Réforme du contrôle des concentrations : un «petit» choc de simplification ?

Réforme du contrôle des concentrations : un «petit» choc de simplification ?

25.06.2018

Gestion d'entreprise

L’Autorité française de la concurrence a présenté le 7 juin plusieurs pistes de réforme du contrôle des concentrations. Fayrouze Masmi-Dazi, avocat associée du cabinet Artemont, nous livre son point de vue sur le plan de simplification proposé qu’elle juge opportun mais dont on peut espérer qu’il sera encore plus audacieux.

La consultation publique sur la modernisation et la simplification du droit des concentrations aura duré 8 mois, mais l’Autorité a d’ores et déjà annoncé qu’il ne s’agit que de la première étape des travaux de refonte plus large du système qui se poursuivront encore jusqu’en 2019. Cette première salve de réflexion a néanmoins déjà porté des fruits forts intéressants pour les entreprises notamment dans le sens d’une simplification.

Les mesures de simplification proposées sont de trois ordres :

  • d’abord un allègement du formulaire de notification pour les procédures simplifiées ;
  • ensuite la création d’un mécanisme de déclaration ultra-simplifiée en ligne pour certaines opérations ;
  • enfin, l’élargissement du bénéfice de la procédure simplifiée (et donc d’un calendrier procédural plus court) à des opérations qui n’en bénéficiaient pas jusqu’alors.

Par ces mesures, l’Autorité annonce que près de 70 % du nombre d’opérations traitées vont bénéficier d’un délai procédural raccourci.

Un allègement limité du formulaire mais un nouveau système de déclaration ultra-simplifiée

La procédure simplifiée est en substance la promesse d’obtenir une décision d’autorisation en 3 semaines plutôt que 5 à compter de la notification formelle. Elle a, en effet, vocation à s’appliquer aux opérations qui ne portent pas atteinte à la concurrence, en tout cas pas de manière substantielle. Pourtant, son périmètre était limité et le niveau d’information requis jusqu’à présent suivait, à peu de chose près, le régime « normal » d’examen.

Jugeant à l’issue de cette consultation publique que certaines informations requises dans la « fameuse » annexe financière 4-4 n’étaient pas indispensables (produits financiers de placements, immobilisations corporelles, incorporelles, etc.), l’Autorité propose purement et simplement de les supprimer. Désormais, seuls les chiffres d’affaires totaux, européens et français hors taxes, ainsi que le résultat net des entreprises concernées seront requis sauf demande spécifique.

A cette première mesure, s’ajoute une proposition plus audacieuse, mais non encore opérationnelle, visant la création d’un dispositif de déclaration ultra-simplifiée en ligne pour les opérations qui bénéficiaient jusqu’à présent de la procédure simplifiée (absence de chevauchement et absence de changement d’enseigne). Si ce système promet un gain de temps et donc d’argent pour les entreprises, il reste plusieurs paramètres à déterminer. A titre d’exemple, il pourrait être envisagé de conserver pendant une durée déterminée des informations remplies lors de précédentes opérations, au moins à titre indicatif, car les données de marché doivent être mises à jour. Il pourrait être instauré des restrictions d’accès aux données pour les entreprises, leurs conseils et l’Autorité afin de préserver les secrets d’affaires et les informations commercialement sensibles.

Gestion d'entreprise

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Plus d’opérations éligibles à la procédure simplifiée

L’une des annonces majeures de l’Autorité tient à l’élargissement de la procédure simplifiée à des opérations qui n’en bénéficiaient pas jusqu’ici. Six nouveaux cas seraient désormais éligibles.

Une première catégorie couvre les cas de chevauchement horizontal lorsque la part de marché cumulée est inférieure à 25 % ou lorsque la part de marché cumulée est inférieure à 50 % et n’augmente que de moins de 2 points. Le fait de retenir une augmentation du niveau de part de marché plutôt que l’indice de concentration - contrairement à la Commission européenne -, est une nouveauté qui mérite d’être soulignée.

La procédure simplifiée s’appliquerait également en cas de liens verticaux lorsque la part de marché des entreprises sur l’un quelconque des marchés est inférieure à 30 %.

S’ajoutent à ces trois premières hypothèses relativement classiques, trois autres cas couvrant :

  • l’acquisition de contrôle exclusif par un actionnaire qui détenait déjà un contrôle conjoint de la cible,
  • la création d’une joint-venture (JV) de plein exercice exclusivement active hors de France,
  • ainsi que l’acquisition de contrôle conjoint sur un actif immobilier en VEFA (vente en l'état futur d'achèvement) précommercialisé.

Ces trois nouveaux cas sont une avancée car ils représentent un volume de concentrations relativement important et récurrent qui ne pose généralement aucun problème sérieux de concurrence. Il faut donc saluer le pragmatisme de l’Autorité sur ce sujet et son écoute lors de la consultation publique.

L’élargissement de la procédure simplifiée va libérer des ressources de l’Autorité pour une allocation plus efficiente centrée sur les cas les plus susceptibles de soulever des préoccupations de concurrence. Il permettra également un gain de temps aux entreprises, pas tant sur le contenu du formulaire qui change peu, que sur le raccourcissement du délai d’examen. Mais l’Autorité aurait pu aller plus loin encore dans l’exercice de simplification.

Pourquoi ne pas aller plus loin ?

Les propositions sont bienvenues et opportunes mais ne constituent à l’évidence pas une révolution. L’Autorité n’a par exemple pas retenu l’hypothèse d’un formulaire simplifié à l’instar de ce que pratique la Commission européenne. En pratique néanmoins, les sections à remplir dans le cadre d’une opération éligible au traitement simplifié actuel sont relativement limitées.

On peut regretter également que les nouveaux cas éligibles à la procédure simplifiée ne puissent bénéficier du mécanisme de déclaration ultra-simplifiée, a minima dans certains cas. Il serait en effet pertinent de réfléchir à l’opportunité d’élargir le champ du mécanisme ultra-simplifié aux trois derniers types d’opérations mentionnés (passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif par un des actionnaires co-contrôlants, JV exerçant son activité hors de France et acquisition conjointe d’un actif immobilier en VEFA précommercialisé). Dans ces trois cas, les préoccupations de concurrence sont généralement absentes et l’analyse standardisée.

 

Fayrouze Masmi-Dazi
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