Quelles politiques RH pour faire face à la montée de l’absentéisme et de ses coûts ?

Quelles politiques RH pour faire face à la montée de l’absentéisme et de ses coûts ?

15.06.2025

Gestion du personnel

Dans cette chronique, Marie-Astrid Clergeau, responsable de mission au sein de Secafi et membre du Réseau RH du Groupe Alpha, invite les entreprises à lutter contre l'absentéisme en responsabilisant les salariés et en agissant sur les déterminants : conditions de travail, conciliation vie privée/vie professionnelle, engagement au travail et facteurs individuels de risque.

L’absentéisme est de longue date l’un des principaux sujets de préoccupation des équipes RH, en sa qualité d’indicateur clé de la qualité de vie et des conditions de travail des salariés, mais également au regard de ses effets organisationnels et, de plus en plus, financiers.

Un absentéisme de plus en plus coûteux

Au-delà des taux présentés annuellement dans les baromètres des acteurs assurantiels, qui différent parfois sensiblement - entre 4,2 % selon Axa en 2023 et 6,1 % pour Ayming sur cette même année (du fait principalement de particularités de structures de portefeuille client ou d’approches méthodologiques distinctes, notamment sur les motifs d’absentéisme considérés), les analyses qui en sont extraites s’alignent sur certaines tendances de fond :

  • sur un temps long, le niveau d’absentéisme maladie/AT MP en France croît structurellement ;
  • à l’exception de l’année 2022, marquée par les épisodes épidémiques aigus ayant occasionné une augmentation massive du nombre d’arrêts de moins de 10 jours, la hausse de l’absentéisme est majoritairement portée par les arrêts longs, la durée moyenne des arrêts ne cesse ainsi de s’allonger - 21,6 jours en 2024 pour Axa (1), 23,3 pour Diot Siaci (2) ;
  • les motifs psychologiques, les troubles musculo-squelettiques et les accidents sont les premières causes de ces arrêts de plus de 30 jours ;
  • le coût direct de l’absentéisme pour les entreprises augmente de manière exponentielle, impacté par la croissance de l’emploi, la hausse du taux de recours à population donnée mais aussi les réévaluations salariales. Depuis le 1er avril 2025 et la baisse du plafond des indemnités journalières (1,4 fois le Smic, contre 1,8 fois précédemment), la part supportée par les entreprises sur les périodes de maintien de salaire tend à augmenter encore. En complément, les coûts indirects sont aussi en hausse, qu’ils soient liés aux salaires, aux coûts de recrutement et de formation des personnels remplaçants, aux heures supplémentaires éventuelles, à l’évolution de la réglementation sur l’acquisition de droit à congés payés durant un arrêt maladie non professionnel ou encore à la réévaluation des cotisations prévoyance, notamment. Les métriques de référence avancent un ratio de coûts (directs et indirects) compris entre 1,2 à 2,2 % de la masse salariale pour 1 point d’absentéisme. Ainsi, pour un taux moyen de 4,6 % d’absentéisme maladie ATMP relevé par Axa en 2024, c’est près de 5,8 % de masse salariale à la charge de l’entreprise.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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La maîtrise de l’absentéisme : un défi crucial pour les équipes RH

La première difficulté rencontrée porte généralement sur le suivi, l’appréciation des données d’absentéisme et la recherche de ses causes racines. Agir efficacement sur l’absentéisme nécessite en effet d’en cerner les formes, les publics, les déterminants.

Pour ce faire, les équipes RH doivent définir la maille la plus pertinente de suivi (direction, site, unité, emploi…), permettant de questionner d’éventuels liens avec les conditions de travail, tout en évitant la "sursensibilité" de l’indicateur à un effectif retreint. Ce suivi, généralement mensuel, porte prioritairement sur les taux d’absences par motif (et non les taux de présence, difficilement interprétables), dans une méthodologie partagée. Il paraît également intéressant, lorsque cela est possible, de suivre l’absentéisme par la durée des arrêts et de porter une attention particulière aux situations de polyabsence.

Ces indicateurs doivent, en outre, être rapportés aux caractéristiques des salariés considérés. Ainsi, par exemple, la démographie (le taux d’absentéisme est généralement doublé sur les dernières tranches d’âge par rapport aux plus jeunes), la catégorie socio-professionnelle (absentéisme 3,5 fois supérieur, en moyenne, pour les ouvriers que les cadres), l’accès au télétravail (estimation d’a minima un point de moins d’absentéisme pour les salariés pratiquant régulièrement le télétravail), le genre (absentéisme 1,5 fois plus élevé pour les femmes en moyenne) ou encore le contrat de travail (taux deux fois plus élevé pour les salariés en CDI) sont autant d’éléments à mettre en regard des données suivies.

Le questionnement des causes de l’absentéisme, particulièrement en cas de dégradation des indicateurs sur la durée et/ou sur un périmètre donné, implique l’association des acteurs de la santé au travail et des représentants du personnel, dans le cadre de la CSSCT ou de groupes de travail ad hoc (pouvant, dans certaines entreprises, déclencher des enquêtes de terrain).

Les leviers d’actions sont ensuite à identifier et à mettre en œuvre. Deux politiques types sont à ce titre classiquement mobilisées, avec des impacts très différents à moyen long terme.

Deux politiques pour réduire l’absentéisme : responsabiliser les individus ou agir sur ses déterminants

La première repose principalement sur la responsabilisation des individus. Celle-ci peut se faire par la sensibilisation des salariés aux effets de l’absentéisme sur le collectif, sur l’organisation, sur les performances…, par l’indexation de primes ou d’éléments de variable sur le niveau de présence, par la remise en question de la subrogation, par une moindre prise en charge du délai de carence ou encore par l’augmentation des contrôles d’arrêt de travail. Ces leviers ne sont susceptibles d’agir que sur l’absentéisme dit "comportemental", de courte durée, pesant in fine de manière marginale sur les taux d’absentéisme de l’entreprise. Ainsi, selon le dernier baromètre Diot Siaci, l’absentéisme de moins de 10 jours ne représenterait "que" 0,6 point d’absentéisme (pour un taux moyen estimé de 4,8 %). A contrario, des effets contre-productifs peuvent être induits par du présentéisme, une dégradation des relations de travail ou encore une fragilisation des salariés concernés par des problématiques lourdes de santé. Rappelons aussi que, selon les statistiques présentées par les organismes de contrôle eux-mêmes, seuls 7 %[3] à 16 %[4] des arrêts contrôlés ont donné lieu à des constats d’absence de pathologie/d’arrêt non médicalement justifié.

La deuxième politique, ayant des effets moins immédiats, mais nettement plus structurants sur l’absentéisme, vise à agir sur ses quatre principaux déterminants : les conditions de travail (l’organisation du travail, la charge, l’autonomie…), la capacité à articuler la vie professionnelle et personnelle (flexibilité, télétravail, transport, aide à la parentalité et à l’aidance…), les facteurs d’engagement au travail (le sentiment d’une juste rétribution, les perspectives professionnelles ouvertes, l’adhésion à la stratégie de l’entreprise…) et les facteurs individuels de risques (accès aux soins, à l’aide psychologique, campagnes de prévention, de vaccination, accompagnement du retour à l’emploi après un arrêt long…).

S’il ne fallait mentionner que quelques exemples récemment médiatisés mettant en évidence les impacts parfois majeurs de ce type de politique sur le niveau d’absentéisme, citons l’exemple d’un groupe leader dans le e-commerce de produits informatiques indiquant avoir divisé par deux son taux d’absentéisme trois ans après être passé à la semaine de quatre jours (avec réduction du temps hebdomadaire de travail à 32 heures), le retour d’expérience d’une très grande entreprise de logiciel observant une baisse de 30 % des absences non planifiées, après introduction des horaires flexibles de travail, ou encore les effets mesurés, par l’un des majors de l’industrie alimentaire, d’une diminution de 22 % de son absentéisme maladie à la suite d’une vaste opération de réaménagement des espaces de travail.

Ainsi, face à la hausse de l’absentéisme en entreprise, et plus encore de son coût, la seule réponse susceptible, à notre sens, de peser structurellement sur la situation réside-t-elle dans l’engagement d’un travail de fond alliant suivi et analyse détaillée de la situation de l’entreprise. Cette première étape devra se poursuivre par la mise en place de mesures touchant aux conditions de travail, à l’articulation facilitée des temps professionnels avec les temps sociaux ou encore à l’intégration des facteurs individuels de risques des salariés.

 

(1) Datascope édition 2025.

(2) Baromètre Social France 2025.

(3) Statistiques Sesame France disponibles en avril 2025.

(4) Statistiques Mediverif disponibles en avril 2025.

Marie-Astrid Clergeau
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