Rapport d’activité 2022 de l’AFA : que retenir concernant les contrôles ?

Rapport d’activité 2022 de l’AFA : que retenir concernant les contrôles ?

10.09.2023

Gestion d'entreprise

Le 18 juillet 2023, l'AFA a publié son rapport d'activité 2022. Constantin Achillas, avocat associé et Clara Goldstrich, avocate collaboratrice, exerçant tous deux au sein du cabinet Bryan Cave Leighton Paisner expliquent ce qu'il faut retenir des contrôles de l'Agence française anticorruption.

Récemment nommée présidente le 26 juillet 2023, Isabelle Jégouzo va succéder à Charles Duchaine à la tête de l’Agence française anticorruption (AFA). Avant d’anticiper de potentiels changements liés à cette arrivée, revenons sur l’activité de contrôle de l’AFA en 2022, à la lumière de son rapport d’activité publié le 18 juillet 2023.

L’AFA exerce principalement deux missions, celle de conseil et d’assistance et celle de contrôle. Les contrôles prévus par la loi Sapin II prennent la forme soit de contrôles diligentés à l’initiative du directeur de l’AFA (dits « contrôles d’initiative »), soit de contrôles de l’exécution des mesures judiciaires imposant la mise en œuvre d’un programme de mise en conformité (convention judiciaire d’intérêt public et peine de programme de mise en conformité) ou décisions d’injonction de la commission des sanctions (dits « contrôles d’exécution »).

304 nouveaux signalements reçus par l'AFA

En 2022, l’AFA a engagé 39 nouveaux contrôles dont 18 contrôles d’initiative concernant des entreprises assujetties à la loi Sapin II et 3 contrôles d’exécution. Le rapport d’activité souligne que c’est « l’impact potentiel du contrôle sur la diffusion des bonnes pratiques au sein de la filière, secteur, strate ou catégorie auquel appartient l’entité contrôlée » qui a guidé le choix des contrôles ouverts l’année passée.

Les raisons guidant la programmation des contrôles de l’AFA sont toutefois multiples. En effet, s’ils peuvent être liés à l’impact du contrôle sur la diffusion des bonnes pratiques, ils résultent également de l’exposition au risque en raison du secteur, du chiffre d’affaires réalisé ou du pays mais encore des signalements dont l’AFA est destinataire.

A ce sujet, la récente loi Waserman et son décret d’application du 3 octobre 2022 ont désigné l’AFA comme autorité externe compétente pour traiter et recevoir les signalements des lanceurs d’alerte. Ces signalements spécifiques s’ajouteront aux signalements déjà en place. Selon ces nouvelles dispositions, le lanceur d’alerte n’est plus dans l’obligation d'effectuer un signalement interne préalable et pourra donc directement adresser son signalement à l’AFA.

Ces signalements pourront également nourrir d’éventuelles transmissions au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale. Rappelons que selon cet article, toute autorité qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. En 2022, l’AFA a effectué deux transmissions sur ce fondement et une première condamnation pénale a été prononcée par un tribunal judiciaire pour des faits constatés dans le cadre du contrôle d’un CHU.

Alors qu’il est encore tôt pour appréhender l’impact de cette nouvelle compétence sur l’augmentation des signalements, en 2022, leur nombre avait déjà augmenté de 40% par rapport à l’année précédente, 304 signalements ont été reçus par l’AFA contre 216 en 2021. Les entreprises n’auront donc d’autre choix que d’être particulièrement vigilantes sur l’efficacité de leur procédure de signalement interne afin de circonscrire les signalements externes à l’AFA.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Contrôles d'initiative en deux phases

Concernant les contrôles d’initiative, avec la mise à jour de sa Charte des contrôles en juin 2022, l’AFA a clarifié trois points.

Tout d’abord, l’AFA précise le déroulement des contrôles en deux phases :

  • les entreprises assujetties à la loi Sapin II connaissent généralement le déroulé de ce que l’AFA appelle la « première phase » du contrôle d’initiative c’est-à-dire la vérification de l’existence, la qualité et l’efficacité du dispositif anticorruption ;
  • une seconde phase a pu ainsi être engagée à l’appréciation du directeur de l’AFA à partir des constats effectués par l’équipe de contrôle lors de la première phase. Cette seconde phase a pu porter par exemple sur une zone géographique ayant un indice de perception de la corruption particulièrement élevé selon Transparency international ou encore une activité sujette au risque car en lien avec des acteurs publics.

De surcroît, lors de la remise du rapport de contrôle provisoire, l’AFA est susceptible de demander à l’entreprise faisant l’objet du contrôle de lui transmettre un plan d’action comprenant : les actions à mettre en place, le calendrier, ainsi que les personnes en charge. Cette nouvelle modalité de plan d’action, discuté avec l’AFA et annexé au rapport de contrôle définitif, permettra non seulement de fixer des objectifs clairs en interne mais encore de démontrer à l’AFA lors d’un prochain contrôle que les actions prescrites sont effectivement suivies.

Enfin, pour la rédaction du rapport de contrôle définitif, l’AFA recule la date de ces constats de manquement à la date de réponse par l’entité contrôlée au rapport de contrôle provisoire émis par les agents de l’AFA et non plus à la date de réunion de clôture du contrôle. En pratique, les entreprises soumises à un contrôle auront donc davantage de temps après la réception du rapport provisoire pour tenter de convaincre l’AFA d’amender ses recommandations, observations et éventuels constats qui figureront dans le rapport définitif remis par l’AFA à l’issue du contrôle. 

Des liens entre prévention de la corruption et la prévention d'autres infractions 

Concernant les contrôles d’exécution faisant suite à des mesures judiciaires on rappellera que la dépêche du Garde des Sceaux du 10 janvier 2022 a précisé les modalités d’échanges entre les parquets et l’AFA en amont de la signature d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). A cette occasion, il a été indiqué que le procureur de la République pouvait demander à l’AFA un examen préalable pour déterminer le périmètre et la durée du programme de mise en conformité anticorruption prononcé.

A ce sujet, il est intéressant de souligner que l’une des CJIP validées en 2022 pour des faits susceptibles d’être qualifiés de blanchiment de fraude fiscale par écritures comptables absentes ou inexactes a, pour la première fois, prévu un programme de mise en conformité anticorruption dont le contrôle a été confié à l’AFA, démontrant ainsi, comme le décrit le rapport d’activité, « les liens qui peuvent exister entre prévention de la corruption et prévention d’autres infractions ».  

Constantin Achillas Co-auteur : Clara Goldstrich
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