Réforme de l'audit et harmonisation européenne

31.03.2016

Gestion d'entreprise

Outre la réforme des garanties liées à l'indépendance des contrôleurs légaux, des moyens de contrôle et de supervision, les commissaires aux comptes sont soumis à de nouvelles règles d'encadrement pour les prestations fournies à leurs clients.

L’ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes a pour objet d’harmoniser le contrôle légal des comptes au niveau européen (Dir. 2014/56/UE, 16 avr. 2014 : JOUE n° L 158, 27 mai) et d’améliorer la qualité du commissariat aux comptes par un renforcement de l’indépendance des auditeurs. Elle met également le droit interne en conformité avec les exigences européennes (Règl. (UE) n° 537/2014, 16 avr. 2014 : JOUE n° L 158, 27 mai) applicables au contrôle légal des comptes de grosses entités, les entités d’intérêt public (EIP). Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur le 17 juin 2016, à l’exception de celles dont l’entrée en vigueur est différée (Ord. n° 2016-315, 17 mars 2016, art. 53 : JO, 18 mars).

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Règles spécifiques applicables aux entités d’intérêt public (EIP)

Il existe des règles spécifiques pour les conditions d’intervention et le statut des commissaires aux comptes lorsqu’ils contrôlent les EIP car ces entités sont considérées comme présentant des risques systémiques plus importants. Désormais, la définition des EIP dans la réglementation française est conforme à la directive européenne. Il s’agit en pratique des sociétés cotées, des établissements de crédit et des compagnies d’assurances, cotées ou non (C. com., art. L. 820-1, III). On notera que les associations faisant appel public à la générosité ne sont pas visées.

Notamment :

- certaines de ces entités doivent mettre en place un comité d’audit (C. com., art. L. 823-19, I) ;

- les commissaires aux comptes doivent publier sur leur site internet, dans les 3 mois de la clôture de l’exercice, un rapport de transparence (C. com., art. L. 824-13) ;

- les commissaires aux comptes ne peuvent pas certifier les comptes durant plus de 6 exercices consécutifs (v. ci-dessous, Durée du mandat des commissaires aux comptes dans les entreprises) ;

- les commissaires aux comptes font l’objet d’un contrôle qualité particulier (C. com., art. L. 824-3-1).

Conditions préalables de nomination des commissaires aux comptes dans les entreprises

D’une manière générale, toute clause contractuelle qui limite le choix de l’assemblée générale ou de l’organe d’administration ou de surveillance à certaines catégories ou listes de commissaires aux comptes est réputée non écrite (C. com., art. L. 823-1).

Le commissaire aux comptes devra désormais fournir certaines informations �� la personne ou à l’entité qui envisage de le désigner, et consigner le respect de certaines conditions relatives à son indépendance avant d’accepter un mandat ou de le renouveler. Il prévoit également la possibilité, pour le comité spécialisé d’une EIP, de demander au commissaire aux comptes le détail des prestations autres que la certification fournies par son réseau (C. com., art. L. 820-3).

Dans les EIP, le comité d’audit, à l’issue d’une procédure de sélection très réglementée, doit soumettre une recommandation à l’organe d’administration ou de surveillance de l’entité contrôlée pour la désignation de contrôleurs légaux des comptes ou cabinets d’audit (C. com., art. L. 823-1).

Par ailleurs, le commissaire aux comptes ou, le cas échéant, un membre de son réseau au sein de l’Union européenne, ne peut accepter de mandat auprès de l’EIP dont il a certifié les comptes avant l’expiration d’une période de quatre ans suivant la fin de son mandat.

Durée du mandat des commissaires aux comptes dans les entreprises

Les commissaires aux comptes ne peuvent pas certifier durant plus de 6 exercices consécutifs, dans la limite de 7 années, les comptes des EIP, des personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique assujetties à l’obligation de nommer un commissaire aux comptes et des associations qui font appel public à la générosité. Ils peuvent à nouveau participer à une mission de contrôle légal des comptes de ces personnes ou entités à l’expiration d’un délai de 3 ans à compter de la date de clôture du 6e exercice qu’ils ont certifié (C. com., art. L. 823-3 et L. 823-3-1).

Il en est de même des filiales importantes d’une EIP lorsque l’entité d’intérêt public et sa filiale ont désigné le même commissaire aux comptes.

Lorsqu’une EIP désigne un commissaire aux comptes unique, celui-ci ne peut procéder à la certification de ses comptes pendant une période supérieure à dix ans.

Toutefois, au terme de cette période, il peut être nommé pour un nouveau mandat d’une durée de 6 exercices, en respectant les procédures de nomination imposées aux entités d’intérêt public.

La durée de 10 ans peut être prolongée jusqu’à une durée maximale de 24 ans lorsque, au terme de cette période, l’entité d’intérêt public, de manière volontaire ou en application d’une obligation légale, recourt à plusieurs commissaires aux comptes, dès lors qu’ils présentent un rapport conjoint sur la certification des comptes.

A l’issue de ces mandats, le Haut conseil du commissariat aux comptes peut, à titre exceptionnel, autoriser l’entité d’intérêt public à prolonger le mandat du commissaire aux comptes pour une durée supplémentaire qui ne peut excéder 2 années.

Ces dispositions s’appliquent également aux filiales importantes des entités d’intérêt public, lorsque leurs comptes sont certifiés par la même société de commissaires aux comptes que la société mère.

Les « services non audit » ne pouvant être proposés à l’ensemble des entreprises

Les commissaires aux comptes sont soumis à de nouvelles règles d’encadrement pour les prestations qu’ils fournissent à leurs clients.

Si la possibilité de fournir d’autres services que la certification des comptes leur est reconnue, certains services, dont la liste sera établie par voie réglementaire, leur seront interdits, quelle que soit la qualité de l’entreprise cliente.

Actuellement, l’architecture du régime des prestations autres que de certification repose sur une liste de prestations interdites prévue à l’article 10 du code de déontologie. Pour être autorisées, les prestations doivent répondre à une double condition : d’une part, être directement liée à la mission de commissaire aux comptes et, d’autre part, être prévue par une norme d’exercice professionnel homologuée par le garde des Sceaux. Les nouvelles dispositions reposent sur un système où tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Les services ne relevant pas de l’audit et qui sont interdits relèvent toujours du code de déontologie (C. com., art. L. 822-11).

Concernant les EIP dont les comptes sont certifiés, il est, en outre, interdit au commissaire aux comptes et aux membres du réseau auquel il appartient de leur fournir, directement ou indirectement, les services mentionnés dans le règlement européen du 16 avril 2014 (Règl. (UE) n° 537/2014, 16 avr. 2014, ann. 8-1), ainsi que les services portant atteinte à l’indépendance du commissaire aux comptes qui sont définis par le code de déontologie.

On peut citer, notamment, les services fiscaux portant sur l’établissement des déclarations fiscales, les services qui supposent d’être associé à la gestion ou à la prise de décision de l’entité contrôlée, la comptabilité et les services de paie, les services liés à la fonction d’audit interne, le contrôle de l’information financière, les services liés au financement, les services juridiques ayant trait à la fourniture de conseils généraux, la négociation au nom de l’entité contrôlée et l’exercice d’un rôle de défenseur dans le cadre de la résolution d’un litige et certains services de ressources humaines.

Par ailleurs, le total des honoraires facturés pour ces autres services se limite à 70 % de la moyenne des honoraires facturés au cours des trois derniers exercices pour le contrôle légal des comptes et des états financiers consolidés de l’EIP et, le cas échéant, de la personne qui la contrôle ou qui est contrôlée par elle. Le Haut conseil pourra autoriser le commissaire aux comptes, à titre exceptionnel, à dépasser le plafond prévu pendant une période n’excédant pas deux exercices.

Sanctions disciplinaires encourues par la profession

Les sanctions et le contrôle de la profession est entièrement refondu par l’ordonnance du 17 mars 2016 qui introduit un nouveau chapitre dans le code de commerce (C. com., art. L. 824-1 et s.). Grande nouveauté, outre les commissaires aux comptes eux-mêmes, leurs associés ou collaborateurs ainsi que les personnes et entités soumises à l’obligation de certification des comptes et les dirigeants de celles-ci sont désormais passibles de sanctions en raison de manquements spécifiques à la nouvelle réglementation.

La faute disciplinaire fait l’objet d’une réécriture mais surtout elle est déplacée dans la partie législative (C. com., art. L. 824-1, I). Les sanctions disciplinaires actuellement applicables peuvent être accompagnées de sanctions pécuniaires proportionnées aux personnes visées, commissaire aux comptes ou autres, personne physique ou personne morale (C. com., art. L. 824-2 et L. 824-3).

En cas de faute réitérée dans les 5 années à compter de la date à laquelle la sanction pécuniaire précédemment prononcée est devenue définitive, une sanction pécuniaire plus lourde peut être prononcée, sans toutefois excéder le double de montants plafonnés par les articles L. 824-2, II, 3° et L. 824-3, I du code de commerce.

Renforcement du contrôle de la profession et réforme du H3C

Le rôle et les prérogatives du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), autorité publique indépendante chargée de la supervision de la profession de commissaire aux comptes, sont renforcés. Sa composition et son organisation sont modifiées. Ainsi, le Haut conseil se voit doté de compétences redéfinies pour l’inscription des commissaires aux comptes, la supervision de la formation continue et l’élaboration des normes applicables à la profession, ainsi que de pouvoirs d’enquête et de sanction (C. com., art. L. 824-4 et s.). Les commissaires aux comptes, désormais représentés au sein du Haut conseil, conformément aux règles européennes, par des professionnels ayant cessé leur activité depuis plus de 3 ans, resteront néanmoins associés à la régulation de la profession.

Une commission placée auprès du H3C, composée à parité de membres du collège et de commissaires aux comptes en exercice, aura pour mission de préparer les normes professionnelles applicables aux commissaires aux comptes avant leur adoption par le collège.

Enfin, il y aura désormais un régime unique de contrôle des commissaires aux comptes en supprimant la distinction entre les contrôles périodiques, les contrôles occasionnels et les inspections.

La Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) participera aux missions de surveillance du Haut conseil dans le cadre de conventions de délégation. Il sera cependant interdit au Haut conseil de déléguer les contrôles des commissaires aux comptes qui interviennent auprès des entités d’intérêt public. Pour les contrôles des commissaires aux comptes intervenant auprès d’entités qui ne sont pas qualifiées d’intérêt public, la convention de délégation devra être homologuée par le garde des Sceaux.

Nouveau processus d’élaboration des normes professionnelles

Les commissaires aux comptes doivent exercer leur mission conformément aux normes d’audit internationales adoptées par la Commission européenne. Le Haut conseil peut imposer des procédures ou des exigences de contrôles supplémentaires si elles sont nécessaires pour donner effet aux obligations légales nationales concernant le champ d’application du contrôle légal des comptes ou pour renforcer la crédibilité et la qualité des documents comptables. Ces normes seront élaborées par une commission instituée auprès du H3C et soumises pour avis à la CNCC avant leur adoption. Après adoption, la norme sera homologuée par arrêté (C. com., art. L. 821-14).

Pour la certification des comptes des petites entreprises, l’application des normes sera proportionnée à la taille de la personne ou de l’entité et à la complexité de ses activités.

Guy Cosson, Commissaire aux comptes
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