Réforme du droit des sûretés : nouveaux ajustements du calendrier et du texte
02.07.2021
Gestion d'entreprise

En raison du covid-19, la publication de l'ordonnance, initialement fixée au 23 mai 2021, est reportée au plus tard au 23 septembre et son entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2022. Un projet d'ordonnance a été diffusé en juin 2021.
Comme on le sait, la loi Pacte du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises, a confié au gouvernement le soin de légiférer par voie d’ordonnance pour modifier le droit des sûretés (L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 60 : « La loi Pacte annonce une réforme du droit des sûretés en 2021 ») avec un double objectif : d’une part, clarifier et améliorer la lisibilité du droit des sûretés, dans un souci de sécurité juridique et d’attractivité du droit français ; d’autre part, renforcer son efficacité, afin de faciliter le crédit et donc le financement de l’activité économique, tout en assurant l’équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants. Cette réforme du droit des sûretés s’impose surtout aujourd’hui pour parachever celle de l’ordonnance du 23 mars 2006 (v. numéro spécial 84-1, « Réforme du droit des sûretés, Ord. n° 2006-346, 23 mars 2006 ») qui non seulement n’avait pas retouché le cautionnement, mais qui n’avait pas non plus, par ailleurs, poussé jusqu’à son terme l’entreprise de simplification des sûretés réelles. A la suite des observations formulées sur l’avant-projet d’ordonnance de décembre 2020 soumis à consultation en janvier 2021, un projet d’ordonnance vient d’être diffusé en juin 2021 (Projet Ord., portant sur la réforme du droit des sûretés).
Gestion d'entreprise
La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...
Remarque : la loi Pacte a prévu également la nécessité de simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du code de commerce, en particulier dans les différentes procédures collectives (L., art. 60, 14°). Il faut souligner que la réforme du droit des sûretés est également liée à celle du droit des procédures collectives annoncée par l’article 196 de la loi Pacte qui a autorisé le gouvernement à transposer la directive « restructuration et insolvabilité » (Dir. UE, 2019/1023, 20 juin 2019, art. 34 : JOUE, 26 juin, L172/18).
Nouveau calendrier de publication de l’ordonnance
Le législateur a donné un délai de 2 ans pour mettre en place « le nouveau droit des sûretés », soit avant le 23 mai 2021 (L. Pacte, art. 60). Un avant-projet d’ordonnance de décembre 2020 a été soumis à une consultation des milieux professionnels, associatifs et universitaires, consultation qui a pris fin le 31 janvier 2021. Il s’appuie largement sur un rapport commandé à l’Association Henri Capitant par la Chancellerie et piloté par le Professeur Michel Grimaldi, qui a été rendu en septembre 2017.
En raison de la situation sanitaire, l’article 14 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a reporté de 4 mois l’échéance initialement fixée au 23 mai 2021, soit au 23 septembre 2021. L’ordonnance relative aux sûretés étant liée à l’ordonnance relative à la transposition de la directive « restructuration et insolvabilité », dont la date a été fixée au plus tard le 17 juillet 2021 (Dir. UE 2019/1023, 20 juin 2019, art.34), une publication avait été d’abord annoncée pour cette date. Mais elle serait repoussée au mois de septembre 2021 car le projet d’ordonnance relatif à la transposition de la directive n’a toujours pas été diffusé. Les deux ordonnances devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2022, étant donné que c’est la date fixée par le projet d’ordonnance relatif aux sûretés (Projet Ord., art. 37).
Le présent commentaire propose de rappeler de manière synthétique les principales évolutions du droit des sûretés qui résulteront de la réforme en insistant sur les ajustements opérés par le projet d’ordonnance au regard de l’avant-projet. Quelques mots sur la réforme des sûretés personnelles précéderont des précisions s’agissant des sûretés réelles.
Sûretés personnelles
La loi Pacte n’a pas autorisé le gouvernement à modifier la garantie autonome et la lettre d’intention, par conséquent seul le droit du cautionnement fait l’objet d’importantes retouches. Les grandes modifications à venir sont détaillées ci-dessous.
Nouveau critère de qualification de cautionnement commercial
Aujourd’hui, le cautionnement, qui est un acte civil par nature, peut devenir commercial dans quatre cas : par nature, par la forme, par accessoire et lorsque la caution jouit d’un intérêt patrimonial dans l’opération garantie. Ce dernier cas de commercialité est l’œuvre de la jurisprudence et suscite un certain nombre de difficultés d’application. En effet, lorsqu’un dirigeant d’entreprise se porte caution des dettes de son entreprise, l’intérêt pécuniaire dans l’opération garantie est facile à établir. Mais quid lorsque le conjoint d’un dirigeant ou même un actionnaire se portent caution ? Doit-on considérer qu’ils sont intéressés à la dette et qu’il convient de qualifier le cautionnement de commercial ? Les décisions des juges du fond sont fluctuantes.
Pour résoudre cette difficulté, l’avant-projet d’ordonnance suggérait de s’appuyer sur la nature de la dette garantie pour qualifier le cautionnement de commercial ou de civil. Sauf que cette solution présentait un certain nombre d’inconvénients, comme celui de qualifier de civil le cautionnement émis par une banque. Pour cette raison, le projet d’ordonnance suggère une autre piste : intégrer dans l’article L. 110-1 du code de commerce un nouvel acte de commerce. La loi réputerait ainsi commercial, entre toutes personnes, le cautionnement d’une dette commerciale (C. com., art. L. 110-1, 11°, créé par Projet Ord., art. 28). La solution présente le mérite essentiel d’éviter les écueils préalablement énoncés et surtout de soumettre à la même juridiction la dette principale et le contrat de cautionnement, et de promouvoir ainsi une bonne administration de la justice.
Simplification du formalisme applicable au contrat de cautionnement
On sait aujourd’hui que la question est complexe puisque les textes qui régissent le formalisme du cautionnement figurent à la fois dans le code civil, qui pose en règle que la mention manuscrite est une exigence de preuve, et dans des textes spéciaux, en particulier dans le code de la consommation, qui affirme notamment que la caution personne physique qui s’engage au profit d’un créancier professionnel doit satisfaire à une mention manuscrite type (C. consom., art. L. 331-1). Le contentieux suscité par la question est colossal si bien que la réforme du cautionnement est l’occasion de faire évoluer la donne. Ainsi seront rapatriés dans le code civil les différents textes régissant la question. Une nouvelle mention, moins contraignante, sera exigée à peine de nullité. Et le champ d’application du nouveau texte évoluera car il profitera à toutes les cautions personnes physiques et s’imposera à tous les créanciers (C. civ., art. 2297, mod. par Projet Ord., art. 3). Une mention type sera également exigée pour les cautionnements solidaires (C. civ., art. 2297, al. 2, mod. par Projet Ord., art. 3). Sur ce point, le projet d’ordonnance confirme ce que l’avant-projet avait suggéré comme solution.
Réécriture de l’exigence de proportionnalité du cautionnement
Plusieurs textes figurant dans le code de la consommation (art. L.314-18, L. 332-1 et L. 343-4) imposent au créancier professionnel une exigence de proportionnalité. Ils coexistent avec la jurisprudence de la Cour de cassation ayant, elle aussi, mis en place cette exigence dans certaines situations résiduelles.
Le code civil abritera désormais cette règle, laquelle jouera au profit de toutes les cautions personnes physiques lorsque leur engagement sera, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution (C. civ., art. 2300, mod. par Projet Ord., art. 3). L’exigence de proportionnalité s’imposera à tout créancier. La sanction sera désormais la réduction du cautionnement au montant à hauteur duquel la caution pouvait s’engager. Elle sera donc moins radicale que l’impossibilité actuelle pour le créancier de se prévaloir du cautionnement.
Si l’avant-projet d’ordonnance maintenait la possibilité du créancier de poursuivre la caution revenue à meilleure fortune au moment de la défaillance du débiteur (C. civ., art. 2299, mod. par avant-projet Ord.), le projet d’ordonnance supprime cette opportunité en partant de l’idée, tout à fait justifiée à notre sens, que cette disposition nuisait au caractère dissuasif de la sanction.
Création d’une obligation de mise en garde dans le code civil au profit de la caution
Le droit positif est particulièrement complexe et suscite un contentieux très abondant s’agissant de l’obligation de mise en garde de la caution. Pour y remédier, la Chancellerie entend introduire dans le code civil une nouvelle définition du devoir de mise en garde (C. civ., art. 2299, mod. par Projet Ord., art. 3). Tout créancier professionnel sera ainsi tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. Il en résulte que toute caution, et pas seulement la caution non avertie, bénéficiera de cette obligation de mise en garde. Seule l’adaptation de l’engagement du débiteur à ses capacités financières comptera au lendemain de la réforme. Exit donc l’appréciation de la capacité financière de la caution. Exit également l’obligation de mettre en garde quant à l’absence de viabilité du projet financé par le prêt garanti par le cautionnement, l’une et l’autre imposées par la jurisprudence. Par ailleurs, la sanction changera puisque ce ne sera plus la responsabilité du créancier qui sera engagée. En effet, ce dernier sera déchu de son droit contre la caution à hauteur de la perte de chance de ne pas contracter dont celle-ci aura été privée. Comme on peut le constater, la question continuera de susciter du contentieux…
Rapatriement dans le code civil de l’ensemble des obligations d’information
Aujourd’hui, certaines cautions bénéficient d’une obligation d’information aussi bien quant à l’évolution de la dette du débiteur que quant à la défaillance de celui-ci. La difficulté tient à ce que les textes qui la consacrent se trouvent tantôt dans le code monétaire et financier (art. L. 313-22), tantôt dans le code civil (art. 2293, al. 2), ou encore dans le code de la consommation (art. L. 333-2, L. 314-7 et L. 333-1). De surcroît, ils ont des champs d’application qui se recoupent parfois avec des sanctions qui diffèrent. Il est donc possible d’être assez critique face à ce foisonnement de textes qui ne sont pas le produit d’une législation cohérente et réfléchie. Dès lors, la réforme permettra de rapatrier l’ensemble de ces obligations dans le code civil, qui en fera profiter toutes les cautions personnes physiques à condition que le créancier soit un professionnel (C. civ., art. 2302 et 2303, mod. par Projet Ord., art. 4).
Introduction de la possibilité pour la caution de se prévaloir de l’ensemble des exceptions tenant au contrat principal
Dans un arrêt discutable, la chambre mixte de la Cour de cassation a affirmé que la caution ne pouvait opposer au créancier la nullité pour dol du contrat principal (Cass. ch. mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602). Pour justifier sa position, elle s’est appuyée sur l’article 2313, alinéa 2 du code civil selon lequel la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur. Depuis, la Cour de cassation juge que la caution ne peut opposer au créancier que les exceptions inhérentes à la dette.
Outre le fait que cette solution semble porter atteinte au caractère accessoire du cautionnement, elle suscite des incertitudes lorsqu’il s’agit de délimiter les exceptions purement personnelles au débiteur et celles qui sont inhérentes à la dette.
Pour résoudre la difficulté, la réforme affirmera que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur (C. civ., art. 2298, mod. par Projet Ord., art. 3). La solution sera incontestablement bienvenue.
Le second alinéa de l’article 2298 précisera que toutefois la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire. La règle se justifie car le cautionnement a précisément pour finalité de couvrir une telle défaillance. Le droit des procédures collectives ou le droit du surendettement peuvent en effet prévoir des solutions différentes en fonction des objectifs qui sont les leurs.
Sûretés réelles
Les sûretés réelles seront également retouchées par la réforme.
Suppression de certaines sûretés obsolètes
Le droit français brille par le nombre conséquent de sûretés réelles à la disposition des créanciers. S’il est possible de s’en satisfaire car chaque créancier peut ainsi trouver la sûreté la plus adaptée à la situation du débiteur, cela nuit à la simplicité de la matière et à son attractivité. Par conséquent, le projet d’ordonnance tranche certaines questions laissées en suspens par l’avant-projet (ainsi, par exemple, dans l’avant-projet, était proposée l’option de faire disparaître ou de maintenir le privilège des frais de dernière maladie. Le projet d’ordonnance les supprime) et consacre la disparition d’un certain nombre de privilèges généraux ou spéciaux obsolètes (aubergiste sur les effets des voyageurs….) ainsi que nombre de gages spéciaux qui n’ont plus de raison d’être depuis que l’ordonnance de 2006 a consacré le gage sans dépossession dans le droit commun qui régit la matière (abrogation du gage de stocks, du gage commercial, du gage de l’outillage et du matériel d’équipement, des warrants pétroliers, hôteliers et des stocks de guerre et industriels).
Modification du régime juridique de la sûreté réelle pour autrui
Pour clore un débat opposant la première chambre civile et la chambre commerciale, et qui au demeurant divisait aussi la doctrine, la Cour de cassation s’est réunie en chambre mixte et a posé en règle qu’une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’implique aucun engagement personnel à satisfaire l’obligation d’autrui et n’est pas dès lors un cautionnement (Cass. ch. mixte, 2 déc. 2005, n° 03-18.210). Pour autant, la solution qu’elle consacre est loin de faire l’unanimité. Le cautionnement réel est une forme hybride de sûreté car, personne ne peut le contester, elle emprunte aux sûretés réelles sa technique juridique et aux sûretés personnelles l’absence d’identité du débiteur et du constituant. En effet, cette sûreté repose sur la constitution d’un droit réel accessoire par un tiers non débiteur de la créance garantie.
Si le groupe de travail Grimaldi avait suggéré d’introduire cette sûreté dans le giron du cautionnement, le projet d’ordonnance envisage, à l’image de l’avant-projet, de créer un texte spécifique dédié à cette garantie qui réaffirmera, comme la Cour de cassation l’a fait, la nature exclusivement réelle de cette sûreté (C. civ., art. 2325, mod. par Projet Ord., art. 6, I). Toutefois, le garant réel pour autrui pourra bénéficier d’un certain nombre de règles protectrices dont jouissent les cautions (devoir de mise en garde, créance d’obligations d’information, bénéfice de discussion, bénéfice de subrogation, recours identiques à la caution…). Un équilibre satisfaisant est ainsi trouvé.
Transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales
Une des grandes innovations envisagées tient à ce que, dorénavant, les privilèges immobiliers seront tous généraux. Il n’y aura donc plus de distinction entre les spéciaux et les généraux. Les privilèges spéciaux seront ainsi intégrés dans le cadre des hypothèques légales (C. civ., art. 2402 et s., mod. par Projet Ord., art. 17, XI). L’objectif poursuivi est de simplifier et d’unifier les sûretés immobilières. L’intérêt de cette évolution est également de supprimer la rétroactivité attachée à l’heure actuelle à l’inscription des privilèges spéciaux immobiliers, ce qui répond également à l’objectif de sécurité juridique poursuivi par la réforme.
Création de nouvelles sûretés réelles
Le projet d’ordonnance valide l’avant-projet Grimaldi avec la création de la cession de créances à titre de garantie (C. civ., art. 2373 et s., créés par Projet Ord., art. 11) ainsi que de la cession de sommes d’argent à titre de garantie (C. civ., art. 2374 et s., créés par Projet Ord., art. 11).
Nos engagements
La meilleure actualisation du marché.
Un accompagnement gratuit de qualité.
Un éditeur de référence depuis 1947.
Des moyens de paiement adaptés et sécurisés.