Réforme du code du travail : les ordonnances pourront-elles entrer en vigueur à la rentrée ?

Réforme du code du travail : les ordonnances pourront-elles entrer en vigueur à la rentrée ?

23.05.2017

Gestion du personnel

Aller vite sur la réforme du marché du travail. Tel est le mot d'ordre du gouvernement qui, pour y arriver, a décidé de recourir aux ordonnances. Toutefois, ces dernières nécessitent le respect de certaines étapes parlementaires et consultatives et n'écartent pas l'application de la loi Larcher. L'entrée en vigueur des mesures pourrait donc prendre plus de temps que prévu.

Le gouvernement veut aller vite sur la nouvelle réforme annoncée du code du travail. C'est le message que le gouvernement tente de faire passer en insistant sur le fait que le recours aux ordonnances permettra d'éviter "l'enlisement parlementaire", comme l'a expliqué Richard Ferrand, le 16 mai dernier au micro de France Inter.

Sur le fond, le gouvernement a distillé peu de détails sur les réformes à venir. Tout au plus, sait-on que le gouvernement souhaite étendre la primauté de la négociation d'entreprise sur les accords de branche et la loi à de nouveaux sujets, donner également à l'employeur l'initiative du référendum d'entreprise, simplifier davantage encore les institutions représentatives du personnel, réintroduire dans la loi un barème obligatoire d'indemnités de licenciement injustifié. D'autres mesures devraient émerger lors des discussions avec les partenaires sociaux qui débutent aujourd'hui afin de donner du "grain à moudre" aux échanges.

Le gouvernement s'est fixé un calendrier serré : la réforme doit être ficelée pour la rentrée. Mais si la pratique des ordonnances permet effectivement d'aller plus vite qu'un projet de loi, il existe toutefois des délais incompressibles qui rendent peu probable une réforme applicable dès la rentrée.

Des projets de loi d'habilitation et de ratification susceptibles d'être amendés

Les ordonnances de l'article 38 de la Constitution, qui permettent au gouvernement de prendre des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, obéissent à une procédure bien spécifique, qui se déroule en plusieurs étapes.

Dans un premier temps, le gouvernement doit d'abord être autorisé par le Parlement de recourir aux ordonnances par une loi d'habilitation. L'autorisation est donnée pour une durée limitée ; les ordonnances doivent être publiées dans ce délai. "Ces délais sont importants, car pendant qu'ils courent, le Parlement peut se retrouver privé de l'exercice de son pouvoir législatif dans les domaines de l'habilitation", rappelle le Sénat sur son site.

Ce projet de loi d'habilitation sera soumis au Parlement lors de la session extraordinaire qui s'ouvrira au début de l'été. Son adoption dépendra du rapport de force au sein de l'Assemblée nationale, qui aura le dernier mot quand bien même le Sénat rejetterait le texte.

A noter : Le Conseil constitutionnel impose au gouvernement l'obligation d'indiquer avec précision au Parlement la finalité des mesures qu'il se propose de prendre et leur domaine d'intervention, sans toutefois être obligé de dévoiler la teneur des ordonnances.

Une fois finalisées, les ordonnances doivent ensuite être ratifiées par une loi de ratification. Elles deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. "Pendant le délai d'habilitation, la non-ratification des ordonnances n'entraîne pas leur caducité, mais tant qu'elles n'ont pas été ratifiées, elles n'ont qu'une valeur réglementaire et peuvent donc être contestées devant le juge", rappelle le site du Sénat. Une fois ratifiées, elles acquièrent rétroactivement valeur législative.

A noter : si le dépôt du projet de loi de ratification est quasi systématique, rien ne contraint le gouvernement à inscrire son projet à l'ordre du jour des assemblées, précise le Sénat.

Recourir à des ordonnances n'écarte pas tout droit d'amendement des parlementaires. Et le projet de loi d'habilitation et le projet de loi de ratification peuvent être amendés. Toutefois, a précisé le Conseil constitutionnel, dans une décision du 31 juillet 2014 [le Conseil constitutionnel peut en effet être saisi de la loi d'habilitation et de la loi de ratification] le champ ou la portée de l'habilitation ne peut être étendu par voie d'amendement d'origine parlementaire.

 

Les ordonnances et le nécessaire respect de la loi Larcher

Emmanuel Macron reçoit ce mardi l'ensemble des partenaires sociaux afin d'échanger sur le contenu des réformes à venir sur le marché du travail. La loi Larcher (article L. 1 du code du travail) oblige à saisir au préalable les partenaires sociaux de "tout projet de réforme envisagé par le gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle, et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle". Une concertation doit s'ouvrir à l'occasion de laquelle les partenaires sociaux peuvent décider d'ouvrir une négociation sur le sujet. Le gouvernement doit leur transmettre un document d'orientation présentant les éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options.

Le gouvernement se contente pour l'instant d'évoquer des "consultations" qui, dès lors qu'elles ne rempliraient pas les conditions posées par la loi Larcher, ne permettraient pas de répondre aux exigences de l'article L. 1.

Le gouvernement peut invoquer la notion "d'urgence" afin de ne pas respecter cette concertation préalable. Toutefois, souligne Jean-Emmanuel Ray, dans une chronique publiée sur le blog du Club des juristes, "si cette urgence n’est pour l’instant guère contrôlée, la seule arrivée d’une nouvelle majorité ne suffit pas".

 
Consultation du Conseil d'Etat et de diverses instances

Aux différentes étapes du processus, plusieurs instances doivent être consultées.

Au premier chef, le Conseil d'Etat à qui est soumis le projet de loi d’habilitation. Comme le rappelle, le professeur de droit Jean-Emmanuel Ray, le Conseil d’Etat, va vérifier que l'article L.1 du code du travail a bien été respecté. Il va également "contrôler sa conformité à la Constitution, au droit communautaire et aux sources supra-nationales comme les conventions OIT".

Le Conseil d'Etat est ensuite consulté de nouveau sur les ordonnances elles-mêmes, "en particulier sur le respect par le gouvernement du cadre fixé par la loi d’habilitation", souligne Jean-Emmanuel Ray.

Mais ce n'est pas tout. La Commission nationale de la négociation collective (CNNC) a notamment pour mission d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret relatifs aux règles générales relatives aux relations individuelles et collectives du travail, notamment celles concernant la négociation collective (article L. 2271-1 du code du travail). Sur le barème d'indemnités de licenciement injustifié, le gouvernement devra également consulter le Conseil supérieur de la prud'homie.

Nécessité de décrets d'application

Enfin qui dit ordonnances dit - dans la majorité des cas - des décrets d'application. L'ordonnance ne peut en effet traiter que de thèmes qui relèvent de la loi. Le gouvernement ne peut en profiter pour prendre des mesures réglementaires. Des décrets d'application seront donc nécessaires pour modifier la partie réglementaire du code du travail afférente. Là encore, le gouvernement devra faire avec des délais incompressibles : outre la rédaction même des décrets - qui peut aller vite s'ils sont rédigés en même temps que les ordonnances - les décrets devront être soumis au Conseil d'Etat (mis à part les décrets simples).

On le voit, si la réforme peut être bouclée dans ses grandes lignes à la rentrée, son entrée en vigueur devrait demander un peu plus de temps.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Florence Mehrez
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