Le Conseil d'Etat considère que les mesures prises ne permettront pas d'améliorer la situation dans le délai le plus court possible. Il procède donc à la liquidation provisoire de l'astreinte.
Dans une décision du 4 août 2021, le Conseil d'Etat condamne l'Etat à payer l'astreinte de 10 millions d’euros pour le premier semestre de l’année 2021 à l’association Les Amis de la Terre qui l’avait initialement saisi, ainsi qu’à plusieurs organismes et associations engagés dans la lutte contre la pollution de l’air.
Encore des dépassements
Dans un premier temps, le Conseil d'État s'attache à évaluer l’exécution de ses deux précédentes décisions.
5 zones encore en dépassement sur le dioxyde d'azote
S’agissant des taux de concentration en NO2, cinq zones ont enregistré en 2019 un dépassement de la valeur limite de concentration de 40 μg/m3 en moyenne annuelle civile dans au moins une station de mesure de chacune de ces zones.
Pour 2020, les données provisoires mettent en évidence deux zones pour lesquelles un dépassement de cette valeur limite persistait encore (Lyon et Paris). Ces données sont en oture à relativiser au vu du contexte sanitaire qui a conduit à une forte réduction de la circulation routière pendant les périodes de restriction des déplacements. De plus, trois autres zones (Aix-Marseille, Grenoble et Toulouse Midi-Pyrénées) ont présenté au moins une station de mesure dans laquelle a été relevé une moyenne annuelle supérieure ou égale à 35 μg/m3 qui ne permet pas d’y regarder la situation de non-dépassement comme consolidée.
La zone de Paris reste en dépassement sur les particules fines
Sur la zone de Paris, en 2018 et 2019, la valeur limite de concentration de 40 μg/m3 en moyenne annuelle a été dépassée dans une station de mesure et la valeur limite de 50 μg/m3 en moyenne journalière a été dépassée plus de 35 fois dans la même station. Si les dernières données disponibles pour 2020 ne mettent plus en évidence de dépassement dans cette zone, elles doivent elles aussi être replacées dans le contexte de la crise sanitaire. Ainsi, la zone Paris ne présente pas non plus dans ce cas une situation de non-dépassement consolidée.
L'insuffisance des mesures prises
Fort de ces constats, le Conseil d'Etat apprécie dans un second temps les mesures adoptées depuis l’intervention de sa décision du 10 juillet 2020.
La ministre chargée de l'environnement fait d'abord valoir qu’une procédure de passation de marché public portant sur l’évaluation des politiques publiques en matière de qualité de l’air est en cours. Toutefois, répond le Conseil d'État, cette initiative ne constitue pas en tant que telle une mesure d’exécution de sa décision.
Elle fait également valoir l’intervention du décret du 16 septembre 2020 (v. notre actualité "
Publication du décret sur les zones à faibles émissions mobilité"). Cependant, le Conseil d'État relève que s’agissant des zones de Lyon, Paris et Grenoble, des ZFE avaient déjà été instaurées avant l’intervention de sa décision. En outre, si l’instauration de ces zones a conduit ou doit conduire à des restriction de circulation des véhicules les plus polluants avec en conséquence une baisse attendue des émissions, la mise en oeuvre prévue de ces mesures, dont le calendrier relève des collectivités territoriales, est très étalée dans le temps.
Enfin, en plus du renforcement des ZFE prévu par la loi Climat, la ministre fait également valoir différentes mesures destinées à favoriser la conversion du parc automobile national vers des véhicules moins polluants, que l’installation de nouvelles chaudières à fioul ou à charbon sera interdite à compter du 1er janvier 2022, et que, dans le cadre du plan de relance, plusieurs actions portant sur les transports terrestres et maritimes ainsi que sur l’amélioration de l’habitat sont conduites.
Cependant, le Conseil d'État considère qu’il peut être raisonnablement attendu des effets positifs de ces mesures, ni l’ampleur de ces effets ni leur calendrier ne sont à ce stade précisés.
Il relève qu’aucun nouveau plan de protection de l’atmosphère (PPA) n’a été adopté ou révisé depuis sa décision et que les processus de révision déjà en cours n’ont pas connu d’accélération significative, alors même que ces PPA demeurent un outil adapté pour synthétiser dans les zones concernées les mesures prises ou à prendre ainsi que le calendrier attendu pour revenir sous les valeurs limites dans le délai le plus court possible.
Ainsi, si les mesures mises en avant par la ministre devraient avoir pour effet de poursuivre l’amélioration de la situation, elles ne permettront pas d’améliorer la situation dans le délai le plus court possible, car la mise en œuvre de certaines d’entre elles reste incertaine et leurs effets n’ont pas été évalués.
10 millions d'euros à liquider, répartis entre plusieurs organismes et associations
L’État est donc condamné à verser la somme de 10 millions d’euros, au titre de la liquidation provisoire de l’astreinte, à répartir de la façon suivante :
- 100 000 euros à l’association Les amis de la Terre France,
- et, eu égard aux actions qu’ils conduisent en matière de lutte contre la pollution atmosphérique et d’amélioration de la qualité de l’air :
- 3,3 millions d’euros à l’ADEME,
- 2,5 millions d’euros au CEREMA,
- 2 millions d’euros à l’ANSES,
- 1 million d’euros à l’INERIS,
- 350 000 euros aux AASQA Air Parif et Atmo Auvergne Rhône-Alpes chacune,
- 200 000 euros aux AASQA Atmo Occitanie et Atmo Sud chacune.
Une nouvelle liquidation d'astreinte à venir ?
Le Conseil d’État a d'ores et déjà annoncé qu'il évaluerait début 2022 les actions du Gouvernement pour le second semestre 2021. Il décidera alors si l’État devra verser une nouvelle astreinte.
La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)
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