Ratification de la déclaration de créance : fin des contentieux de régularisation sur la qualité des parties

25.03.2021

Gestion d'entreprise

Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance. Aucune forme particulière n'étant prévue, cette ratification peut être implicite. Tel est le cas en présence de conclusions d'appel tendant à l'admission de la créance.

En concluant à l’admission de sa créance devant le juge de la vérification du passif, le créancier ratifie nécessairement la déclaration de cette créance qui avait été faite en son nom et couvre ainsi l’irrégularité dont la délégation de pouvoir ou le mandat donné pour l’effectuer pouvaient être entachés. Cette solution libérale adoptée par l’arrêt commenté devrait mettre fin à un contentieux ancien et récurrent, celui de la régularité de la déclaration de créance.

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L’arrêt est prononcé dans les circonstances suivantes. Un établissement de crédit déclare une créance au passif de la procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard d’une personne physique qui s’était rendue caution d’une personne morale. Cette déclaration est faite par le responsable du service contentieux de la banque. Tandis que le juge-commissaire admet la créance ainsi déclarée, la cour d’appel exerçant, sur recours du mandataire judiciaire, les pouvoirs du juge de la vérification du passif, la rejette. Elle retient que, s’il est justifié de la subdélégation du responsable du service contentieux pour effectuer toutes les déclarations de créance pour le compte de l’établissement de crédit, la chaîne des délégations et subdélégations antérieures, remontant jusqu’au représentant légal de celui-ci, n’est pas complète et, en tout cas, non prouvée.

C’est ce raisonnement que la Cour de cassation écarte, en validant le processus de déclaration par l’existence d’une ratification finale par le créancier. Après avoir rappelé qui a qualité et pouvoir pour déclarer une créance au passif d’une procédure collective, il conviendra d’indiquer l’importante évolution qu’a apportée, sur ce point, l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives.

Rappels sur la qualité de déclarant d’une créance

C’est, au premier chef, au créancier lui-même de déclarer sa créance. L’article L. 622-24, alinéa 2, du code de commerce le cite en premier lieu parmi les déclarants possibles. Si le créancier est une personne physique, l’identification du déclarant ne fait pas difficulté en principe. C’est plus délicat s’il s’agit d’une personne morale, laquelle ne peut s’exprimer que par l’organe de son représentant légal. Selon le type de personne morale (société, association…) et sa forme (SARL, SA…), la loi et les statuts doivent être consultés pour déterminer qui est son représentant légal.

Mais, très souvent, le créancier ne déclare pas lui-même sa créance, cette formalité pouvant émaner, comme le prévoit aussi le texte précité, d’un mandataire ou d’un préposé de son choix. La distinction entre eux est simple.

Le préposé est un salarié. Il doit justifier d’une délégation de pouvoir lui permettant de déclarer les créances. Cette délégation peut être rédigée en termes généraux.

Le mandataire est un tiers, c’est-à-dire qu’il ne relève pas de l’organisation ou de l’entreprise de la personne morale créancière, en tout cas n’est pas un subordonné de celle-ci, mais un prestataire extérieur. Il doit alors être muni d’un pouvoir spécial de déclarer telle créance à telle procédure collective. Il doit en justifier, à une importante exception près qui concerne les avocats.

La déclaration de créance étant assimilée à une demande en justice, l’avocat n’a pas, professionnellement, à justifier de son mandat de déclarer, comme il est dispensé, en général, de justifier de son pouvoir de représentation en justice (C. proc. civ., art. 416, alinéa 2, disposition applicable devant toutes les juridictions ; C. proc. civ. art. 853, dern. al., disposition spéciale applicable devant le tribunal de commerce) ce qui est essentiel pour comprendre la solution adoptée par la Cour de cassation en matière de ratification.

Ratification implicite de la déclaration de créance jusqu’à ce que le juge statue

La déclaration de créance irrégulièrement faite par un préposé non investi d’une délégation de pouvoir ou un mandataire dépourvu du pouvoir adéquat peut cependant faire l’objet d’une ratification par le créancier. L’article L. 622-24, alinéa 2, 2e phrase, le dit expressément. Il s’agit d’un ajout de l’ordonnance précitée du 12 mars 2014. Si le créancier ratifie la déclaration, l’irrégularité de celle-ci ne pourra plus être invoquée. C’est d’ailleurs la solution générale qui prévaut en matière de représentation, telle qu’elle est énoncée par le nouvel article 1156, alinéa 3, du code civil : « L’inopposabilité comme la nullité de l’acte ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représenté l’a ratifié ».

Le texte de l’article L. 622-24 du code de commerce ne donnant aucune précision, notamment sur sa forme, la Cour de cassation en déduit d’abord, par une formule générale, que la ratification peut être implicite.

Plus concrètement, elle indique ensuite que, dans le contentieux de la vérification du passif, spécialement au second degré de juridiction, le créancier qui demande à la cour d’appel à être admis au passif, couvre nécessairement les irrégularités dont sa déclaration de créance était affectée et qui lui étaient opposées pour contester son admission, comme en l’espèce. Les conclusions prises en son nom et tendant à l’admission valent, par conséquent, ratification, d’autant plus que les conclusions d’appel sont un acte d’avocat, lequel, comme on l’a vu, n’a pas à justifier de son pouvoir. Des conclusions signées et transmises par l’avocat du créancier client constituent donc, pour la Cour de cassation, un acte de ratification de la déclaration de créance.

Le nouveau texte dispose que la ratification par le créancier peut avoir lieu jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance (Cass. ass. plén., 4 févr. 2011, n° 09-14 619, n° 588 P + B + R + I). Cette condition est nécessairement remplie en présence de conclusions d’appel tendant à l’admission de la créance irrégulièrement déclarée, puisque, par hypothèse, ces conclusions sont antérieures au jour où le juge se prononce. C’est pourquoi la chambre commerciale censure spécialement le motif de l’arrêt attaqué, selon lequel la déclaration de créance, non seulement était irrégulière, mais n’aurait pas, en outre, été dûment ratifiée en cours de procédure, alors que les conclusions sont, par définition, un acte intervenu en cours de procédure.

La position adoptée par la Cour de cassation devrait, dans une large mesure, tarir le contentieux de la régularité de la déclaration de créance, du moins lorsque l’irrégularité invoquée tient à la qualité de l’auteur d’une telle formalité, et pour autant que le contentieux soit élevé au niveau de la cour d’appel et que, devant celle-ci, le créancier conclue effectivement.

Jean-Pierre Rémery, Docteur en droit
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