Trois représentants des groupes Atos, RATP Dev et Malakoff Humanis témoignaient de l'intérêt d'avoir défini leur raison d'être à l'occasion du Business & Legal Forum 2021.
On dénombre actuellement plus de 400 sociétés à mission* en France. Moins de la moitié, une centaine environ, aurait défini une raison d’être**. En mai 2019, la loi Pacte proposait aux sociétés volontaires d’afficher, dans leur statut, leur raison d’être « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». Depuis plus de 2 ans, une telle démarche est proposée à l’article 1835 du code civil. Certaines sociétés ont franchi le cap et affichent désormais leur raison d’être sur leur site interne.
D’autres « sociétés à mission », ont atteint un palier supplémentaire. Au-delà d’une raison d’être, elles remplissent d’autres conditions, listées à l’article L 210-10 du code de commerce, pour obtenir cette qualification. Elles ont :
- inscrit dans leurs statuts des objectifs sociaux et environnementaux à atteindre ;
- défini les modalités de suivi de ces missions ;
- fait vérifier leur démarche par un organisme tiers indépendant ;
- déclaré au greffe de tribunal de commerce avoir choisi et fait voter en assemblée générale l’adoption de cette forme juridique.
Quelle est l’utilité de la démarche ? Pourquoi se lancer ? Trois arguments ont été principalement avancés par plusieurs juristes présents lors du Business & Legal Forum 2021, le 14 octobre dernier.
En définissant sa raison d’être, la société affiche son rôle. « Elle déclare de quoi elle veut être portée responsable pour éviter d’être responsable de tout », lance Alexandre Menais, executive vice president d’Atos. Le leader international de la transformation digitale a inscrit sa raison d’être dans ses statuts en avril 2019. Elle est formulée de la manière suivante : « la mission d’Atos est de contribuer à façonner l’espace informationnel. Avec [ses] compétences et [ses] services, Atos support[e] le développement de la connaissance, de l’éducation et de la recherche dans une approche pluriculturelle et contribu[e] au développement de l’excellence scientifique et technologique », etc.
Aujourd’hui, la société ne se définit plus en opposant le rôle de l’Etat à celui de chaque individu. Nous sommes désormais face à un triptyque dans lequel l’Etat, le citoyen et l’entreprise portent chacun une part de responsabilité, estime Alexandre Menais.
Un propos que complète l’avocat Philippe Portier, associé chez Jeantet, spécialiste des questions d’ESG. « La raison d’être, c’est une responsabilité civile à la clé », prévient-il en mentionnant les travaux du Haut comité juridique de la Place financière de Paris sur l’article 1835 du code civil. En France, nous sommes toutefois encore « sur une dynamique molle. La responsabilité, le risque judiciaire ne font pas peur comme aux Etats-Unis. Mais dès lors qu’une première sanction tombera, comme en matière de devoir de vigilance, tout va s’accélérer ».
« La sanction, c’est avant tout une histoire de notoriété », ajoute Silvine Laguillaumie Landon, la directrice des affaires juridiques, institutionnelles et fiscales de Malakoff Humanis. « Si l’entreprise inscrit sa mission et les objectifs correspondants dans ses statuts, elle est tenue juridiquement de les remplir, mais le risque d’image l’expose davantage », note également Brice Rocher, dans son rapport remis au mois d’octobre au ministère de l’économie, des finances et de la relance, 2 ans après la loi Pacte.
Autre intérêt de la démarche, sa vertu collaborative. « Cela permet de resserrer les liens et d’embarquer le collaborateur vers des objectifs précis », note Géraldine Hivert-de Grandi, group general counsel & chief compliance officer de RATP Dev, la filiale du groupe historique de transports publics RATP, qui opère en France et à l’étranger. En 2020, l’Epic a décidé de mobiliser ses 64 000 salariés pour définir sa raison d’être. Un an plus tard, et après avoir recueilli 138 000 contributions, la RATP a pu décrire son « rôle au service de l’intérêt général » : « le groupe RATP s’engage chaque jour pour une meilleure qualité de ville. Partenaire de confiance des villes de demain, en France et partout dans le monde, [il] propos[e] des services performants et innovants de mobilité et d’aménagement urbains qui favorisent le développement de villes plus durables, inclusives et agréables à vivre ». Ces mots ont été « choisis » car ils « unissent les salariés du groupe », précise la déclaration d’intention.
Malakoff Humanis, spécialiste des complémentaires santé, prévoyance, épargne et retraite complémentaire, a aussi entrepris une démarche de « petit pas », en 2018, pour faire émerger sa raison d’être. Le groupe y a associé ses 12 000 collaborateurs via l’organisation de challenges en région et d’une consultation interne (avec un taux de retour de 70 %). Le résultat tient en une phrase qui décrit désormais le groupe : « Innover sans cesse au service de l’humain et en faire toujours plus pour protéger et accompagner [ses] clients entreprises, salariés et retraités ». Une raison d’être qui « n’est pas un slogan ou de la com’ », insiste Silvine Laguillaumie Landon.
« Aujourd’hui, la majeure partie des entreprises ne sont pas alignées entre leurs marques, leurs objectifs RSE, etc. Il y a des incohérences entre les éléments identitaires de l’entreprise. La raison d’être peut permettre d’obtenir cette cohérence et de venir en aide aux dirigeants », complète Alexandre Menais. Elle devient alors une boussole en matière de gouvernance.
Sans oublier l’émergence de collectifs de salariés, que certaines sociétés institutionnalisent. Chez Atos, « 1 500 salariés alimentent une business unit qui réfléchit aux futures offres du groupe visant à décarbonner l’IT. L’objectif est d’être à 2 200 à la fin de l’année », mentionne Alexandre Menais. Pour lui, l’association de ces « forces vives » peut « profondément modifier la gouvernance de l’entreprise ». Car ces collectifs peuvent « démontrer qu’ils créent plus de valeur et de l’impact sur la stratégie de l’entreprise ». Il avance un chiffre : « 10 % des salariés d’une entreprise qui se réunissent autour d’un objectif commun peuvent totalement la renouveler ».
Recommandations de Brice Rocher sur la raison d'être
Dans son rapport remis à Bruno Le Maire, le PDG du groupe Rocher recommande, concernant les sociétés à raison d'être de : - « La décliner dans la stratégie de la société et la conduite opérationnelle de ses activités. Recommander que les sociétés dotées d’une raison d’être statutaire rendent compte une fois par an à leurs actionnaires de l’apport de la stratégie mise en œuvre et des résultats correspondants à la raison d’être. - Conditionner une fraction de la rémunération variable (cible minimale de 20 %) des salariés et dirigeants d’entreprises à des critères extra-financiers objectifs en lien avec la raison d’être ». Concernant les sociétés à mission : - « Obliger les sociétés à mission à publier, à partir de 2027 sur l’exercice 2026, un rapport de durabilité selon les standards de durabilité simplifiés du Groupe consultatif européen sur l’information financière (EFRAG) dans le cadre de la proposition de directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD). - Réaffirmer le rôle du conseil d’administration et/ou des instances dirigeantes dans la gouvernance de l’entreprise et préciser le rôle du comité de mission dans la perspective d’une interaction plus collaborative avec les organes de gestion et d’administration. - Clarifier le champ d’intervention de l’organisme tiers indépendant (OTI) par la publication de l’avis technique et de l’avis motivé type de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) et du guide méthodologique de l’Association française de normalisation (AFNOR). - Encourager les entreprises à lancer des appels d’offres pour le choix de leur OTI et travailler à la déconcentration du marché ». |
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*chiffre issu de l’Observatoire des sociétés à mission.
** chiffre issu du site sociétéamission.com, réalisé par le cabinet d’avocats Le Play avocats.
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