Réforme des retraites : ce qui est prévu pour les indépendants

Réforme des retraites : ce qui est prévu pour les indépendants

13.12.2019

Gestion d'entreprise

La journée annuelle du club social de l'Ordre des experts-comptables a été l'occasion de faire un point sur les dernières annonces du gouvernement concernant, notamment, les travailleurs indépendants.

Rendez-vous manqué avec Jean-Paul Delevoye, hier au club social des experts-comptables. Le Haut-commissaire à la réforme des retraites, qui a rendu ses préconisations le 18 juillet 2019, ne s'est pas rendu - comme il était prévu - à la journée annuelle organisée par le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, où il devait échanger avec les professionnels du chiffre sur les modifications à venir des régimes de retraites. "Nous le regrettons", a déclaré Charles-René Tandé, président de l'Ordre, lors de l'ouverture de la conférence. "Alors, on peut comprendre aussi que la période est peut-être un peu compliquée pour lui en ce moment, (...) mais c'est un peu dommage qu'il ne soit pas là".

Car le président du CSOEC a des revendications : "Nous souhaitions l'interpeler sur la réforme des retraites nous concernant aussi, nous les experts-comptables, puisque nous nous opposons sur un certain nombre de sujets". Notamment sur le "niveau de 120 000 euros". En l'état actuel des annonces du gouvernement (par le Premier ministre mercredi dernier), les droits à la retraite seraient acquis sur la totalité des revenus d'activité dans la limite de 3 plafonds de la Sécurité sociale (PASS), soit environ 120 000 euros bruts annuels. L'Ifec, le syndicat de Charles-René Tandé, ainsi qu'ECF souhaitent conserver la limite d'1 PASS (actuellement pour la retraite de base). Les deux organisations ont exprimé une position commune, entre autres sur ce sujet, dans un communiqué fin novembre.

Cotisations : une tranche intermédiaire pour les indépendants

Pour les travailleurs indépendants (artisans, commerçants, professions libérales et exploitants agricoles), le projet de réforme prévoit la mise en place d'une tranche intermédiaire de revenus entre 1 à 3 plafonds de la Sécurité sociale. "Leur taux de cotisation sera identique aux salariés jusqu’à 40 000 euros de revenu, puis de 12,94% entre 40 000 euros et 120 000 euros de revenu, et non 28,12% comme les autres. Ils participeront à la solidarité nationale de la même manière que les autres, avec le même taux de 2,81%", précise le dossier de presse, mis en ligne mercredi après l'allocution d'Edouard Philippe. Des "aménagements" en faveur des indépendants pour "éviter une hausse de leurs charges qui fragiliserait leur équilibre économique", est-il justifié. Le futur système prévoirait donc trois niveaux :
 

Tranches de revenus Taux de cotisation plafonnée Taux de cotisation déplafonnée Taux de cotisation globale
Entre 0 à 1 PASS 25,31% 2,81% 28,12%
Entre 1 à 3 PASS 10,13% 2,81% 12,94%
Au-delà de 3 PASS   2,81% 2,81%

                              Source : Club social, CSOEC, décembre 2019

Pour les salariés et les fonctionnaires, il n'est pas prévu de niveau intermédiaire :

Tranches de rémunérations Part salariale Part patronale Total
Entre 0 et 3 PASS 11,25% 16,87% 28,12%
Au-delà de 3 PASS 1,12% 1,69% 2,81%

                           Source : Club social, CSOEC, décembre 2019

"C'est l'avenir de la Cavec qui est remis en cause"

Autre point de désaccord des organisations patronales de la profession du chiffre : "l'aspect gestion de nos fonds". Le projet de réforme prévoit un système universel de retraite qui intègrerait les salariés, les travailleurs indépendants et les fonctionnaires. Et pour l'Ifec et ECF, il existe une "menace sur la conservation des réserves de la Cavec [la caisse de retraite et de prévoyance des experts-comptables et des commissaires aux comptes]". "C'est l'avenir de la Cavec qui est remis en cause", glisse Charles-René Tandé. La Cavec s'est prononcée il y a quelques jours. "Un guichet unique pour les experts-comptables et les commissaires aux comptes doit être maintenu, géré par la Cavec, en charge du régime complémentaire et du régime invalidité décès", défend l'organisme. Et "la maîtrise du recouvrement des cotisations doit rester de la compétence de la Cavec".

Le gouvernement a voulu rassurer mercredi : "Les réserves resteront dans les caisses des professionnels concernés", a assuré Edouard Philippe lors de son discours. "Ces caisses pourront ainsi les utiliser pour accompagner la transition vers le nouveau système, notamment en prenant en charge une partie des cotisations afin de soutenir l’acquisition de points pour les cotisants et de faciliter la convergence des anciens régimes vers le système universel", précise le dossier de presse.

Une réforme de l'assiette sociale à partir de 2022

Cette transition des professions libérales vers le système universel se ferait de façon "progressive et adaptée aux spécificités des professions", assure le gouvernement. L'objectif, à terme, est d'appliquer aux professions libérales les mêmes modalités pour cotiser que les autres non-salariés, artisans-commerçants ou exploitants agricoles. "Certaines [professions libérales] doivent abaisser leur plafond de cotisation ; d’autres remonter ou baisser leurs taux de cotisation ; d’autres encore doivent faire évoluer leurs taux de rendement, indique le dossier de presse. Ces évolutions, déjà en cours dans beaucoup de ces régimes, seront concertées avec les différentes professions".

Pour faciliter cette transition, une "réforme de l’assiette sociale" serait mise en route à compter de 2022. "L’assiette sera rapprochée de celle des salariés, ce qui permettra, à effort contributif constant, de faire en sorte que ces professions payent moins de CSG mais davantage de cotisations d’assurance vieillesse : une large partie de la hausse de cotisation induite par le système universel pour certaines professions libérales sera ainsi neutralisée par la baisse du montant de CSG acquitté", explique le gouvernement. Cette réforme se traduirait "par une baisse du montant de CSG à payer et une hausse des cotisations retraites — et donc davantage de points retraite", précise-t-il.

Hausse de la cotisation minimale pour valider un trimestre de plus

Certains points du projet de réforme sont accueillis favorablement par la profession. C'est le cas du rehaussement de la cotisation minimale que paient les travailleurs indépendants. L'assiette minimale serait portée à 600 Smic horaire (sauf pour ceux qui sont déjà au-dessus de ce seuil, tels les exploitants agricoles), ce qui "permettra de valider une année", au lieu de trois trimestres aujourd'hui, précise Alice Fages, directrice des affaires sociales du CSOEC. Soit environ 1500 euros de cotisations par an. Cependant, cette mesure est seulement prévue dans le rapport Delevoye

Même si le projet de texte n'est pas encore acté - il devrait être présenté en janvier 2020 -, les experts-comptables se positionnent. "Nous aurons un travail de pédagogie à faire pour nos clients et leurs salariés", conclut Patrick Bordas, président du club social.

Céline Chapuis

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