Quel avenir pour l’audit dans le Dec ?

Quel avenir pour l’audit dans le Dec ?

18.05.2020

Gestion d'entreprise

Alors que la CNCC prévoit une perte de 150 000 mandats d’audit légal liée à la loi Pacte, nous avons interrogé les professionnels – y compris stagiaires – sur l’impact possible de la réforme sur le stage du Dec (diplôme d'expertise comptable) et sa composante audit.

Le stage d’expertise comptable prévoit, sur trois ans, la réalisation d’un minimum de 200h de travaux de commissariat aux comptes (*). Concrètement, les stagiaires qui préparent le diplôme peuvent intégrer soit un cabinet exerçant les deux activités d’expertise comptable et d’audit, soit, si l’audit est inexistant dans le cabinet cible, solliciter une co-maîtrise de stage. "Cela implique de signer une convention tripartite entre le maître de stage habilité en expertise comptable, le stagiaire et un co-maître de stage habilité pour le commissariat aux comptes", précise François Verdier, associé du cabinet Exco à Clermont-Ferrand. Le stagiaire va alors partager son temps entre deux cabinets, parfois éloignés l’un de l’autre. Stéphane Achte, dirigeant du cabinet lillois Sigma Conseils et contrôleur adjoint du stage d’expertise-comptable, s’inquiète : "Vu le resserrement du nombre de mandats de Cac dû au relèvement des seuils, que va-t-il se passer pour les stagiaires du Dec ? Pourront-ils toujours valider leurs 200h d’audit obligatoire ? La situation risque de se compliquer et il pourrait devenir difficile de trouver une co-maîtrise avec des mandats variés et propices à l’apprentissage, sans parler de la disponibilité du maître de stage". Difficile, en effet, d’imaginer un commissaire aux comptes habitué à encadrer un stagiaire, en accueillir subitement trois ou quatre, et leur accorder une attention égale. D’autant qu’il faut s’entendre avec l’expert-comptable sur les périodes de co-maîtrise. "Généralement, tout le monde a besoin de tout le monde en même temps, sourit François Verdier. En période fiscale, il est difficile de détacher un stagiaire, alors les 200h s’effectuent de façon fragmentée, par exemple en 3 x 70h, sur les périodes clés que sont le contrôle des comptes, la période intérimaire, et les inventaires de fin d’année".

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Pas de réduction à l’horizon

Pour autant, réduire ce quota de 200h n’est pas envisagé. "Nous sommes déjà en dessous des pratiques européennes où l’audit légal représente 2/3 du stage", explique André-Paul Bahuon, président du comité qualité pédagogique à la CNCC. Qui avance des solutions possibles : "On pourrait, par exemple, globaliser les heures d’audit requises pour obtenir l’habilitation de maître de stage Cac au niveau d’un cabinet, plutôt que de les imposer à un seul professionnel. Ce qui permettrait qu’au sein d’un cabinet, plusieurs associés se répartissent le suivi du stagiaire. De même, les Cac travaillant en indépendants pourraient se réunir dans une association technique ou un GIE pour globaliser leurs heures avec les confrères et obtenir ou garder leur habilitation".  Car l’habilitation à encadrer un stagiaire du Dec se décroche moyennant certains critères cumulatifs, dont un niveau d’activité d’audit légal suffisant. Du côté de l’Anecs (Association nationale des experts-comptables et commissaires aux comptes stagiaires), le ton est prudent et mesuré : "La loi Pacte est trop récente pour que ses impacts potentiels sur le cursus des experts-comptables et commissaires aux comptes stagiaires puissent être évalués (…) Nous n’avons pas enregistré depuis la loi Pacte plus de demandes ou retours de nos adhérents sur des difficultés à effectuer leurs heures d’audit que d’habitude", fait savoir l’association par écrit. Plus disert, Thibault Caillabet, expert-comptable stagiaire au sein du cabinet Exas à Pau témoigne : "J’ai la chance d’avoir déjà effectué mes 200h. Mais je reconnais qu’il est difficile de se détacher de l’expertise comptable, très prenante, pour accorder du temps à l’audit. La co-maîtrise a du bon, car en étant physiquement dans des cabinets séparés, cela oblige à se consacrer pleinement à chaque domaine". Pour François Verdier (Exco), qui accueille en permanence des stagiaires : "Ce sont les futurs stagiaires, dans 2 ou 3 ans, qui pourraient connaître des difficultés. Dans ce contexte, le corps professoral a un vrai rôle à jouer, pour donner l’envie aux jeunes d’exercer le métier et de se tourner vers des cabinets locaux de moindre taille. Le métier ne disparaîtra pas et l’audit est une excellente école de formation".

(*) Cette obligation provient d’un accord entre la CNCC et l'Odre des experts-comptables.

 

Olga Stancevic
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