Recapitalisation d’une société dans le cadre d’un plan de redressement : recevabilité de la tierce opposition d’un associé

10.03.2023

Gestion d'entreprise

Lorsqu’un plan de redressement judiciaire prévoit la recapitalisation d’une société, notamment par le biais d’un coup d’accordéon, l’associé qui se voit évincé peut former une tierce opposition contre le jugement ayant arrêté le plan.

Une société placée en redressement judiciaire avait pu bénéficier d’un plan de redressement à l’issue de la période d’observation. Compte tenu du fait que les capitaux propres de la société étaient devenus inférieurs à la moitié de son capital social, le projet de plan prévoyait notamment une réduction du capital social à zéro suivie d’une augmentation de capital en numéraire réservée à certains associés. Un associé non concerné par l’augmentation de capital réservée s’est opposé à cette restructuration capitalistique. Par ordonnance de référé, le Président du tribunal de commerce a désigné un mandataire ad hoc chargé de convoquer l’assemblée compétente pour statuer sur la recapitalisation et d’exercer le droit de vote de l’associé réfractaire. L’associé qui se voyait imposer une opération capitalistique conduisant à la dilution de sa participation au capital a alors formé une tierce opposition à l’encontre du jugement ayant arrêté le plan de redressement.

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En appel, la tierce opposition est jugée irrecevable, au motif que l’associé « était représenté par le représentant légal de la société, car il n’avait pas d’intérêt distinct de celui de la société dans le cadre du plan arrêté par le jugement du tribunal de commerce ».

Dans un arrêt du 8 février 2023, la chambre commerciale casse l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 583 du code de procédure civile et précise : « si l’associé est, en principe, représenté, dans les litiges opposant la société à des tiers, par le représentant légal de la société, il est néanmoins recevable à former tierce opposition contre un jugement auquel celle-ci a été partie s’il invoque une fraude à ses droits ou un moyen qui lui est propre ». En l’occurrence, la Cour de cassation relève que la désignation d’un mandataire ad hoc ayant pour mission d’exercer les droits de vote de l’associé dans l’optique d’approuver l’opération de coup d’accordéon permettait à l’un des associés auquel était réservée l’augmentation de capital de devenir un associé presque unique. Cette recapitalisation était donc bien de nature à porter atteinte à la qualité d’associé du demandeur au pourvoi qui pouvait, par conséquent, se prévaloir d’un moyen qui lui était propre.

Cette décision semble parfaitement logique. Un associé à qui l’on impose par le biais d’un plan de redressement une restructuration capitalistique de nature à l’évincer du capital est nécessairement en mesure d’invoquer un moyen qui lui est propre, susceptible de lui ouvrir droit à tierce opposition pour se défendre contre une expropriation de ses droits patrimoniaux. D’ailleurs, cette position jurisprudentielle n’est pas nouvelle. Dans le cadre d’un arrêt du 31 mars 2021, la chambre commerciale avait déjà admis la possibilité pour un associé soumis à un plan de redressement portant atteinte à son droit préférentiel de souscription, de faire valoir un moyen qui lui était propre et, par conséquent, de former une tierce opposition (Cass. com., 31 mars 2021, n°19-14.839, n° 296 F-P).

Remarque : cette jurisprudence qui offre une voie de recours aux associés ou actionnaires en présence d’un jugement arrêtant un plan de redressement qui leur est défavorable semble uniquement applicable lorsqu’un tel plan résulte de la mise en œuvre d’une procédure de consultation ordinaire. Dans le cadre de la nouvelle procédure de consultation via les classes de parties affectées, résultant de l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, les voies de recours offertes aux détenteurs de capital paraissent nettement plus restreintes.

Benjamin JEUDI, ATER
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