Rapport Gauvain : une avancée majeure pour la protection des entreprises selon l’AFJE

Rapport Gauvain : une avancée majeure pour la protection des entreprises selon l’AFJE

05.07.2019

Gestion d'entreprise

L’AFJE a salué les recommandations faites par le rapport Gauvain remis au Premier ministre fin juin. Retour sur les principales mesures préconisées avec Marc Mossé et Stéphanie Fougou, respectivement président et présidente d’honneur de l’AFJE.

« Cela fait des années que les entreprises françaises se plaignent d’une grande fragilité à l’égard des lois et procédures étrangères ». Et « un certain nombre de travaux et de réflexions ont déjà été menés en France pour mieux protéger les entreprises », a rappelé Marc Mossé, directeur juridique et des affaires publiques de Microsoft Europe, et président de l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE), au cours d’un atelier organisé le mardi dernier dans le cadre du Campus du barreau de Paris. Dernier en date : le rapport de la mission confiée au député Raphaël Gauvain. « Je vous invite à lire ce rapport très exhaustif sur ce que vivent les entreprises françaises depuis une quinzaine d’années déjà, même si la presse ne s’en fait l’écho que depuis 5 ans », a relevé Stéphanie Fougou, secrétaire général d’AccorHotels et présidente d’honneur de l’AFJE. Sont particulièrement visés : les enquêtes « très intrusives », les lourdes sanctions, le monitoring imposés par le Department of Justice américain et les demandes d’informations « extrêmement intrusives et chronophages » émises dans la cadre des procédures de discovery. Pour mieux protéger les entreprises françaises, le rapport émet trois grandes recommandations.

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Loi de blocage et Cloud Act européen

La mission préconise tout d’abord de réformer la loi de blocage, adoptée en 1968 et révisée en 1980, en instaurant notamment des sanctions plus dissuasives. « La loi de blocage ne marche pas ». « Les sanctions prévues sont bien trop faibles » et, au final, « elle n’est pas appliquée », a pointé Pierre Berlioz, directeur de l’École de formation du barreau de Paris et ancien conseiller du garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas. Il n’y a d’ailleurs eu « qu’une seule condamnation à ce titre, en 2017, et il ne s’agissait pas d’une entreprise mais d’un avocat », a-t-il précisé.

Autre recommandation : instaurer l’équivalent du RGPD pour les personnes morales afin de protéger les données des entreprises européennes. Le rapport souligne « les enjeux juridiques et géopolitiques de l’accès aux données stockées dans le cloud ». Des données « qui circulent dans le monde entier » et dont « beaucoup sont stockées dans des data centers appartenant à des opérateurs américains soumis aux lois de leur pays », a expliqué Marc Mossé. Pour contrer la législation adoptée par les États-Unis en mars 2018, « l’Union européenne a lancé le projet de règlement e-Evidence », une sorte de « Cloud Act européen ». Ce dernier prévoit une protection de l’accès aux données des entreprises qui font l’objet d’un privilège ou d’une immunité. « Les juristes d’entreprise européens qui bénéficient du legal privilege dans leur pays pourront donc s’en prévaloir », mais pas les juristes français.

Legal privilege et avocat en entreprise

Mais la mesure jugée essentielle par le rapport est l’instauration de ce que le député appelle « un droit à la protection des avis juridiques internes à l’entreprise ». Ces derniers ne faisant aujourd’hui l’objet d’aucune protection, ils font partie « des premiers éléments saisis dans le cadre des enquêtes françaises ou étrangères », a observé Stéphanie Fougou. Pour cette même raison, « j’ai exercé dans des entreprises dans lesquelles je ne pouvais pas, en tant que directrice juridique groupe, accéder aux informations dans le cadre d’une discovery menée aux États-Unis chez le directeur juridique américain parce que j’aurais rompu la chaîne de protection des avis juridiques. J’aurais été le maillon faible ». Or, selon les résultats d’une enquête effectuée récemment par l’AFJE, un juriste d’entreprise aujourd’hui passe environ 70 % de son temps sur des affaires internationales. « Il nous faut, a minima, disposer des mêmes outils que nos voisins. »

Enfin, l’octroi de la confidentialité aux avis des juristes internes doit se faire, selon les préconisations du rapport, via la création d’un statut d’avocat en entreprise – ce que le Premier ministre, Édouard Philippe, a désigné par le terme d’attorney privilege lors de sa première allocution sur le sujet. Car, devant les juridictions étrangères, le bénéfice du legal privilege est lié au statut d’avocat. « Si on le fait, il faut le faire de façon efficace par rapport à la façon dont les juges américains vont l’appréhender », a pointé Marc Mossé. De façon plus globale, « pour l’AFJE, notre conviction c’est qu’en avançant sur ces sujets-là on va gagner tous ensemble, en remettant au centre du questionnement le rôle du droit en faveur de l’intérêt général ». Car « c’est ça qui est en jeu ». « Nul ne sait ce qu’il adviendra de ce rapport, mais il faut être optimiste », a-t-il conclu. Interrogé par l’AFJE sur l’octroi de la confidentialité aux avis des juristes internes pendant la campagne électorale, « le président de la République a dit qu’il y était favorable ».

Miren Lartigue
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