Exécution forcée, réfaction du prix, résolution par notification, cessions de contrat et de dette : les changements substantiels apportés par la réforme ne manquent pas.
L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats modifie en profondeur les sanctions en cas d'inéxecution. Richard Marty, maître de conférences à l’université du Maine et avocat of counsel du cabinet Dentons fait le point sur ce qui entérine la jurisprudence et sur les nouveautés apportées au code civil.
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Cet article fait partie d'un dossier dédié à la réforme du droit des obligations.
Que change l’ordonnance concernant le régime des sanctions ?
Incontestablement, le régime des sanctions en cas d’inexécution totale ou partielle tend vers une plus grande efficacité. Le renforcement des sanctions fait écho à une protection accrue des parties en amont du contrat. Si les parties ont été correctement protégées dans la phase des négociations et plus largement lors de la formation du contrat, elles doivent impérativement respecter la parole donnée. C’est, pourrait-on dire, la dimension coercitive de la bonne foi et de la loyauté qui innervent, désormais, les temps du contrat.
D’abord, l’exception d’inexécution qui existait dans notre droit prétorien s’enrichit dorénavant d’une fonction de garantie par voie d’anticipation (article 1220). L’exécution va pouvoir être retenue par une partie au cas où il est manifeste que le co-contractant n’arrivera pas à s’exécuter à terme. C’est une sanction dont la portée est sensiblement élargie. Mesure de justice privée, cette sanction qui s’abstrait de l’intervention du juge demeure temporaire.
Ensuite, l’exécution forcée en nature, qu’elle soit directe ou indirecte, est aussi considérablement renforcée. La jurisprudence, extrapolant la portée de l’article 1142 du code civil, considérait qu’il n’y avait pas d’exécution forcée en nature des obligations de faire et de ne pas faire. La réforme réaffirme avec vigueur l’idée selon laquelle l’exécution forcée en nature est remise au centre du dispositif. Ce n’est pas nouveau, mais c’est considérablement plus efficace. L’ex��cution forcée en nature va s’appliquer à toutes les obligations sauf si sa mise en œuvre conduit à une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier agissant. La Chancellerie a pris en considération le besoin des praticiens d’obtenir du juge l’exécution en nature. A titre d’illustration, la pratique des acquisitions pourra ainsi compter sur l’efficacité des promesses unilatérales de cession de parts sociales.
Enfin, l’article 1223 pose un nouveau principe : la réfaction du prix envisagée de façon générale. Cette réfaction permet au créancier de solliciter et notifier sa décision de réduire le prix. Le système de la réfaction du prix est ainsi généralisé dès lors que l’exécution est imparfaite. Comme les autres sanctions, cette dernière peut être cumulée avec des dommages et intérêts.
Existe-t-il des différences entre l’ancien principe de résolution et la résolution par notification (articles 1224 et suivants) ?
Au-delà des termes, il s’agit de la codification de la résolution unilatérale initiée par la jurisprudence. C’est une prérogative unilatérale octroyée à la partie qui se considère victime d’une inexécution d’une gravité suffisante au point de ne pouvoir envisager la poursuite du contrat. Exercée à ses risques et périls et après mise en demeure, cette prérogative unilatérale reste soumise à un contrôle du juge a posteriori qui en vérifiera la mise en œuvre et l’opportunité.
La volonté de la Chancellerie de promouvoir des prérogatives unilatérales et de sensibiliser les parties à leur utilisation abusive est intéressante. Comme l’exprimait Talleyrand, « tout ce qui est excessif est insignifiant ». Aux parties de rester raisonnables dans la mise en œuvre de ces prérogatives unilatérales sous peine d’être sanctionnées pour abus. C’est finalement ce principe du raisonnable qui irrigue toute la phase contractuelle.
Le système des clauses résolutoires est désormais codifié par cette ordonnance. C’est une pratique que les entreprises connaissent bien. Elles sont dorénavant clairement encadrées par un régime légal et pareillement soumises au contrôle du déséquilibre significatif de l’article 1171 si le contrat est d’adhésion.
Qu’en est-il de la cession de contrat (article 1216) ?
La cession de contrat est enfin codifiée. Elle existait avec une insécurité juridique relativement importante puisqu’elle n’était fondée que sur une jurisprudence peu fournie et parfois ambiguë. Elle faisait d’ailleurs l’objet de discussions doctrinales. Elle est ainsi pourvue d’un régime légal clair, efficace et cohérent notamment quant à l’opposabilité des exceptions. C’est de toute évidence une avancée pour la pratique.
Et la cession de créance (article 1321) ?
Elle est modernisée en supprimant la signification extrajudiciaire. Elle s’harmonise avec le régime des articles L.313-23 et suivants du code monétaire et financier.
Constatée par écrit à peine de nullité, l’effet translatif entre les parties et son opposabilité se font à la date de l’acte de cession.
Néanmoins, la grande nouveauté réside dans la cession de dette (article 1327). C’est un instrument intéressant qui aura besoin de trouver ses utilités au-delà des opérations de défaisance en droit financier.
Notre code civil contient désormais la totalité du périmètre des obligations qui peuvent circuler : cession de contrat, cession de créance et cession de dette.
L’ordonnance vient-elle préciser le régime de la délégation ?
La délégation de dette ou plus exactement de débiteur est un outil très utile pour les praticiens et les entreprises. Elle n’avait pour siège que deux articles (articles 1275 et 1276) et était l’objet d’une insécurité juridique certaine due aux interprétations divergentes qu’en donnaient les chambres civile et commerciale de la Cour de cassation. Cette insécurité juridique prend fin avec la réforme qui confère à cet instrument un régime juridique très bien rédigé et flexible pour les rédacteurs d’actes.
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