Quels leviers d'actions pour aller encore plus loin dans la transition écologique du secteur cosmétique ?

04.04.2022

Environnement

Point incontournable : la filière doit sans attendre intensifier ses travaux sur la collecte de données sur les ingrédients contenus dans les produits afin de mieux évaluer leur impact environnemental. Ce dernier n'étant malheureusement pas pris en compte par le règlement sur les cosmétiques. De plus, il est intéressant de relever que la majorité des émissions de GES seraient imputables aux utilisateurs des produits et pour l'industrie la première source d'émissions concerne les emballages. Focus sur les clés possibles pour un avenir toujours plus florissant pour ce secteur.

Tous les médias mode et beauté en parlent : la transition écologique est devenue un thème majeur des stratégies commerciales de l’industrie des produits cosmétiques. De nombreux acteurs de la beauté ont ainsi mis en place une révolution au sein de leur industrie en développement de plus en plus des produits moins polluants, plus propres et plus respectueux de l’environnement.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Les entreprises de l’industrie cosmétique communiquent de plus en plus sur ce sujet et en font leur publicité, afin de répondre aux attentes des consommateurs, toujours plus exigeants sur la qualité et l’impact environnemental des produits qu’ils achètent. Car vanter les multiples mérites d’un produit sur ces points est un argument de vente devenu incontournable !

 

Si les efforts sont remarquables et louables, toutefois, un rapport gouvernemental sur la transition écologique de la filière parfums et cosmétiques pointe les trous dans la raquette de ces politiques « green » et notamment la sous-évaluation des impacts sur l’environnement.

 

Il a été réalisé par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l’économie (CGE) à la demande du ministère en charge de la transition écologique et de celui de l’économie et des finances. La mission a étudié les enjeux environnementaux déterminants tout au long du cycle de vie des produits cosmétiques et a identifié les pratiques vertueuses mises en place par la filière en insistant sur leurs réels impacts.

Précision : un petit bilan de la filière est intéressant. L’industrie cosmétique française comptabilise 3 200 entreprises réparties en 5 900 établissements. Il s’agit surtout de petites entreprises familiales disposant d’une innovation ou d’une expertise spécifique dans les produits naturels (75% des entreprises emploient moins de 50 salariés), portées en parallèle par des grands groupes (L’Oréal, Nuxe, Clarins, Chanel, Yves Rocher etc.). La production française est marquée par la prédominance des  produits de soin (40 %  en  2018) et des parfums (40 % également), alors que les produits de  maquillage représentent moins de 20 %. Et 90 % des cosmétiques consistent en une émulsion dont la base se compose d'un mélange d'eau et de corps gras : crèmes, gels, laits, gommages, masques, fonds de teint.

 

Alors qu’en est-il de la réalité de la transition écologique de ce secteur derrière les beaux discours ? Explications sur des points devant retenir notre attention.

ACV des produits cosmétiques : les impacts sur l’environnement largement sous-évalués
Peu de données scientifiques sur l’impact environnemental

Rappelons en premier lieu que les impacts environnementaux des produits cosmétiques, comme pour tout autre produit, peuvent concerner une grande variété de champs tels que les émissions de gaz à effet de serre (GES), la pollution des eaux, la gestion des déchets, les atteintes à la biodiversité, l’épuisement des ressources etc.

 

Maîtriser son impact environnemental est devenu au fil du temps un enjeu majeur dans le développement des produits et des processus de fabrication en raison des multiples pressions que nous faisons à l’environnement. Cette approche environnementale s’étend à toutes les phases du cycle de vie du produit : de l’approvisionnement en matières premières, à la conception du produit, à son processus de fabrication, à son emballage, à son transport et à la gestion des déchets engendrés par ces produits.

 

Le constat : les impacts environnementaux des produits cosmétiques sont globalement peu connus en raison du peu de données disponibles pour mesurer l’impact mondial de l’industrie des cosmétiques.

 

La principale étude dont la mission a eu connaissance et qui porte sur les émissions globales de GES par le secteur s’intitule « Make up the future » et a été réalisée en 2020 par le cabinet de conseil suisse Quantis en collaboration avec Chanel, Estée Lauder, le groupe Yves Rocher, l’Oréal et la Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA). Il en ressort globalement que le secteur des cosmétiques serait responsable de 0,5 à 1,5 % des émissions de GES de la planète, réparties selon les segments du cycle de vie suivants des produits :

- 40 % pour l’usage des biens et services par les consommateurs ;

- 20 % pour les emballages ;

- 10 % pour les ingrédients ;

- 10 % pour le transport ;

- 5 % pour les points de vente.

 

Les opérations de production et la fin de vie des produits auraient un impact plus faible.

 

Ces chiffres sont issus d’analyses de cycle de vie (ACV) de produits cosmétiques, réalisées par plusieurs entreprises du secteur des cosmétiques, et extrapolées en fonction du poids de ces entreprises dans le secteur. Précisons que si de nombreuses entreprises de l’industrie cosmétique déploient des stratégies de prévention de la pollution et des systèmes de gestion de l’environnement pour améliorer leurs performances, seules les entreprises les plus importantes recourent à des ACV pour évaluer l’impact environnemental de leurs produits et optimiser leur conception et prioritairement les emballages des produits. Les petites et moyennes entreprises y ont moins recours en raison du coût et du manque de compétences nécessaires.

 

On peut citer par exemple le groupe L'Oréal qui utilise la méthode européenne « Product environmental footprint » pour mesurer les impacts à chaque étape du cycle de vie d'un produit en tenant compte non seulement de la culture des ingrédients, de la fabrication du produit et du transport, mais aussi de la phase d'utilisation par le consommateur et de la recyclabilité du packaging. A l’issue de l’ACV, trois indicateurs environnementaux sont dégagés pour communiquer sur le niveau de performance environnementale des produits : impact environnemental global, empreinte carbone et empreinte eau.

 

De son côté, le Groupe Pierre Fabre, après avoir constaté le manque de données sur les facteurs d’émissions dans les outils d’ACV, a développé sa propre méthode : le Green Impact Index, fondé sur 20 critères, avec une note environnementale comptant pour 2/3 et une note sociétale comptant pour 1/3.

 

En parallèle, des start-up ont été créées de façon à permettre de faciliter l’accès aux ACV et à l’écoconception des produits cosmétiques, comme par exemple Kisaco.

 

La mission pointe toutefois les limites de la méthode d’ACV sur les produits cosmétiques. Car le calcul de l’impact d’un produit cosmétique nécessite de décomposer son processus de production, de calculer l’impact de chaque part du cycle de production et de synthétiser l’ensemble au regard de nombreuses données, notamment sur les ingrédients dont le nombre potentiel est particulièrement  élevé dans ce secteur.

 

Or l’impact de nombreux ingrédients sur les milieux naturels (impact sur les coraux, eutrophisation, effets des micro-plastiques, déforestation, etc.) est souvent très mal connu et encore moins quantifié ce qui rend les ACV incomplètes. Le profil environnemental des ingrédients et de leur approvisionnement sont pourtant des considérations essentielles dans la formulation de produits. La mission insiste sur le fait que « les méthodes d’ACV peuvent ne pas tenir compte de ces nombreuses inconnues et, sous couvert d’une méthode scientifique, donner l’illusion d’un chiffrage objectif et incontestable alors que des pans entiers ne sont pas évalués ou font l’objet de coefficients multiplicateurs sous-évalués par défaut parce que les données scientifiques manquent ».

 

Afin de rendre plus effectives les ACV des produits cosmétiques, sont relevés les leviers d’actions suivants :  

- la profession doit poursuive sa mobilisation pour assurer la montée en compétence des personnels sur ces sujets ;

- la connaissance des impacts des ingrédients qu’ils soient naturels ou chimiques doit être une priorité ;

- la traçabilité des ingrédients, notamment ceux contenant de l’huile de palme issue de la déforestation, doit être améliorée.

 

Notons la publication en mars 2018 par la FEBEA du premier livre blanc sur l’économie circulaire dans le secteur cosmétique, qui recense 120 bonnes pratiques, développées pour minimiser l’impact environnemental lié à la fabrication des produits cosmétiques.

 

Pour accélérer la transition écologique du secteur cosmétique la FEBEA a également publié un guide des bonnes pratiques pour préserver la biodiversité, afin de permettre à toutes les entreprises cosmétiques, quelle que soit leur taille, de s'inspirer de ces expériences et de les déployer à leur échelle. Sur ce guide passionnant, voir notre actualité du 20 octobre 2021 « L'industrie cosmétique française fait peau neuve en faveur de la biodiversité ».

Dichotomie entre le règlement sur les produits cosmétiques et le règlement REACH

L’analyse juridique de la réglementation applicable aux produits cosmétiques a permis de relever que la protection de l’environnement n’était pas optimale.

 

Commençons en premier lieu par le texte le plus à même de traiter ce sujet et qui est le règlement européen n° 1223/2009 du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. Si ses objectifs sont d’encadrer l’usage des substances chimiques potentiellement dangereuses pour la santé humaine qui composent les produits cosmétiques, en maîtriser les risques, et d’encadrer les responsabilités des opérateurs économiques en matière de sécurité, il ne prend toutefois pas en compte les impacts sur l’environnement !

 

Son 5ème considérant renvoie même la considération des préoccupations environnementales pouvant  être suscitées par les substances utilisées dans les produits cosmétiques au règlement (CE) n° 1907/2006 du 18 décembre 2006 concernant  l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des  substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, dit REACH. Cette dichotomie conduit donc à ce qu’une même substance soit examinée pour ses aspects sanitaires par le comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) au regard des critères du règlement cosmétiques et pour ses conséquences environnementales par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) au titre de REACH.

 

Or leurs méthodes et leurs calendriers sont différents. Il peut ainsi arriver qu’une substance soit autorisée car conforme aux règles sanitaires en application du règlement relatif aux produits cosmétiques, mais en cours d’examen en vue de son éventuelle restriction pour des raisons environnementales mais non sanitaires en application du règlement REACH.

 

En second lieu, les produits cosmétiques ne sont pas soumis au règlement n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, dit CLP qui impose des règles de classification, d’étiquetage et d’emballage des substances chimiques dangereuses pour la santé ou l’environnement.

 

La mission demande donc aux autorités françaises de travailler sur l’articulation de ces réglementations pour prendre en compte globalement tous les risques présentés par les produits cosmétiques et ainsi aller dans le sens d’une transition écologique efficace.

Application du principe de précaution aux nanomatériaux

Autre réglementation qui mérite d’être étudiée : celle relative aux nanomatériaux. Car même si les impacts des nanomatériaux sur la santé et l’environnement font l’objet de controverses, ils sont pourtant présents dans de nombreux produits cosmétiques comme les protections solaires, les vernis  à  ongles, les soins capillaires oxydants, les fonds de teint et les produits de soins des lèvres et rouges à lèvres.

 

Le problème résulte du fait qu’il n’existe actuellement pas de définition harmonisée des nanomatériaux. Les différents règlements européens qui traitent des nanomatériaux (cosmétiques, biocides, aliments, dispositifs médicaux etc.) font référence à des définitions différentes.

 

Dans une note du 14 janvier 2022, l’ANSES a préconisé l’établissement d’une définition harmonisée des nanomatériaux en se référant à la recommandation de la Commission de 2011, et l’abaissement du seuil actuel de 50 % en nombre de particules pour le classement pour des raisons sanitaires et environnementales. Sur cette note, voir notre actualité du 3 février 2022 « Publication de la note de l'ANSES sur l'élaboration d'une proposition de définition actualisée du terme nanomatériau ».

 

Compte tenu des incertitudes existantes sur les impacts sanitaires et environnementaux de ces nanosubstances, la mission rappelle que le principe de précaution doit être appliqué.

La RSE : l’arbre qui cache la forêt

Si de nombreuses actions RSE sont menées par les entreprises du secteur de la beauté, il est difficile de savoir dans quelle mesure leur bilan environnemental est positif car les informations fournies sur ce sujet sont peu quantifiées, imprécises et noyées dans les autres préoccupations sociétales.

 

De plus la pertinence pour l’environnement des actions valorisées dans les rapports RSE pose question.  Sur ce point la mission insiste sur l’importance du renforcement du reporting RSE concernant les actions en faveur de la biodiversité ou encore du climat.

 

Concernant la vérification par un tiers indépendant des déclarations de performance extra-financière des grandes entreprises dans le cadre de la RSE, cela se réduit sur la forme et la méthodologie plus que sous l’angle d’une analyse critique et d’opportunité. De gros progrès restent donc à faire dans ce domaine.

Gros efforts sur la diminution des impacts environnementaux des emballages

Le packaging cosmétique est la première chose que la clientèle voit avant même d’utiliser le produit. Pour les produits cosmétiques l’emballage est particulièrement emblématique car il a un rôle essentiel pour déclencher l’acte de vente, surtout dans le segment du luxe. Pour rappel, ils représenteraient 20 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des cosmétiques selon l’étude réalisée par Quantis.

 

Le cadre juridique concernant les emballages est important avec plusieurs textes visant notamment à l’interdiction du plastique à usage unique. De plus, en juin 2021, la FEBEA a publié un « Plastic act » ambitieux en vertu duquel les entreprises membres doivent prendre des engagements d’ici 2025 portant sur l’ensemble des plastiques (et pas seulement ceux à usage unique) : réduire de 15 % la quantité de plastique utilisé, réemployer 20 % du plastique, réincorporer 10 à 25 % du plastique dans de nouveaux emballages, recycler 100 % des emballages plastiques en sensibilisant les consommateurs aux gestes de tri.

 

La mission a questionné plusieurs entreprises sur ce sujet : la quasi-majorité a répondu disposer déjà d’au moins un produit avec un emballage en plastique recyclable ou recyclé. Le coût des investissements en faveur du changement de process est le cœur du réacteur. Un fabricant d’emballages a ainsi expliqué que le coût de la recherche et du développement pour obtenir un tube de dentifrice parfaitement recyclable s’est élevé à 30 M€ sur 10 ans. De plus, la plupart des entreprises rencontrées ont fait part de leur incompréhension sur la mesure de la loi AGEC visant à atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici 2040, car leurs investissements dans de nouveaux emballages ne pourront pas être amortis d’ici là.

 

Autre point important à relever : il ressort de l’étude que les ACV transmises par les entreprises  mettent également en évidence que la substitution du plastique par les matériaux usuels comme le verre ou l’aluminium a pour conséquence une augmentation des émissions de GES. Toutefois cela pourra évoluer dans un sens positif car de plus en plus d’entreprises utilisent du verre aminci, qui pèse donc moins lourd, et remplacent le plastique par du carton, lui aussi recyclé et recyclable.

 

Côté pratique, plusieurs outils visant à aider les entreprises à améliorer la prise en compte des impacts environnementaux de leurs emballages et à les réduire sont disponibles et la mission souhaite les signaler. On peut citer par exemple :

- l’outil «  Sustainable  Packaging  Initiative  for CosmEtics » (SPICE). Né d’une démarche internationale, initiée en 2018 par L’Oréal et Quantis, et par une vingtaine d’entreprises cosmétiques et fournisseurs d’emballages, dont la FEBEA il établit une méthodologie de mesure de l’empreinte environnementale des packaging cosmétiques ;

- l’outil d’écoconception « FEEL » développé par CITEO, visant à améliorer le recyclage des emballages et papiers.

 

Dans le même genre et dans une optique à plus long terme, citons également le programme « Holy  Grail 2.0 »  sur  des  emballages intelligents  avec  filigrane  numérique, piloté par l'Association des Industries de Marque, alimentée par l'Alliance to End Plastic Waste et regroupant 130 entreprises européennes.

 

Côté ouvrage citons la publication en 2020, la publication d’un guide relatif à l’éco-conception des emballages des produits cosmétiques par la FEBEA et CITEO. Voir notre actualité du 2 juin 2020 « Eco-conception des emballages d'hygiène et de beauté : améliorer leur tri et leur recyclage ».

 

Enfin, rappelons que depuis 2011, CITEO mène un programme de Recherche et Développement doté de 7,5 millions d’euros pour limiter l’impact environnemental des emballages, améliorer la recyclabilité et faire émerger de nouvelles filières de recyclage. Dans ce contexte il accompagne les entreprises du secteur de la cosmétique à atteindre les objectifs réglementaires, mais aussi leurs propres objectifs d’écoconception, souvent encore plus ambitieux. Un nouvel appel à projets consacré au secteur de la beauté et de la cosmétique visant développer des solutions innovantes et industrialisables pour réduire l’impact environnemental des emballages du secteur, notamment en améliorant leur recyclabilité, était ouvert aux candidatures jusqu’à mi-février 2022. Les projets pouvaient porter sur l’amélioration de la recyclabilité des emballages actuellement en plastique, en restant en plastique ou en évoluant vers d’autres matériaux disposant de filières de recyclage.

Ils pourront aussi porter sur d’autres actions d’écoconception : allégement, réduction du volume, réemploi, intégration de recyclé, intégration de matière biosourcée… à condition de préserver la recyclabilité ou de l’améliorer. Cela cible les flacons en plastique avec pompe, les échantillons, les emballages phares du maquillage et les films autour des boîtes de parfum. Affaire à suivre en attendant les résultats !

Utilisation de l’eau dans les cosmétiques : les usagers responsables ?

En raison du dérèglement climatique, l’eau douce devient de plus en plus une ressource rare. La mission pointe du doigts les deux leviers d’action suivants pour réduire l’usage de l’eau durant le cycle de vie du produit cosmétique :

- dans les formules des produits ;

- lors des douches et toilettes des usagers !

 

S’il est difficile d’envisager une crème  de  soin  sans  eau  dans  sa  formule, les industriels du secteur cosmétiques œuvrent à développer des formules contenant moins d’eau. Pourtant la réduction de l’eau dans un produit a des avantages :

- cela rend le produit plus concentré en actifs et donc plus efficace, car l’eau est utilisée dans une formule comme support des ingrédients actifs, ce qui a pour conséquence de les diluer ;

- un  produit  anhydre  est également plus économique, comme cela peut être le cas par exemple des nettoyants en pain, ou des poudres exfoliantes, car on en utilise généralement moins en quantité et leur durée de vie est souvent nettement supérieure à leurs équivalents liquides ;

- côté pratique et nomade : il sera plus facile  de  transporter  des poudres ou des nettoyants solides et il est possible plus facilement de choisir la quantité de produit à emporter ;

- une meilleure conservation, car l’eau peut être source de contamination ;

- amélioration du bilan carbone du produit car il sera moins lourd sec. Comme le précise la mission : un produit solide de la taille d’une savonnette remplace au moins deux flacons liquides de 250ml.

 

Mais un autre point attire notre attention : c’est celui de la consommation d’eau par les usagers dans le cadre de l’utilisation de leurs produits cosmétiques. Rappelons que 40 % des émissions sont liées à la phase d’usage des produits ! Il s’agit notamment de l’énergie nécessaire pour chauffer l’eau de la douche de l’usager. Si pour de nombreux industriels cet impact environnemental doit être pris en compte, ce n’est pas le cas pour d’autres qui estiment que cela ne dépend pas leur produit et qu’il est contre-productif de le prendre en compte. En effet, le lien entre produit utilisé et durée de la douche est particulièrement difficile à estimer, certaines personnes pouvant prendre une douche longue sans utiliser le moindre produit et inversement.  Quoiqu’il en soit, produit cosmétique ou non, diminuez votre consommation d’eau !

Attention : un produit « naturel » ne veut pas dire sans impact sur l’environnement !

Selon l’étude précitée menée par Quantis, les ingrédients des produits cosmétiques seraient responsables de 10 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur au niveau mondial. Cette étape du cycle de vie ne peut donc pas être délaissée dans la transition écologique de la filière.

 

Cette question est actuellement traitée par les entreprises essentiellement sous les angles de la naturalité ou du caractère biologique des produits. Une tendance qui fonctionne auprès des consommateurs comme en témoignent les résultats d’une étude en ligne commandée par le label Slow Cosmétique et réalisée par l’institut d’étude Harris Interactive du 4 au 8 février 2022 : 9 françaises sur 10 achètent des cosmétiques bio ou naturels. L’étude a montré que les françaises choisissent avant tout leurs produits cosmétiques sur des critères liés à la préservation de leur santé (47%) et que le respect de l’environnement est un critère de choix moins important (17%).

 

Toutefois, bio ou naturel ne veut pas dire transition écologique effective. Soyons vigilants aux pièges écologiques. En effet, la mission relève qu’un « un produit composé d’ingrédients naturels ou d’origine naturelle peut avoir par exemple un très mauvais bilan carbone ou contenir des composants très toxiques pour l’homme ou pour d’autres espèces ». La certification « biologique » des ingrédients ne garantit pas la performance environnementale globale du produit. Par exemple les ingrédients biologiques qui traversent les océans avant d’être consommés en France dans un produit auront un mauvais bilan carbone !

 

Les démarches d’éco-conception des formules, prenant en compte l’ensemble des impacts directs et indirects de leurs choix d’ingrédients en termes de dérèglement climatique ou de biodiversité sont très rares et difficiles à tracer, toujours en raison des difficultés rencontrées pour obtenir des données environnementales sur les ingrédients.

 

Comment agir ? La mission donne des pistes, déjà connues mais il est utile de les rappeler. Par exemple concernant les ingrédients d’origine agricole, il conviendrait de ne plus utiliser ceux qui sont responsables de la déforestation qui contribue au dérèglement climatique et à la perte de biodiversité, de privilégier ceux provenant de cultures exemptes d’intrants chimiques ou de pesticides. Utiliser des produits locaux est également un axe d’action impactant les émissions de GES du produit. Il s’agit là d’une belle transition avec le sujet suivant.

Mise en place d’un plan de réduction des émissions de GES dans les transports

Un dernier chiffre sur l’impact environnemental des cosmétiques : leurs transports seraient responsables de 10 % des émissions de GES de l’industrie cosmétique. Cela est notamment dû à un secteur faisant beaucoup d’exportation : en effet elles constituent environ entre un quart et un tiers du chiffre d’affaires du secteur, les principales destinations d’export étant l’Europe, l’Asie et les Etats-Unis.

 

Pour réduire ces émissions plusieurs moyens peuvent être envisagés. Concernant les transports nationaux on peut citer comme déjà vu plus haut, la réduction du poids et des volumes des emballages, et favoriser les approvisionnements locaux quand cela est possible. Concernant les transports internationaux, certaines entreprises limitent ou suppriment le fret aérien au profit soit du fret ferroviaire soit du fret maritime, ce qui peut réduire de 30 % les émissions de GES. La mission précise que les émissions de  GES du fret maritime sont moindres que celles du fret ferroviaire et considérablement moindres que celles du fret aérien, ce qui est intéressant vis-à-vis du dérèglement climatique et devrait être mis en œuvre le plus systématiquement possible. Une parfaite organisation logistique sera nécessaire pour mettre en place un tel report modal dans de bonnes conditions.

Quid du score environnemental unique pour les produits cosmétiques

Le « scoring » environnemental des produits pour permettre un achat plus éclairé des consommateurs est un sujet à la mode. Si cela est déjà effectif dans de nombreux secteurs comme le textile, l’alimentation, l’ameublement, les produits électroniques, ou encore de l’hôtellerie, actuellement le secteur cosmétique n’a aucune obligation concernant l’affichage environnemental. Le sujet est entre les mains de la Commission européenne qui travaille actuellement sur l’évaluation de l’impact environnemental des produits (Products environmental footprint – PEF), mais cela n’inclut pour l’instant pas les cosmétiques.

 

La question de la disponibilité des données sur les produits cosmétiques est encore une lacune sur ce sujet. Car pour évaluer l’impact d’un produit sur l’ensemble de son cycle de vie afin de permettre un affichage environnemental pertinent, il est indispensable de disposer d’un très grand nombre de données fiables et auditables portant sur l’ensemble du process et des ingrédients. Or, comme déjà précisé plus haut, si les données sur les emballages sont assez bien connues ce n’est pas le cas concernant la foultitude d’ingrédients que peuvent contenir les cosmétiques.

 

Pour connaître l’impact environnemental lié à chaque ingrédient, il conviendrait en théorie de savoir précisément où et comment il est produit. La mission précise sur ce point qu' « un extrait de rose cultivée sous serre aux Pays-Bas n’a pas forcément le même contenu carbone qu’une rose du Kenya ou de Grasse ; un   ingrédient chimique fabriqué avec le même process dans une usine en France, en Pologne ou en Chine n’a pas forcément le même impact environnemental notamment parce que le contenu en carbone de l’énergie utilisée n’est pas équivalent. Le même produit fabriqué avec le même process dans deux usines d’un même pays n’aura pas non plus le même contenu environnemental suivant qu’il est fabriqué dans une usine moderne alimentée à l’électricité ou utilisant des énergies fossiles ».

 

L’ADEME a été mandatée par le ministère de la Transition écologique pour animer des travaux sur l’affichage environnemental des produits de façon générale afin de définir un cadre méthodologique et technique permettant aux entreprises de calculer les notes environnementales de leurs produits ou services. Les retours d’expériences pourront servir la réflexion concernant le secteur des cosmétiques, qui devra intensifier ses réflexions et ses collectes de données sur ce sujet.

 

Le secteur de la beauté prend position notamment via des initiatives privées en premier lieu. On peut ainsi citer le consortium Eco Beauty Score, créé par l’Oréal, Henkel, Natura&Co et Unilever, dont l’objectif est de co-construire un système de notation volontaire de l’impact environnemental des produits de beauté et d’établir un score global qui informe les consommateurs en prenant en compte l’ensemble du cycle de vie.

 

Mais l’affichage environnemental ne pourra pas être mis en place en France sur la seule base des travaux du consortium. Il devra être encadré réglementairement par les pouvoirs publics.

 

Si le consortium tient son objectif de disposer d’un prototype d’outil fin 2022, et que cet outil est jugé satisfaisant par les pouvoirs publics et les parties prenantes, la mission estime que les premières expérimentations d’affichage environnemental en France sur la base de cet outil pour le secteur des cosmétiques pourraient être lancées vers la fin de l’année 2023. A suivre.

Faites confiance à l'Ecolabel européen

Nous sommes en plein boom des labels en tout genre car de plus en plus exigeants sur la qualité de façon générale. En premier lieu il convient de distinguer les labels RSE, qui ont pour objectif de garantir qu’une entreprise est engagée dans une démarche de responsabilité sociétale et environnementale, de ceux qui portent sur la qualité du produit.

 

Il est souvent fait référence à la « jungle des labels », et à la difficulté de trouver un label fiable et sérieux. Au regard de cette multiplicité des labels, la mission recommande de promouvoir l’Ecolabel européen, qui apporte les meilleures garanties sur le plan environnemental car son cahier des charges a pour objectif de distinguer les produits ayant le moins d’impacts négatifs et le plus d’impacts positifs en matière d’environnement. Il couvre 24 catégories de produits et de services, dont les cosmétiques.

 

Mais il est très peu développé en France dans le secteur des cosmétiques, avec seulement 10 titulaires pour ce genre de produits. Cela s’explique notamment du fait que les exigences sont élevées et difficiles à atteindre, et que les marques sont encore beaucoup engagées dans des stratégies marketing plus globales et non centrées sur les produits. Il reste donc encore du travail concernant les certifications environnementales des produits.

Recommandation finale : élaborer une feuille de route sur la transition écologique

Selon la mission, le secteur cosmétique devrait se doter d’une feuille de route listant ses recommandations et les actions à engager pour aller plus loin dans la transition écologique, tout en prévoyant un calendrier de mise en œuvre. Tous les aspects du produit cosmétique et tous les acteurs doivent y participer. L’avenir de l’industrie de la beauté est entre leurs mains.

 

 

Anne-Laure Tulpain, Code permanent Environnement et nuisances
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