Réduction de la demande de gaz : aux grands maux, les grands remèdes

18.08.2022

Gestion d'entreprise

Compte tenu des risques qu’elle fait peser sur la sécurité d’approvisionnement énergétique, l’agression militaire russe en Ukraine incite l’Union à se doter d’un instrument permettant au Conseil d’imposer aux États membres une réduction drastique de la consommation en gaz.

L’enlisement de la situation en Ukraine met en évidence la fébrilité de l’approvisionnement énergétique européen. Qu’on en juge : depuis février 2022, les flux globaux de gaz en provenance de la Russie, dont on n’ignore pas l’importance vitale qu’ils revêtent pour les États membres de l’Union, ont atteint un niveau inférieur à 30 % des flux moyens enregistrés pour la période 2016-2021, entraînant dans son sillage une hausse historique des prix de l’énergie dans l’Union.

Dans le prolongement d’un train de mesures toutes « conçues pour permettre l’abandon progressif du gaz russe d’ici à 2027 » (considérant 4), le règlement du 5 août 2022 tend à anticiper l’hypothèse – au demeurant loin d’être purement théorique – d’une décision brutale et unilatérale que viendraient à prendre les autorités russes, de stopper l’approvisionnement gazier à destination des États membres, en représailles des soutiens qu’ils accordent au gouvernement ukrainien.

Pointant les lacunes des instruments d’ores et déjà disponibles - en particulier du règlement (UE) 2017/1938 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2017, dont le législateur européen estime qu’il ne permettrait pas de faire face, de manière appropriée, à une rupture d’approvisionnement provenance d’un important fournisseur de gaz et qui durerait plus de 30 jours (considérant 6) -, le Conseil instaure un mécanisme de réduction de la consommation de gaz dans l’Union, qui aura vocation à s’appliquer pendant une période relativement restreinte (de l’automne 2022 au printemps 2023).

Le mécanisme repose sur un double niveau de contrainte. En premier lieu, l’article 3 du règlement invite les États membres à mettre tout en œuvre pour réduire de 15 % au moins leur consommation en gaz entre août 2022 et mars 2023. Ce dispositif, qui repose sur une démarche volontaire des États membres, a vocation à préserver les stocks gaziers d’ici la prochaine saison hivernale et devrait permettre aux États membres de faire face aux éventuelles vagues de froid en février et mars 2023, tout en évitant les fluctuations trop importantes des prix de l’énergie (considérant 9).

Si ces mesures de réductions volontaires s’avéraient insuffisantes, le règlement y adosse un second niveau de contrainte, consistant en des réductions obligatoires de la consommation gazière des États, suivant un fonctionnement décrit à l’article 4 du règlement.

La Commission, de sa propre initiative (si elle estime qu’il existe, malgré les mesures de réductions volontaires prises par les États, un risque important de grave pénurie d’approvisionnement en gaz ou en cas de demande de gaz exceptionnellement élevée) ou, sur invitation d’au moins cinq autorités nationales compétentes ayant déclaré une alerte au niveau national (sur le fondement du règlement (UE) 2017/1938), peut proposer au Conseil de déclarer l’état d’alerte de l’Union. Pareille déclaration ouvre, pour le Conseil, la possibilité d’imposer à chaque État de réduire sa consommation de 15 % sur la période d’août 2022 à mars 2023, tenant compte des réductions d’ores et déjà opérées, le cas échéant, au titre du mécanisme volontaire de l’article 3.

Des dérogations totales ou partielles aux réductions obligatoires sont prévues pour les États dont les réseaux électriques et gaziers ne sont pas connectés aux réseaux d’autres États, ainsi qu’à l’égard des États qui ne disposent que de capacités d’interconnexion limitées avec d’autres États membres.

Si les États sont libres de choisir les mesures appropriées pour réduire la consommation en gaz, que ce soit au titre de réductions volontaires (art. 3) ou obligatoires (art. 4), le règlement (art. 6) leur impose de veiller à ce que de telles mesures n’affectent pas les clients protégés tels que les ménages et les services essentiels au fonctionnement de la société (entités critiques, soins de santé, défense).

Étienne Durand, Maître de conférences à l’Université Jean Moulin – Lyon 3

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