés sur la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP que ces règles de « droit souple » sont dans la droite ligne de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 et des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation qui sanctionnent, y compris pénalement, la publicité trompeuse ou mensongère. Ces dispositions légales s’appliquent à tous les supports et outils de communication, dont les emballages des produits eux-mêmes, et le mauvais usage de l’argument écologique y a été expressément intégré par la loi dite Climat et Résilience du 22 août 2021.

Cette vigilance à l’égard du bon usage de l’argument écologique a vocation à se renforcer encore : un projet de directive du 30 mars 2022, destinée à compléter celle du 11 mai 2005 en particulier sur les allégations environnementales est en cours de discussion, tandis que le 22 mars dernier, la Commission européenne a présenté un autre projet de directive destinée cette fois à mettre de l’ordre dans les dizaines de labels et autres sigles ou logos disparates revendiquant un argument écologique.

La responsabilité est donc de mise pour les entreprises dont beaucoup s’engagent positivement dans l’adaptation de leurs activités aux enjeux du développement durable. Elles se doivent également de communiquer avec une transparence réelle et complète à l’égard de consommateurs de plus en plus sensibles aux impacts environnementaux de leurs comportements économiques, pour une écoresponsabilité partagée.

Gaëlle Bloret-Pucci

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