Rapport Badinter : "Ces principes ne sont pas auto-suffisants"

Rapport Badinter : "Ces principes ne sont pas auto-suffisants"

10.02.2016

Gestion du personnel

L'Association française de droit du travail (AFDT) a organisé vendredi une conférence sur les principes essentiels du droit du travail élaborés par la commission présidée par Robert Badinter. L'occasion d'apporter des précisions sur la portée de ces principes et des réponses aux critiques formulées dans l'auditoire.

Les échanges ont parfois été vifs vendredi dernier dans la bibliothèque de l'Ordre des avocats au Palais de Justice. Antoine Lyon-Caen, professeur émérite de l'université Paris-Ouest-Nanterre, Laurence Pecaut-Rivolier, inspectrice générale adjointe des services judiciaires et Jean-Yves Frouin, le président de la chambre sociale de la Cour de cassation, présentaient, devant l'Association française de droit du travail, le rapport sur les principes du droit du travail issu de la commission Badinter à laquelle ils ont participé, et la méthode qu'ils ont suivie. L'occasion d'essuyer - et de répondre - à un certain nombre de critiques.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Des principes dont la portée dépasse le seul cadre du salariat

C'est une méthodologie précise que les membres de la commission Badinter ont respecté pendant deux mois afin de dégager des principes consensuels et unanimement acceptés au sein de la commission. Il a fallu régler des questions sensibles, dont la première et incontournable, celle de savoir ce qu'est un principe de droit du travail. Trois critères ont été dégagés : la généralité, l'autorité et le rôle structurant dans le droit du travail.

La commission a dû ensuite définir le périmètre d'application des principes. Laurence Pecaut-Rivolier, qui était rapporteur au sein de la commission, a précisé - ce qui n'allait pas de soi - que ces principes n'ont pas forcément vocation à s'appliquer aux seules relations salariées. "Nous ne pouvions pas nous cantonner au seul périmètre du code du travail ; nous nous sommes intéressés aux droits de l'homme au travail". Les travailleurs indépendants et les fonctionnaires sont ainsi susceptibles de revendiquer l'application d'un certain nombre de ces principes.

Autre interrogation épineuse : quelle valeur accorder à  ces principes ? La réponse est par définition multiple. "Lorsque le principe est issu d'une norme constitutionnelle ou internationale, il a cette valeur ; sinon il a la valeur du texte qui le supportera, la loi en l'espèce. Toutefois, comme ils seront inscrits dans un chapitre préliminaire du code du travail, on peut penser qu'y toucher sera une opération plus compliquée que de modifier d'autres dispositions du code du travail. C'est pour cela que nous les avons rédigés de manière très large", explique Laurence Pecaut-Rivolier.

Lors de la remise de son rapport, Robert Badinter avait insisté sur un travail réalisé à droit constant, comme cela lui avait été demandé. Pour Laurence Pecaut-Rivolier, il s'agit "d'une fausse question". "Les principes de droit du travail devraient être perpétuels ! Toutefois, reconnaît-elle, le droit du travail est un droit qui dépend du pays, de la société, de la période..."

Des principes dont l'objectif n'est pas de réécrire le droit du travail

Et c'est cela qui inquiète les avocats du Syndicat de France (SAF) dont certains étaient présents vendredi lors de la conférence. Pour eux le problème n'est pas tant le rapport Badinter et ses 61 principes, que le contexte dans lequel ils s'inscrivent et l'utilisation qui pourrait en être faite. C'est justement le caractère très généraliste et imprécis des 61 principes qu'ils pointent du doigt. Pour les membres de la commission Badinter présents, il y a là une incompréhension sur leur portée. "Les principes ne consistent pas à réécrire le droit du travail", a expliqué Jean-Yves Frouin. "Vous pensez trouver dans les 61 principes l'ensemble du droit du travail et leur application ; il y a là un grand malentendu", a insisté pour sa part Antoine Lyon-Caen. Ces principes ne sont pas auto-suffisants".

S'agissant de la réforme en cours au sein de laquelle s'inscrivent ces principes, Laurence Pecaut-Rivolier s'est montrée mesurée face aux critiques. "Notre travail n'est ni de lancer une réforme ni de figer le droit ; il s'agit de refléter le présent sans insulter l'avenir. Ces principes n'apportent aucun droit nouveau et n'en enlèvent aucun". L'idée est plutôt de "donner au droit du travail une assise" contre "les fluctuations permanentes" du droit du travail, "surtout en période d'évolution"."Nous faisons ressortir ce qui est intouchable même si ça s'inscrit dans un contexte de réforme".

Certains intervenants ont également évoqué la crainte que ces principes modifient l'état de la jurisprudence. Jean-Yves Frouin ne comprend pas cette inquiétude et ne croit pas à "un bouleversement de la jurisprudence" d'autant, insiste-t-il, "que certains de ces principes sont tirés de la jurisprudence elle-même".

Une chose est sûre, le rapport Badinter ne laisse pas insensible ; des principes sans saveur pour certains, dangereux, pour d'autres, ils seront surtout ce que le gouvernement en fera dans le cadre de son projet de loi et de la manière dont il s'emparera des exceptions prévues pour certains de ces principes.

Florence Mehrez
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