Réforme du Livre VI : privilège en cas d’apport de trésorerie

15.10.2021

Gestion d'entreprise

L’ordonnance du 15 septembre 2021 pérennise la création d’un privilège en cas d’apport d’argent frais en sauvegarde et en redressement judiciaire

L'article 17 de la directive (UE) 2019/1023 du parlement européen et du conseil du 20 juin 2019 mais surtout l'article 60, I, 14° de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte, invitaient à créer « les conditions permettant d'inciter les personnes à consentir un nouvel apport de trésorerie au profit d'un débiteur faisant l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire avec poursuite d'activité ou bénéficiant d'un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal ».

Gestion d'entreprise

La gestion d’entreprise constitue l’essentiel de l’activité d’un dirigeant d’entreprise. Elle fait appel à un grand nombre de notions empruntées de la comptabilité, de la finance (gestion des risques au moyen de la gestion des actifs et des assurances professionnelles), du droit des affaires (statut juridique, contrats commerciaux, fiscalité, cadre réglementaire et légal de l’activité), de la gestion de ressources humaines...

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Et l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19, en son article 5, IV avait créé un privilège de new money en faveur des personnes qui consentent un nouvel apport de trésorerie au débiteur pendant la période d'observation ou lors de l’arrêté ou de la modification du plan.

Ce privilège était initialement applicable jusqu’au 31 décembre 2020, date que l’article 124 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique avait repoussé au 31 décembre 2021. L’ordonnance du 15 septembre 2021 pérennise ces privilèges.

Privilège en période d’observation

L’ordonnance du 15 septembre 2021 modifie l’article L. 622-17 applicable aux créances postérieures en sauvegarde mais également en redressement judiciaire, sur renvoi de l’article L. 631-14. Sont concernées « les créances résultant d'un nouvel apport de trésorerie consenti en vue d'assurer la poursuite de l'activité pour la durée de la procédure » (C. com., art. L. 622-17, III, 2° mod. par art. 18) étant ajouté que ces apports sont autorisés par le juge-commissaire dans la limite nécessaire à la poursuite d’activité pendant la période d’observation et font l’objet d’une publicité (C. com., art. L. 622-17, III, dernier al. mod. par art. 18). Ils figurent désormais au 2ème rang du paiement des créances dans le III de l’article L. 622-17.

Parallèlement, le 2ème rang est donc devenu un 3ème rang mais il ne vise plus les prêts puisque ceux-ci bénéficieront dudit privilège, mais seulement les créances résultant de l'exécution des contrats en cours poursuivis et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement différé, l’autorisation du juge-commissaire restant requise. Et comme auparavant, on trouve au dernier rang, 3ème devenu 4ème, les autres créances selon leur rang.

Dans le cadre de l’adoption du plan, ces créances ne pourront faire l’objet de délais ou remises qui ne seraient pas acceptés par les créanciers concernés, (C. com., art. L. 626-20, I, 4° mod. par art. 33), y compris lorsque des classes de parties affectées sont constituées (C. com., art. L. 626-30-2, al. 2 nouv. par art. 37). Enfin, il est prévu que ces créances soient payées en liquidation judiciaire au 8ème rang du nouvel article L. 643-8.

Privilège pour l’exécution du plan

L’article L. 626-2 prévoit désormais dans un alinéa 2 nouveau que « Le projet de plan mentionne les engagements d'effectuer des apports de trésorerie pris pour l'exécution du plan » ce qui présuppose que les classes de parties affectées, si elles sont constituées, doivent se prononcer sur ces apports (Rapport au président de la République). Une fois le plan arrêté, il doit mentionner « de manière distincte les apports de trésorerie des personnes qui se sont engagées à les effectuer pour l'exécution du plan de sauvegarde arrêté par le tribunal » (C. com., art. L. 626-10 mod. par art. 31).

Ce même article est complété par un nouvel alinéa précisant que ces apports bénéficient du privilège prévu au 2° du III de l’article L. 622-17, très exactement comme les créanciers ayant fait des apports en trésorerie durant la période d’observation. Et il est expressément précisé, à l’instar de ce qui est prévu pour le privilège de conciliation, que « cette disposition ne s'applique pas aux apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d'une augmentation de capital. Elle ne peut bénéficier, directement ou indirectement, aux créanciers au titre de leurs concours antérieurs à l'ouverture de la procédure » (C ; com., art. L. 622-17 mod. par art. 18).

Exactement comme pour les apports en trésorerie effectués durant la période d’observation, ces créances ne peuvent faire l’objet de délais ou remises qui ne seraient pas acceptés par les créanciers concernés (C. com., art. L. 626-20, I, 4° mod. par art. 33), y compris lorsque des classes de parties affectées sont constituées (C. com., art. L. 626-30-2, al. 2 nouv. par art. 37). Toujours de la même manière, en liquidation judiciaire ces créances figureront au 8ème rang du nouvel article L. 643-8 .

Enfin, l’article L. 626-26 est modifié pour prévoir que le privilège de l’article L. 622-17, III, 2° bénéficie également aux apports en trésorerie l'article L. 622-17 bénéficie aux apports de trésorerie des personnes qui se sont engagées à les effectuer pour l'exécution du plan modifié par le tribunal dans les mêmes conditions que celles prévues au dernier alinéa de l'article L. 626-10 (C. com., art. L. 626-26 mod. par art. 36).

Privilège en liquidation judiciaire

L'article L. 641-14 subit également une modification. Ce texte prévoit en effet l'application en liquidation judiciaire, de certaines dispositions relatives à la sauvegarde en matière de détermination du patrimoine du débiteur, c'est-à-dire de vérification de créances notamment. Or, il est ajouté par l'article 55 de l'ordonnance, que les 2° et 3° du III de l'article L. 622-17 sont également applicables en liquidation judiciaire. Or, le 2° de l'article L. 622-17 vise les nouveaux apports en trésorerie consentis « en vue d'assurer la poursuite de l'activité pour la durée de la procédure ». Il nous semble donc qu'en liquidation judiciaire, en cas de poursuite d'activité, le privilège de new money pourrait trouver à s'appliquer.

Quant au 3°, il vise " Les créances résultant de l'exécution des contrats poursuivis conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement différé mais il n'y a là aucune innovation puisque cette règle figurait d'ores et déjà dans le III de l'article L. 641-13, III qui a été abrogé par l'article 54 de l'ordonnance.

Entrée en vigueur

Si l’ordonnance du 15 septembre entre en vigueur le 1er octobre 2021 et n’est pas applicable aux procédures en cours, à cette date, l’article 73, III institue une dérogation à cette règle.

Il précise en effet qu’en cas de modification du plan de sauvegarde ou de redressement arrêté dans une procédure ouverte avant le 22 mai 2020, l’article L. 626-26 nouveau est applicable, et ce, selon le rapport au Président, afin de « faciliter le financement de la modification d'un plan arrêté par le tribunal dans le cadre d'une procédure ouverte avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, cette dernière comportant déjà des dispositions instituant un privilège dans ce cadre pour les procédures ouvertes entre la date de son entrée en vigueur et celle de l'entrée en vigueur » de l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Il est toutefois ajouté que l’article L. 626-26 s’applique sans que le privilège qu’il prévoit « n'affecte les droits des créanciers mentionnés aux 9° à 11° de l'article L. 643-8 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'article 62 de la présente ordonnance ».

Pour plus de précisions,  voir le Bulletin spécial à paraître en novembre « Réformes des sûretés et des entreprises en difficulté ».

Philippe Roussel Galle, Conseiller scientifique
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