Rapport sur les outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l’aune de la crise de la Covid-19

07.06.2021

Gestion d'entreprise

La commission des lois a créé en 2020 une mission d’information afin de proposer une évolution des règles juridiques actuelles relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises. Son rapport fait état de 54 recommandations.

Dès le mois d’octobre 2020, la commission des lois a créé une mission d’information afin de proposer une évolution des règles juridiques actuelles relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, ainsi qu’au rebond des entrepreneurs. La mission dont la démarche s’inscrit dans le contexte inédit de la crise sanitaire, est dirigée par François Bonhomme et Thani Mohamed Soilihi, sénateurs. Plus d’une cinquantaine de personnalités ont été entendues notamment Georges Richelme, ancien président de la Conférence générale des juges consulaires de France et rapporteur de la mission sur la justice économique (v. « Rapport Justice économique : présentation des principales recommandations, P. Roussel Galle, 12 mars 2021»). Elle vient de rendre son rapport sur les outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l’aune de la crise de la covid-19. Le rapport examine les forces et les faiblesses du droit français des entreprises en difficulté, avant de dégager 54 recommandations.

Le rapport se compose de trois parties : mieux prévenir, mieux traiter et mieux juger. Pour l'essentiel, il propose de structurer davantage l’offre existante en comblant les failles afin mieux prévenir les difficultés des entreprises, de favoriser des mécanismes de restructuration ou de cessation d’activité plus favorables au rebond de l’activité économique pour mieux traiter les difficultés et d’unifier le contentieux des entreprises en difficulté devant des juridictions commerciales modernisées pour mieux les juger. 

Mieux prévenir

L’introduction du rapport présente la situation à laquelle est confrontée l’économie française depuis mars 2020 avec la crise sanitaire de la Covid-19. Elle doit faire face à deux dangers contradictoires. D’un côté, il faut craindre le risque de défaillance et de disparition d’entreprises viables et de l’autre, la multiplication d’entreprises « zombies » en raison des mesures de soutien. Pour faire face à ces risques, l’ensemble des procédures judiciaires ou extrajudiciaires de traitement de l’insolvabilité des entreprises jouent un rôle déterminant.

La variété des instruments de prévention de l’insolvabilité et l’existence de juridictions spécialisées constituent des éléments positifs. Toutefois, la crise actuelle a mis en évidence l’absence de coordination de cette offre et la nécessité de l’orienter davantage vers les petites et moyennes entreprises. Selon le rapport, les statistiques de la prévention ne démontrent pas leur efficacité dans la mesure où, par exemple, la proportion de procédures de sauvegarde et de conciliation qui se concluent par l’adoption d’un accord amiable ou l’arrêté d’un plan de continuation ne disent rien de la viabilité à moyen terme des entreprises concernées. Le rapport relève que « beaucoup déplorent un biais en faveur de la préservation de l’activité d’entreprises non viables, au détriment non seulement des intérêts des créanciers, mais aussi de la croissance et de l’emploi à long terme ».

14 recommandations s’articulent autour de :

  • l’amélioration de l’information comptable et financière,

  • la coordination des acteurs et l’orientation des dossiers les plus difficiles vers les tribunaux,

  • le renforcement de l’attractivité des procédures amiables.

Afin de multiplier le recours à ces procédures, il est proposé de pérenniser la faculté introduite pendant la crise sanitaire pour le président du tribunal de suspendre les poursuites de certains créanciers et de reporter le paiement des sommes dues pour la durée de la procédure de conciliation (Ord. n° 2020-596, 20 mai 2020, art. 10, I), de mieux encadrer le coût de ces procédures en fixant une grille tarifaire pour la rémunération des mandataires ad hoc et des conciliateurs et en assurant leur prise en charge au moins partielle pour les PME. Enfin, le rapport suggère de développer le vivier de mandataires et de conciliateurs en recourant aux professionnels du droit et du chiffre et aux chambres consulaires.

Mieux traiter

La mission d’information a ensuite analysé les procédures collectives. Un premier constat apparaît selon lequel leur fonction économique est jugée considérable.  Le rapport précise qu’outre l’objectif traditionnel d’assurer un traitement équitable des créanciers de l’entreprise insolvable, ces procédures doivent d’une part, opérer une sélection efficace entre les entreprises viables et non viables, et d’autre part, faciliter le financement des entreprises en offrant des garanties suffisantes aux apporteurs de fonds. Or, de ce double point de vue, le rapport juge l’efficacité économique des procédures collectives françaises « contestable et contestée ».

21 recommandations ont été faites ayant pour objectif de :

  • mieux évaluer la législation et assurer sa cohérence,

  • restructurer plus efficacement, notamment dans le cadre de la transposition de la directive européenne,

  • traiter plus efficacement les situations irrémédiablement compromises et faciliter le rebond, en favoriser la poursuite de « l’aventure entrepreneuriale » et en protégeant le patrimoine personnel des entrepreneurs,

  • revoir le régime de la faillite et des interdictions professionnelles,

  • accélérer et faciliter les opérations de liquidation.

La mission s’est ainsi attachée à mettre en exergue les pistes qui peuvent être explorées pour renforcer l’efficacité de la restructuration judiciaire des entreprises en difficulté. La transposition de la directive européenne « Restructuration et insolvabilité » du 20 juin 2019 est examinée telle qu’elle ressort d’un avant-projet d’ordonnance et de décret soumis à consultation en début d’année.

En particulier, la mission confirme les choix du gouvernement de modifier les conditions d’adoption du plan de restructuration dans l’ensemble des procédures de sauvegarde comme de redressement judiciaire et d’attribuer à la fois au débiteur et aux créanciers l’initiative du projet de plan. Néanmoins, en procédure de sauvegarde, il semble préférable de réserver cette initiative au débiteur pendant une durée de quatre mois.

Elle préconise plusieurs mesures spécifiques aux PME telles que prévoir expressément que les détenteurs de capital d’une PME peuvent apporter une contribution non monétaire à la restructuration, revoir la procédure de restructuration applicable aux PME (sans classes distinctes de parties affectées) pour la rendre conforme à la directive, réserver aux PME la faculté, pour le débiteur, de s’opposer à la mise en oeuvre du mécanisme d’« application forcée interclasse » en procédure de sauvegarde et supprimer ce pouvoir de blocage en procédure de redressement, préciser les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à la règle de « priorité absolue », en réservant un traitement particulier aux exploitants personnes physiques ou associés de TPE-PME et réserver aux PME ayant opté pour le système des « classes de parties affectées » la faculté de reprendre la procédure suivant les règles de droit commun, en vue de l’adoption d’un plan de sauvegarde ou de redressement. Enfin, il est recommandé d’ouvrir une voie de recours rapide spécifique à l’encontre de la décision de répartition en classes des parties affectées.

La mission a également étudié les conditions dans lesquelles les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire pourraient être fusionnées, plusieurs personnes entendues plaidant en ce sens. Il est proposé de revoir l’appréciation du critère de la cessation des paiements, qui paraît en partie obsolète par comparaison avec les autres indices de l’insolvabilité d’une entreprise. En vue d’éviter les cessions à vil prix d’entreprises en procédure collective, des garde-fous s’imposent également.

Pour favoriser le rebond des entrepreneurs, la mission préconise de pérenniser la reprise d’une entreprise en difficulté par l’exploitant personne physique, les dirigeants de la personne morale ou leurs proches, si leur offre correspond au meilleur intérêt des créanciers, et en prenant en compte la contribution personnelle des dirigeants de PME à la viabilité de leur entreprise. Il est également suggéré d’étendre le bénéfice de la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation aux personnes morales, afin de mettre fin à une différence de traitement entre petits entrepreneurs exploitant personnellement ou sous forme sociétaire.

Mieux juger

La mission d’information s’est intéressée à l’organisation judiciaire actuelle en vue de mettre fin à l’éclatement actuel du contentieux et de poursuivre la modernisation de la justice commerciale.

16 recommandations visent à :

  • unifier le contentieux pour créer un véritable tribunal des affaires économiques en confiant la prévention et le traitement des difficultés des entreprises à une seule juridiction et en élargissant les compétences de la juridiction commerciale à tous les contentieux relatifs aux baux commerciaux,

  • poursuivre la modernisation de la juridiction commerciale : l’extension de la compétence du tribunal de commerce aux agriculteurs, aux indépendants, y compris les professions réglementées, et aux personnes morales non commerçantes doit nécessairement se traduire par un élargissement du corps électoral des juges consulaires et de l’éligibilité à ces fonctions pour permettre à ces professions d’être représentées parmi les juges consulaires formant ce tribunal.

  • faire évoluer les modalités d’élection des juges consulaires, en renforçant les garanties entourant le statut des juges consulaires, en parachevant la spécialisation de certains tribunaux de commerce (TCS) et en écartant la question de l’échevinage.

Catherine CADIC, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

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